La crise syrienne toujours au cœur des discours des leaders mondiaux, RT France a interrogé l’homme politique algérien Rachid Nekkaz afin d’analyser le discours du président français François Hollande.
RT France : François Hollande a de nouveau accusé le président syrien Bachar el-Assad d’être à l’origine des milliers de morts lors de la guerre en soulignant qu’on «ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau». Est-ce que cela veut dire que nous sommes toujours dans l’impasse par rapport au dossier syrien ?
Rachid Nekkaz : Je crois que dans le langage diplomatique il était normal à la fois pour Obama et pour Hollande de tenir le même discours qui est adopté depuis déjà quatre ans et demi. Cependant entretemps la donne a complètement changé. A l’époque il y avait une opposition intérieure en Syrie contre le régime de Bachar el-Assad et dans cette optique-là il était tout à fait «normal» de le désigner comme l’ennemi numéro 1. Mais ce n’est plus le cas. L’ennemi principal en Syrie – et la communauté internationale le déclare – c’est Daesh. Je crois que le bon sens politique veut qu’on essaye de consigner les deux logiques : ne pas être opposé avec la logique d’il y a quatre ans et tenir compte de la réalité politique sur le terrain surtout après cette vague migratoire extraordinaire qui est en train de déferler sur l’Europe, le Canada et les Etats-Unis. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’avant la porte des discussions était fermée alors que maintenant elle est ouverte, avec la rencontre entre Obama et Poutine et je crois que c’est normal que François Hollande dise qu’on ne discute pas avec Bachar el-Assad mais dans les faits, croyez-moi, ils vont discuter.
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RT France : François Hollande a également insisté que la communauté internationale doit empêcher l’arrivée des réfugiés à ses frontières refusant toutefois la collaboration avec el-Assad. Est-ce possible ?
Rachid Nekkaz : Hollande était parmi les premiers à vouloir envoyer l’aviation française en Syrie et Obama à l’époque avait refusé. Il s’est retrouvé en pointe et n’a pas pu assumer ses déclarations sur le terrain. Je crois qu’aujourd’hui le bon sens veut qu’on change la manière d’aborder le problème syrien qui n’est plus le même avec les 4 millions de réfugiés qui se précipitent vers l’Occident. Les pays occidentaux à leur tour n’ont pas eu le courage de s’asseoir autour d’une table il y a trois ans et le faire aujourd’hui. Il ne faut pas confondre la conséquence et la cause. Le régime de Bachar el-Assad est là, il faut en tenir compte pour discuter des modalités du départ honorable du président afin de préparer la suite pour que les réfugiés – en tout cas une bonne partie – reviennent dans leurs foyers. Il faut avoir un discours réaliste, pragmatique, de façon à ne pas confondre la crise migratoire avec la crise politique en Syrie. Il faut combattre Daesh qui ne serait pas là aujourd’hui si ses combattants n’avaient pas été financés et équipés militairement. La communauté internationale a fait preuve d’amateurisme face à la crise syrienne. Il faut surtout impliquer les pays arabes, la ligue arabe et l’OCI pour qu’ils puissent se mettre au service des soldats de la paix en Syrie pour préparer l’après-Assad.
#Hollande répète qu'Assad ne peut faire partie de la solution pour résoudre la crise en Syrie http://t.co/CTjhBfH12Bpic.twitter.com/wGK8jLtRKC
— RT France (@RTenfrancais) 28 Septembre 2015
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RT France : Concernant la crise des réfugiés, Hollande estime que la solution serait dans le financement supplémentaire du comité de l’ONU pour les réfugiés et les pays voisins de la Syrie. Est-ce une solution fiable ?
Rachid Nekkaz : Ce n’est absolument pas fiable. Monsieur Hollande a simplement oublié que cela fait un siècle qu’il y a des réfugiés au Moyen-Orient, surtout avec la naissance du foyer national juif, avec la Deuxième Guerre mondiale et d’autres conflits qui ont suivi. Il y a des réfugiés permanents au Moyen Orient et les pays voisins sont saturés de réfugiés. Il faut être réaliste – les pays du Moyen-Orient sont les premières victimes de toutes les déstabilisations des pays arabes ou musulmans dans la région. Et je crois que c’est parce qu’on n’a pas réglé le problème diplomatique à sa source. Je crois que la solution n’est pas financière mais politique. Il faut absolument mettre tous les acteurs du problème syrien autour d’une table, que ce soit le président Bachar el-Assad, les pays environnants ou les grandes puissances comme la Russie, les Etats-Unis ou la France pour sortir du ce blocage de langage. En tant que président du parti politique algérien «Mouvement pour la jeunesse et le changement», je souhaite que la Russie reste présente car elle participe à l’équilibre régional et à l’effort de paix dans la région. Il ne faut pas qu’il y ait uniquement des Américains ou des Français.
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