Aussi vrai qu' une hirondelle annonce le printemps, depuis quelques années en France, le retour des beaux jours se trouve ponctué par les revendications des «défenseurs du burkini».
Depuis 2016, chaque été, s'offrent à notre vue les sempiternelles images montrant des femmes heureuses de barboter dans l'eau, le chant des revendications appelant aux belles valeurs de libertés est inexorablement récité, les mêmes indignations sont fatalement proférées, c'est tellement convenu et prévisible que cela en deviendrait presque lassant.
Presque, car force est de constater que telle la goutte d'eau qui érode la roche, après avoir été âprement défendu et ardemment contesté, d'année en année, le burkini devient de plus en plus familier dans le champ sémantique et lexical. De là à devenir familier dans l'espace public, plus précisément aquatique, il n'y a qu'un pas.
Burkini vs laïcité : bras de fer usant
Rappelons d'abord que ce vêtement de bain islamique est avant tout une success story bien occidentale. Mis au point au début des années 2000 par une Australienne d'origine libanaise, le concept de «hijab de bain» fonctionne tellement bien que moins d'une décennie plus tard, il arrive en Europe, et fait une apparition que l'on peut aisément qualifier de fracassante.
En 2009 en Seine-et-Marne, une trentenaire se voyant interdire l'accès de la piscine municipale, dépose une main courante tout en dénonçant la discrimination subie.
Quelques années plus tard, en 2016, devant la multiplication des revendications et des «happening médiatiques», le Conseil d’État, saisi par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le Comité contre l’islamophobie en France (CCIF), s’était prononcé contre l’arrêté «anti-burkini» de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) et l'a fait suspendre.
Pour faire simple, disons que techniquement depuis cette décision, le port du burkini est officiellement autorisé sur les plages françaises.
Ce 14 juin, le Conseil de l’État, saisi par Eric Piolle, maire EELV de Grenoble, devra à nouveau se prononcer sur l'usage du burkini, mais en piscine cette fois-ci. Cette décision constituera le dénouement d'un feuilleton marqué par de nombreux rebondissements.
En effet, courant du moi de mai, le maire de Grenoble autorise implicitement le port du burkini dans les piscines de la ville, le préfet de l’Isère dépose aussitôt un référé laïcité auprès du tribunal administratif de Grenoble. Une dizaine de jours plus tard, le tribunal fait suspendre le nouveau règlement des piscines municipales de Grenoble, et par conséquent, le port du burkini en piscine.
«C'est un choix de simplicité, enlevons les interdits», plaidait le 16 mai dernier Eric Piolle sur les ondes radiophoniques. Il justifiait alors son choix en évoquant la notion des libertés individuelles :
«On doit juste permettre aux femmes de se vêtir ou de se dévêtir comme elles le souhaitent, qu'elles puissent se baigner seins nus comme les hommes, que l'on puisse porter des maillots couvrant pour se protéger du soleil, qu'on puisse exprimer à la piscine comme dans la rue ses convictions politico-religieuses», déclarait-il.
Burkini vs monokini : une fausse bonne idée !
Or, mettre en parallèle la pratique du monokini à celle du burkini est surtout une idée absurde. Outre le fait que les deux soient antinomiques et peuvent difficilement cohabiter dans le même espace, il est aisé de voir que ces dernières années, on observe un net recul du monokini en France.
D’après une enquête réalisée en août 2017 par l’IFOP, le nombre de Françaises qui pratiquaient le topless a été divisé par deux au cours de ces 30 dernières années. Pour François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités de l’IFOP, cette tendance relève du «terrorisme esthétique», celle-ci est selon lui fortement liée au diktat du corps parfait : «C’est autant le regard des autres que le regard qu’elles portent sur elles-mêmes qui poussent les Françaises à moins se dévoiler aujourd’hui qu’hier.»
Par ailleurs, si le Monokini recule, une récente enquête publiée par L'Opinion mettait en lumière le récent engouement des plus jeunes pour les vêtements religieux. Le journal révélait que des vêtements islamiques tels que les abayas et kamis avaient fait leur apparition ces derniers mois aux portes de plusieurs lycées.
Les élèves, s'agissant de garçons ou de filles, adoptaient des tenues couvrantes, semblables à celles des musulmans les plus rigoristes. Selon l'enquête, le phénomène ne cesserait de prendre de l'ampleur, des «défis» sont même apparus sur les réseaux sociaux, incitant les jeunes à tester leur lycée.
Plusieurs académies seraient concernées par cet «effet de mode», et si certains établissements scolaires mettent leur veto, d’autres hésitent sur la posture à adopter.
Qu'il s'agisse de lycée ou de piscine, le processus de normalisation du burkini est le même employé pour le «hijab», les deux usent des mêmes éléments de langages, avancent les mêmes arguments et pratiquent le même entrisme.
Ces revendications peuvent compter sur le soutien inconditionnel de certaines associations : début mai, Médiapart publiait une tribune signée par une centaines de collectifs féministes s'étant exprimée en faveur du port du burkini à la piscine.
Les principes des libertés individuelles sont évoqués, or ce sont ces mêmes principes qui étaient invoqués en mars 2021 pour contester la décision du Sénat interdisant aux mineurs les signes religieux ostensibles dans l'espace public.
Ainsi, d'après cette logique, si les petites filles portent le voile ou le niqab, c'est leur choix...
Nesrine Briki