La question de «comment et quand impliquer la Russie» reste ouverte, a reconnu la présidente de la Confédération helvétique et hôte du sommet «sur la paix», Viola Amherd, ce 16 juin.
80 pays ont signé la déclaration commune, et les principaux alliés occidentaux de Kiev n'ont pas varié d'un iota leur ligne, mais rien ne semble concret. Le texte réaffirme «les principes de souveraineté, d'indépendance et d'intégrité territoriale de tous les États, y compris l'Ukraine». Il dénonce « la militarisation de la sécurité alimentaire» avant d'appeler à sécuriser toute menace nucléaire (en restituant à l’Ukraine la centrale de Zaporojié et en écartant l'utilisation d'armes nucléaires) ainsi que le retour des enfants ukrainiens déplacés.
«Nous pensons que parvenir à la paix nécessite l'implication et le dialogue entre toutes les parties », concède toutefois le document. «Nous avons donc décidé de prendre des mesures concrètes à l'avenir dans les domaines mentionnés ci-dessus avec un engagement accru des représentants de toutes les parties», poursuit-il.
Le ministre suisse des Affaires étrangères Ignacio Cassis a estimé qu'aucun des points discutés lors de la conférence ne pourrait être résolu sans la Russie, et que les thèmes avaient été choisis parce qu'ils répondaient également, selon lui, aux intérêts de Moscou.
Kuleba concède que la présence de la Russie est nécessaire pour la paix
«L’idée est que le prochain sommet devrait marquer la fin de la guerre. Et bien sûr, nous avons également besoin de l’autre partie à la table des négociations», a déclaré à la presse le chef de la diplomatie ukrainienne Dmitro Kuleba.
«Il est évident que les deux parties sont nécessaires pour mettre fin à la guerre, notre travail consiste à faire en sorte que l'Ukraine soit dans la position la plus forte à ce moment-là», a-t-il précisé, affirmant que l’Ukraine comprenait «parfaitement que le moment viendra où il sera nécessaire de parler à la Russie».
Le ministre a de surcroît admis que plusieurs pays avaient exprimé une vision différente du conflit: « Hier, des voix se sont élevées parmi les pays du Sud pour parler de compromis difficiles qui doivent être trouvés. Ce n’est pas le langage que nous entendons de la part des partenaires occidentaux», a-t-il rapporté.
Les membres des BRICS montrent leur désaccord
Hier, la Turquie, pourtant signataire, avait émis des réserves : «Je dois également noter que ce sommet aurait été davantage axé sur les résultats si l’autre partie au conflit – la Russie – était présente dans la salle», avait déclaré le chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan.
Plus encore, plusieurs puissances ont refusé de signer le texte. Notamment les membres des BRICS présents : le Brésil, l'Inde, les Émirats Arabes Unis. A ceux-ci s’ajoutent l’Arménie, l'État de Bahreïn, le Vatican, la Libye, le Mexique, l’Arabie saoudite et la Thaïlande, mais aussi la Jordanie et l'Irak, qui ont retirés plus tard dans la soirée, à la suite d'une erreur. La Chine avait choisi de ne pas participer au sommet parce que Moscou en était absent.
La veille, le président ukrainien avait exprimé l'espoir de fédérer la communauté internationale autour d'une proposition de paix qu'il pourrait éventuellement présenter à Moscou. La Russie et ses dirigeants «ne sont pas prêts à une paix juste», a-t-il accusé ce 16 juin lors d’une conférence de presse à l'issue du sommet. Moscou peut négocier la paix «demain, si elle se retire de notre territoire», a insisté Zelensky.
Poutine avait prévenu qu’il refuserait tout «ultimatum»
Ce sommet intervient alors que Kiev est en difficulté sur le front. Depuis plusieurs mois, Moscou qualifie cette conférence en Suisse d’«impasse». «Le sens de cet événement est clair : rassembler autant de pays que possible, puis déclarer que tout est convenu, ensuite présenter cela à la Russie comme une question déjà résolue, comme un ultimatum», avait déclaré Vladimir Poutine lors d’une visite officielle en Chine à la mi-mai.
Le 14 juin, à la veille de l’ouverture de cette conférence, Vladimir Poutine a déclaré que les autorités russes étaient prêtes à entamer des négociations avec l’Ukraine dès lors que celle-ci retirerait ses troupes des Républiques populaires de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL) ainsi que des régions de Zaporojié et de Kherson, et accepterait d’opter pour un «statut neutre – non aligné, non nucléaire», mais aussi une «démilitarisation» et une «dénazification», et une levée des sanctions contre la Russie.
Une proposition rejetée dans la foulée par Volodymyr Zelensky, qui a fustigé un «ultimatum» à la «Hitler».
Ce 16 juin, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que l'Ukraine devrait «réfléchir» à la proposition du président russe, assurant qu'il ne s'agissait pas d'un «ultimatum» mais «d'une initiative de paix qui tient compte des réalités du terrain».