«J’ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l'Etat islamique». Salah Abdeslam est devant ses juges. Justice sera rendue et le sera au nom du peuple français. C'est désormais la République et la démocratie qui ont la main, comme l'a fort justement dit le président de la Cour, Jean-Louis Périès.
Il n'empêche, le décor est planté et il ne faut se faire aucune illusion. Le terroriste qui a participé à ensanglanter notre pays, s'il a échoué dans l'ignoble mission qui était la sienne, semer la mort et le chaos en se faisant exploser, ne compte pas en rester là. Son gilet explosif n'a pas fonctionné, peut-être qu'au dernier moment il n'en a pas eu la force.
Il est donc le seul survivant de cet escadron de la mort, biberonné à la haine à l'état pur de ce que nous sommes et de ce que nous représentons. Il n'est pas encore au paradis qui lui est promis, il l'a encore rappelé lors du premier jour d'audience.
Il sait qu'il n'y a pour lui aucune clémence à attendre et qu'il sera condamné par la peine la plus lourde prévue par notre code pénal. Perpétuité et peine de sûreté.
Mais il l'a dit : il est un combattant de Daesh.
Le procès qui s'ouvre sera un nouveau champ de bataille, une nouvelle opportunité de se poser en militant de l’Etat islamique. Ce procès sera pour lui une «seconde chance».
Il ne faut nourrir aucun espoir, aucune espérance de le voir faire amende honorable. Il ne fera aucune excuse, il n'aura aucun remord et nous devons nous départir de toute naïveté. Il poursuit et poursuivra la guerre qu'il s'est juré de nous livrer.
A défaut de mourir le 13 novembre 2015 en emportant avec lui le maximum d'hommes, de femmes et peut-être d'enfants, à défaut de se volatiliser en «martyr» du fascisme islamiste, il s'immolera symboliquement face à une justice qu'il ne reconnaît pas avec pour seul objectif : celui de servir d'exemple et de faire des émules partout où il pourra en faire.
Si l'accusé est dans le box, il n'est que l'aboutissement d'un processus idéologique qui continue d'être à l'œuvre
Il veut, il doit démontrer qu'un combattant de Daesh ne capitule pas, ne recule pas, ne cède devant aucune puissance terrestre. Il sait l'importance de la couverture médiatique de ce procès historique, il sait l'immense caisse de résonance dont vont bénéficier les moindres de ses propos. De ce procès, il veut en faire une sorte de «testament politique» à destination de tous les apprentis djihadistes et devenir une figure tutélaire de cette monstruosité. Il sait l'audience qu'il peut avoir et il l'utilisera. Une rupture ontologique, c'est-à-dire qui concerne l'être lui-même est visible ici, sous nos yeux. La justice des hommes d'une part, le totalitarisme essentialiste et divin d'autre part. Il ne faut se faire aucune illusion, la posture de notre djihadiste s'inscrit dans une perspective de conquête, d'influence, de recrutement et de volonté de domination.
César doit reprendre ce qui lui appartient et imposer, affirmer que pour le reste, «on verra ça plus tard». Car il s'agit également d'une lutte idéologique, politique et culturelle dont il convient de démontrer, de démonter les tenants et les aboutissants. Car c'est à cela qu'est confrontée notre société, notre pays. Si l'accusé est dans le box, il n'est que l'aboutissement d'un processus idéologique qui continue d'être à l'œuvre.
Pour ce qui nous concerne, seul compte que la justice passe. Que la douleur des victimes, tuées et blessées, de leurs familles, amis et proches soit entendue. Que ce procès soit pour nous un moment de dignité face à l'indignité, un moment d'unité face à la volonté de destruction, un moment de courage face à l'ignominie, un moment de fraternité face à la haine et à la terreur qui se veut divine, un moment d'affirmation de ce que nous sommes face à ceux qui veulent nous détruire.
Claude Nicolet