Nous sommes mi-mars. Dans les médias, on parle alors beaucoup du professeur Raoult.
C’est une grande passion française que, pour beaucoup, d’avoir un avis sur tout, y compris quand on n’a ni compétence ni travail à convoquer ou à mobiliser en la matière.
J’ai souvenir d’un intellectuel français aujourd’hui académicien qui fut capable en son temps de donner un avis sur un film qu’il n’avait pas vu… Il disait aussi, en mai 68, qu’il fallait «essayer des enfants» ; il profère aujourd’hui sa haine de cette époque mais sans pour autant faire son autocritique… Il y eut un temps un avis gastronomique publié par un critique sur un site web alors que le restaurant n’était pas encore ouvert. C’est sans compter sur les journalistes qui tiennent chronique littéraire depuis des décennies et qui encensent ou démontent un livre juste parce qu’il faut détester ou vénérer son auteur pour de pitoyables raisons mondaines (la plupart du temps parisiennes) dans lesquelles le ressentiment, plus que l’œuvre, joue un rôle majeur. Quand Bernanos écrit : «Les ratés ne vous rateront pas.», il affirme une vérité psychologique majeure…
Pour le professeur Raoult, c’est facile d’avoir un avis sur son travail : il suffit de juger son physique… La télévision raffole de ce genre de raccourci qu’on dira pour rire intellectuel. Cet homme a un curriculum vitae planétaire long comme deux bras, mais il donne surtout l’impression de sortir d’un album genre Astérix et les vikings, ce qui suffit à avoir un avis : pour les uns, c’est bien le signe qu’il est tout dans le paraître et qu’il n’y a donc rien à en tirer (et de lister sa mégalomanie, sa paranoïa, son caractère de cochon, son orgueil, son délire, ses coups de gueule, sa gestion de dictateur ), pour les autres, c’est bien la preuve qu’il n’a rien à voir avec les pisse-froids à la Légion d’honneur qui, costumés et cravatés, affirment à longueur d’écran avec une même componction que le virus ignore les frontières avant de porter à notre connaissance qu’il reconnaît tout de même celles de Schengen, que ce ne sera qu’une grippette avant de bramer partout qu’il s’agit d’une grave épidémie, que le masque ne sert à rien mais qu’il faut en fabriquer par millions.
Lui, il continue. En adepte du Nietzsche qui écrit dans Le Crépuscule des idoles : «Un oui, un non, une ligne droite.», Didier Raoult tient un cap, le même qui lui vaut, sur la planète entière, le respect y compris de ses pairs — c’est dire. Quand même les envieux et les jaloux sont obligés de faire taire l’envie et la jalousie afin de tirer leur chapeau au grand homme, c’est qu’il faut bien se rendre à l’évidence : cet homme porte plus que lui, il est très exactement ce que Hegel appelle un grand homme: un homme qui fait l’Histoire en même temps que l’Histoire le fait.
Du fond de mon lit où je ruisselais de la fièvre d’une dengue, j’ai souvenir d’avoir entendu la voix pincée de l’un de ces Saint Jean bouche-d’or médiatiques (médecin sur les plateaux de télé et journaliste dans le bloc opératoire…) qui disait du professeur Raoult qu’il «travaillait loin de Paris». Tout était dit ! D’ailleurs peut-on même parler de travail quand on est si loin de la capitale? A Marseille, ne sont-ce pas des menteurs ? Des va-de-la-gueule ? De hâbleurs ? De ces spécialistes de sardines qui bloquent le port ? Marseille ! Et puis quoi encore? Cet homme qu’on pouvait, en allant vite, prendre pour Johnny Hallyday dans les années soixante-dix, cet homme avait donc le front non pas d’être payé pour chercher sans trouver, comme à Paris, mais payé pour trouver après avoir cherché, et qui trouvait, comme dans ce désormais fameux navire amiral mondial français : l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée-Infection. Cet homme, donc, avait le front de prétendre soigner et guérir le coronavirus avec une combinaison de médicaments simples ayant l’avantage de coûter peu et d’être efficace. Mais, en même temps comme dirait l’autre, ce protocole présente l’inconvénient majeur, pour l’industrie pharmaceutique, de ne pas dégager des fortunes en jouant avec la santé des malades.
C’est une pièce tragique, comme chez Eschyle, Sophocle ou Euripide, qui se joue sous nos yeux : d’un côté faire fortune en sacrifiant la santé des gens, ce qui suppose que, connivent avec l’industrie pharmaceutique, le pouvoir opte pour la mort des gens comme une variable d’ajustement du marché qui, avec le temps, donc avec l’accumulation des cadavres, rend le produit médicamenteux désirable, donc rare et cher ; de l’autre sauver les gens le plus possible, le plus vite possible, au moindre coût, mais de ce fait ne pas dégager les bénéfices planétaires escomptés par l’armée des mercenaires de l’industrie pharmaceutique.
