Julian Assange ou le procès de la liberté

La justice britannique a refusé d'extrader Julian Assange vers les Etats-Unis, où il est poursuivi pour espionnage. Corinne Henry, du collectif Assange Ultime Combat, regrette l'omerta dont a été l'objet, selon elle, le fondateur de WikiLeaks.

Ce 4 janvier à la Old Bailey Court de Londres, se décidait le verdict d’une extradition, ou non, d’une importance capitale pour l’avenir de nos sociétés, voire de l’humanité. Pourtant peu, trop peu de citoyens en étaient informés, ne pouvant prendre conscience de l’enjeu qui se déroulait. L’extradition de qui ?, requise par qui ?, pourquoi ?, où ?, dans quelles conditions ?... Peu, si peu de journalistes avaient osé relayer les dessous de cette affaire du siècle.

Cette extradition vers les Etats-Unis concerne le journaliste et éditeur Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, d’abord publié et encensé par les plus grands organes de presse du monde occidental, puis ignoré, sali, discrédité, l’abandonnant à un haut risque d’une peine de 175 ans de prison dans une prison supermax réservée aux plus grands terroristes et criminels du pays.

L’Australien de 49 ans, éditeur, journaliste multi récompensé, prodige de l’informatique, a eu le génie de redimensionner et ressusciter le grand, le vrai journalisme d’investigation, en proposant une plateforme numérique parfaitement anonyme et sécurisée (grâce à un système de codage informatique sophistiqué), dédiée et proposée aux whistleblowers ou lanceurs d’alerte. Les sources ainsi protégées pouvaient alors y déposer sans crainte des dossiers, des révélations scandaleuses et importantes dont nous, citoyens lambda, n’aurions jamais eu vent sans eux.

A une époque, les plus «gros» médias tels que le Guardian, le New-York Time, Le Spiegel, Le Monde, El Païs se sont délectés de «UNES» incroyables et révoltantes qui révélaient ainsi les atrocités commises et les mensonges des pays occidentaux et plus particulièrement du fait des Etats-Unis. Puis est venu le temps de l’abandon, de la discréditation, du boycotte, des coups bas, suite notamment à une fausse affaire de viol orchestrée depuis la Suède, salissant à vie l’image de l’homme courageux, avide de vérité et de justice. En avril 2010, la vidéo «Collateral Murder» (ou révélation de WikiLeaks n°1, grâce à Bradley devenu Chelsea Manning) faisaient les gros titres du monde entier, exposant ainsi les crimes de guerre, de centaines de milliers de victimes, de civiles, d’enfants et même de journalistes, le vrai visage et les dessous de ces guerres.

Trois mois après paraissaient les révélations n°2 ou «Afghan War Diaries», annonçant le nombre réel de victimes, l’existence d’escadrons de la mort américains, le rôle secret tenu par le Pakistan. En octobre 2010 suivaient les révélations n°3 intitulées «Irak War Logs» mettant en lumière la conduite de la coalition dirigée par les Etats-Unis, récit le plus complet et étayé de toute guerre (près de 400 000 documents), recensant le véritable nombre de victimes.

Les révélations n°4, elles, portent sur la tristement célèbre «affaire Dutroux», derrière laquelle se cachait en fait un réseau de pédophilie, de traite et trafic d’enfants à l’étranger, de pègre européenne, corruption policière, de personnalités belges de l’etablishment impliquées, de transactions financières internationales, d’une vingtaines de décès mystérieux de personnes liées au scandale. Suivent les n°5 qui brisaient le mythe répandu sur les accusations américaines laissant penser que WikiLeaks était pro-russe, et sortaient notamment les «Spy Files Russia» montrant le fonctionnement des vastes programmes de surveillance du pays et précisant que plus de 800 000 documents de différents types avaient déjà été publiés concernant la Russie. Les révélations n°6 s’avèrent particulièrement connues puisqu’ils s’agit des fameux «Cablegate», les fameux câbles diplomatiques qui ont déclenché le «printemps arabe», véritable coup de pied dans la fourmilière de la politique étrangère américaine, révélant les relations diplomatiques des États-Unis et de leurs alliés et le reste du monde, donnant une analyse géopolitique large et approfondie sur la politique étrangère des USA. Les n°7, les «Gitmo Files» dévoilent les coulisses de Guantanamo Bay, un système de détention militaire corrompu basé sur la torture, les témoignages forcés, les manipulations, les humiliations de toutes natures, les détentions d’innocents, d’enfants… Passons aux n°8 qui anéantissent les accusations portées à WikiLeaks faisant croire que l’organisation aurait passé un accord secret pour ne pas viser Israël et la Syrie. WikiLeaks publie de nombreux documents accablants (stratégie israélienne et Gaza, accords secrets avec les israélo-américains, aide secrète d’Israël pour l’Iran entre autres), les «Syria Files», les «Podesta Emails» notamment. Et pour clore cette liste déjà incroyable mais loin d’être complète, les révélations n°9 connue sous le nom de «Vault 7», gigantesque lot de documents très techniques, montrant comment la CIA  peut pénétrer, espionner et pirater TV connectées, smartphones, ordinateurs et même voitures, ce qui en dit long sur leurs méthodes sophistiquées qui offrent en quelque sorte des «cyber armes». Ce ne sont que les principales et les plus connues des révélations, tous les fichiers de WikiLeaks sont à la disposition de qui veut éplucher, fouiller, se renseigner, recouper, approfondir...

Depuis sa création en 2006, l’organisation n’a jamais publié une seule fake news, c’est dire le travail phénoménal de fond, de vérification, de précaution, de recherche, de recoupement, gage d’une qualité d’information exceptionnelle.

L’omerta contre Julian Assange n’est ni plus ni moins qu’un procès pour l’histoire, un procès politique, contre la liberté de la presse, la liberté d’expression, le droit de tout citoyen d’être informé. Ni plus ni moins non plus qu’un procès d’avertissement et d’intimidation, de menace pour quiconque voudrait divulguer des vérités qui dérangent, les dessous sales du pouvoir. Un enjeu incommensurable se joue sous nos yeux.

Tout journaliste digne de ce nom qui se doit d’observer la charte de Munich (sur les droits et devoirs du journaliste) aurait dû se lever pour dénoncer haut et fort cette véritable chasse à l’homme, comprendre le danger extrême quant à leur propre profession. Tout comme chaque défenseur des droits de l’homme, de la justice, de la vérité.

Il n’est pas trop tard pour ouvrir les yeux, chacun d’entre nous ayant compris pourquoi ce combat est essentiel. Nous devons TOUS nous révolter et crier haut et fort, avec force et courage, au nom de la vérité et de la liberté avant que nos droits fondamentaux soient à tout jamais réduit à néant.

Free Julian Assange Now, Free Press, Free Speech.

 Corinne Henry