Quasiment inexistants dans les années 1980, les échanges entre la Chine et l'Afrique ont ensuite connu une accélération spectaculaire. Ce mouvement ne doit cependant pas cacher une réalité : la Chine ne va pas «développer» l'Afrique à elle seule. Elle n'en a d'ailleurs ni les moyens, ni même l'intention.
Dans les années 2000, la Chine effectua une fulgurante percée commerciale sur le continent africain. Résultat de cette politique, à partir de 2009, elle devint son premier partenaire commercial.
En 2013, le volume du commerce Chine-Afrique atteignit 210 milliards de dollars
En 2000, la France détenait 10 % des parts du marché africain sub-saharien, pourcentage tombé à 4 % en 2013. Dans le même temps, la part de la Chine passait de 2 à 16 %. En 2010, le commerce Chine-Afrique était égal au commerce Chine-Allemagne. En 2013, le volume du commerce Chine-Afrique atteignit 210 milliards de dollars et, en 2014, près de 2 500 entreprises chinoises étaient présentes sur le continent africain.
En 2009, lors de son voyage sur le continent, le président Hu Jintao exprima la doctrine africaine de la Chine en ces termes : «Construire un nouveau type de partenariat stratégique sur la base de l’égalité et de la confiance mutuelle au plan politique et par la coopération dans un esprit gagnant au plan économique.»
Chinois et Africains rejettent pareillement l'arrogance occidentale, ses diktats moraux ou comportementaux
En 2014, répliquant au président Obama après ses déclarations largement démagogiques lors du sommet Etats-Unis-Afrique, Li Keqiang, Premier ministre de la République populaire de Chine déclara : «Je voudrais affirmer à mes amis africains, avec toute ma sincérité, que la Chine n'entend aucunement agir de façon impérialiste, comme certains pays l'ont fait auparavant.»
De fait, Chinois et Africains rejettent pareillement l'arrogance occidentale, ses diktats moraux ou comportementaux comme les droits de l'homme, la «bonne gouvernance», l'impératif démocratique, l'égalité des sexes, la place accordée à l'homosexualité, la religion de l'environnement etc.
La lune de miel entre Pékin et l'Afrique semble cependant terminée
La Chine joua habilement sur ce rejet pour prendre pied, puis pour s'implanter en Afrique car elle a un besoin vital de ses minerais. En 2013, elle consomma ainsi 70 % de la production mondiale de fer et 40 % de celle du zinc. Son industrie est également une très grosse importatrice de cuivre, de nickel, de cobalt, d'uranium et de bois, en plus, naturellement, du pétrole. En 2014, 80 % des achats chinois à l'Afrique se composaient, dans l'ordre décroissant, de pétrole, de minerai de fer, de manganèse, de cuivre, de bois et de cobalt. Cette année là, 50 % du commerce Chine-Afrique se fit avec deux pays, l'Afrique du Sud et l'Angola, cependant que 85 % du commerce Afrique-Chine se fit avec cinq pays, dans l'ordre décroissant l'Angola, la Guinée équatoriale et le Nigeria (pétrole), la RDC (minerais) et le Soudan (pétrole) (Banque mondiale 2014).
Dans le domaine de l’investissement direct, les Chinois sont présents dans tous les secteurs, qu’il s’agisse du BTP, des transports, de la téléphonie, de l’agriculture, de la pêche. Les sociétés chinoises s’appuient sur la China Exim Bankqui, à l’image de la Coface française, assure et garantit les transactions.
L'égoïsme de Pékin est illustré par une présence uniquement commerciale
La lune de miel entre Pékin et l'Afrique semble cependant terminée. En réaction à l'agressivité commerciale chinoise en Afrique, de plus en plus nombreuses sont, en effet, les études qui délivrent un message alarmiste dénonçant un néocolonialisme chinois, un «cauchemar africain», un «pillage du continent», des «liens de dépendance» voire un «système cleptocratique».
L'égoïsme de Pékin est illustré par une présence uniquement commerciale. En 2013, l'aide chinoise à l'Afrique atteignit ainsi moins de 2 milliards de dollars quand celle de l'UE et des Etats-Unis était de 23 milliards.
Les investissements chinois étaient certes importants, mais moins que ce l'on croit généralement. Toujours en 2013, ils ne représentaient en réalité que 3 % des investissements chinois dans le monde, chiffre qui permet donc de relativiser la «prise de contrôle» de Pékin sur le continent africain.
Les exportateurs chinois ont porté un coup mortel à l’industrie textile africaine
L’exemple du textile est une illustration des méthodes chinoises. Ainsi, en quelques années, les exportateurs chinois ont porté un coup mortel à l’industrie textile africaine. Au Nigeria, 80 % des entreprises ont fermé et en Afrique du Sud 50 %, car les Chinois vendent des produits moins chers que ceux fabriqués en Afrique et parfois même à des prix inférieurs au simple coût de la matière première.
Quant aux conditions financières de l’aide, elles ont eu pour résultat de livrer plusieurs pays africains pieds et poings liés à Pékin, à travers des prêts préférentiels ou même sans conditions. Généreusement octroyés, ces derniers font replonger les pays bénéficiaires dans la spirale de l’endettement dont certains commençaient tout juste de sortir. En réalité, la Chine prête pour financer des routes, des ponts, des lignes ferroviaires, des aéroports et en échange, les Etats africains lui accordent des contrats de construction ou des concessions minières.
Cité par l’hebdomadaire Jeune Afrique, M. Moeletsi Mbeki, vice-président de l’Institut sud-africain des affaires étrangères considère même que : «L’Afrique vend des matières premières à la Chine, qui lui revend des produits manufacturés. C’est une équation dangereuse qui reproduit le vieux système de relation avec une puissance coloniale. L’équation n’est pas soutenable. D’abord l’Afrique a besoin de préserver ses ressources naturelles pour son développement industriel futur. En outre, la stratégie d’exportation de la Chine contribue à désindustrialiser des pays africains moyennement développés ».