On aura compris que, dans ce qui oppose le professeur Raoult à ses adversaires (le plus notable semblant monsieur Lévy, notoirement monsieur Buzyn à la ville...), c’est le triomphe d’une vieille opposition. Le vieux couple qui oppose le héros et le salaud ; ou bien encore : le professeur qui hait la mort et aime la vie contre les administratifs de la santé qui aiment la mort et haïssent la vie ; c’est l’antique opposition entre le lion à la crinière menaçante qui les conchie tous ou les pangolins dont on fait des soupes fétides.
Une étrange ligne de partage sépare les tenants du pouvoir, l’élite pour le dire dans un mot simple, et ceux qui subissent ce pouvoir. La fracture qui opposait les Gilets jaunes et leurs ennemis semble se superposer à la carte de ceux qui estiment que le professeur Raoult incarne un monde dans lequel on trouve la province, la campagne, la ruralité, la pauvreté, les ploucs, les paysans, les incultes, les sous-diplômés, etc.
En face se retrouvent les Parisiens, les académiciens à la Lambron, snob comme un lycéen de province alors qu’il a plus que trois fois dépassé l’âge, l’inénarrable Cohn-Bendit, que son passé de pédophile devrait éloigner définitivement de toute antenne mais qui, dans le style avachi et grossier qui est le sien depuis un demi-siècle, demande au professeur de «fermer sa gueule».
C’est du même monde que procède Patrick Cohen, journaliste multicartes du nationalisme maastrichtien et qui a récemment parlé d’une «giletjaunisation de la crise sanitaire» sur le plateau de C’est à vous (25 mars). C’est donc dans une émission du service public que Patrick Cohen a fustigé ceux qui avaient le tort de croire que cette crise était mal gérée par le pouvoir macronien…
C’est également Michel Cymes qui, après avoir annoncé qu’il en irait d’une simple grippette avec ce coronavirus, donne aujourd’hui des leçons dans un émission du service public où il est, nonobstant son impéritie, présenté comme référant en la matière… Le même Cymes tacle le professeur ; il est vrai que, flanqué d’Adriana Karembeu qui lui apporte la caution intellectuelle et médicale qui lui fait défaut, le faux drôle peut pendant ce temps-là passer à la caisse avec ses multiples activités tarifées.
N’oublions pas Alain Duhamel, chroniqueur maastrichtien à Libération, journal progressiste qui estime que l'horizon sexuel indépassable consiste aujourd’hui à copuler avec des animaux et à manger des matières fécales (la pédophile, c’était avant…), pour qui le professeur Raoult est «un anticonformisme de l’établissement un peu déséquilibré psychiquement»… Il en faut de la haine pour se permettre pareil jugement qui concerne le plus intime d’un être et le traiter tout simplement de fou comme au bon vieux temps de l’Union soviétique qui psychiatrisait toute pensée critique.
Enfin, cerise pourrie sur le gâteau du pouvoir, il faut également compter avec les services du journal Le Monde («journal vichyste du soir» disait de Gaulle dans les années cinquante) qui instruit le 28 mars un procès en complotisme — jadis, on leur aurait dû le procès en Inquisition, le bûcher des sorcières, le Tribunal révolutionnaire et autres juridictions où le but consiste à tuer d’abord puis d’instruire ensuite. Il faut à ces journalistes-là amalgamer le professeur Raoult aux complotistes, à l’extrême droite, au Rassemblement national, à la gauche radicale, aux Russes, aux trumpiens, aux climato-sceptiques, à l’antisémitisme, et, bien sûr, aux gilets jaunes. Les amis d’Adolf Hitler n’y sont pas, mais c’est parce que Le Monde n’aura probablement pas réussi à les joindre…
Quand on voit tous les ennemis de cet homme on a franchement envie d’être son ami…
C’est donc précédé par ces tombereaux d’injures qu’en Martinique, avec le décalage horaire, j’ai reçu un matin très tôt le message d’un amie journaliste franco-libanaise qui me demandait si elle pouvait donner mes coordonnées téléphoniques au professeur Raoult. J’ai posé la question : de qui émanait ce souhait ? D’elle ? Pas du tout, mais de lui qui souhaitait me parler. «Il aime beaucoup ton travail» me dit-elle, «il souhaiterait juste te parler». J’ai donc bien évidemment donné mon accord…
C’était assez surréaliste de converser avec cet homme que la presse mondiale sollicitait et qui trouvait le temps d’une conversation philosophique. Je l’imaginais croulant sous les sollicitations planétaires et nous parlions de… Nietzsche. Le Gai Savoir fut pour lui comme une révélation. Nous avions donc cela en commun de découvrir vers l’âge de quinze ans une pensée généalogique — aussi bien généalogique d’une civilisation, d’une culture que d’une vie personnelle et privée. Le philosophe véritable n’est pas celui qui cite une grande figure de l’histoire des idées comme il invoquerait une sculpture de Verrocchio, une peinture du Greco (cet homme accuse d’ailleurs la flamme montante du Grec…) ou une œuvre de Spinoza. C’est celui qui, après la lecture d’une œuvre ne vit plus la même vie qu’avant : Le Gai Savoir peut en effet changer la vie de qui vient de le lire.
Qu’est-ce qu’être nietzschéen ?
Il y a plusieurs façons de l’être et l’on peut l’être de façons diverses dans une même vie… Bien sûr il y a les plus simples qui sont les plus fautives et qui ne nécessitent pas grand chose, sinon la plus bête façon de tomber dans tous les pièges tendus par le philosophe : c’est ne rien voir de son humour, de son ironie, de son cynisme (au sens grec du terme : de son diogénisme…), c’est tomber à pied joint dans sa misogynie, sa phallocratie, c’est ne pas voir que chaque revendication d’un désir de force procède chez lui d’une envie de compenser une faiblesse anatomique, physiologique, idiosyncrasique, c’est confondre le juif de l’Ancien Testament qui, via Paul, rend possible le christianisme, et le juif de l’industrie du XIXe siècle. Il y a plus d’une erreur à commettre quand on ouvre un livre de Nietzche à cet âge où le monde s’offre à nous dans son vaste chaos.
Ce Nietzsche dont nous parlions, lui et moi, c’est celui de nos dix-sept ans avec lequel on construit le plus solide en soi : c’est celui de la force que définit toute violence qui sait où elle va, la violence étant quant à elle une force qui ne sait pas où elle va, vers quoi elle va.
La proximité de cette œuvre vécue un longtemps forge l’être comme un épée.
Ce que le professeur Raoult retint de Nietzsche, c’est son noyau d’or : une méthode. Il faut laver Nietzsche de la lecture gauchiste effectuée par les déconstructionnistes à la Deleuze et Guattari, à la Foucault aussi, qui ont confondu la lecture que Nietzsche effectue de la vérité, une somme de perspectives, avec la négation de toute vérité. Que la vérité soit une somme de perspectives n’est pas abolition de la vérité, négation et suppression de la vérité, mais bien plutôt lecture de la vérité comme les cubistes la déplieront bientôt pour en montrer la plus grande complexité.
Tout excité par la densité de cette conversation sur la méthode nietzschéenne dans un temps suspendu qui est celui du jour qui se lève en Martinique, je passe à une figure nietzschéenne elle aussi: celle de Paul Feyerabend dont j’aime le Contre la méthode, un livre sous-titré "Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance". D’abord, bien sûr, il connaît ce texte de 1975, mais il l’a enseigné dans des séminaires dont je découvre l’existence…
Outre Nietzsche et Feyerabend, il se fait que j’aime une troisième référence philosophique en matière de méthode : c’est celle de La Formation de l’esprit scientifique de Gaston Bachelard. Cette proposition pour une psychanalyse de la connaissance objective (pas une psychanalyse freudienne mais jungienne…), permet en effet de voir comment se construit un savoir, ce que sont les obstacles épistémologiques et les ruptures épistémologiques, comment on construit et on déconstruit un savoir, scientifique ou autre.
Je regarde vers la mer, le matin est rouge, le soleil lisse la mer en nappes orangées. Le professeur Raoult me demande si je connais une phrase de Husserl qu’il me cite — je ne la connais pas. Elle dit en substance que la vérité se cache et qu’elle dissimule surtout l’essentiel qui reste celé. L’ombre de Nietzsche plane sur cette discussion entre deux temps décalés par le chronomètre. La conversation se termine. Le silence qui suit cette conversation est encore notre conversation. Ça bruisse et danse comme à proximité d’un rucher. Chacun repart vers ses ruches…
Quelques jours plus tard, je quitte la Martinique. On annonce un confinement plus drastique, il est question d’un embargo total des vols, d’une interdiction des échanges entre l’île et la métropole, d’un prochain vol prévu en juin… Dorothée nous réserve un billet de retour en urgence. Nous partons. Ma mère a quatre-vingt cinq ans, elle ne tient pas une grande forme, je ne voudrais pas ne pas pouvoir ne pas m’occuper d’elle. Et puis, si le coronavirus devait faire son travail, mon passé étant un passif, infarctus, AVC, accidents cardiaques, je préfère me trouver en métropole. Enfin et surtout, je ne veux pas exposer Dorothée à ce qui ne serait pas le meilleur pour elle.
Nous avons des masques et des gants. Mais la situation sanitaire est catastrophique dans l’aéroport: une file d’attente sur une centaine de mètres, les gens sont à touche-touche, pas un uniforme, ni policier, ni gendarme, ni militaire, pas de personnel aéroportuaire, il va falloir attendre trois heures les uns sur les autres. Les valises et les sacs copulent dans un grand désordre tropical. Il fait chaud, tiède, moite. Les gens vont et viennent. Les enfants sont assis sur les bagages. Mais pas seulement. Lors de l’embarquement, tout le monde se rue sur tout le monde. L’appareil est un Boeing 747 affrété pour Corsair, soit quatre à cinq cents personnes en meute…
Tout le monde pense au coronavirus à cet instant : comment passer à coté ? D’autant que les huit heures de vol vont s’effecteur avec un air brassé qui est celui du bouillon de culture de tout le monde… Mon voisin éternue comme un héros de Rabelais — il en fout partout… Je lis Le Destin des civilisations de Frobenius, mais j’ai l’impression d’en apprendre plus avec ce vol qu’avec ce livre…
Arrivée dans un aéroport vide : nous récupérons notre voiture, nous rentrons en Normandie. Trois heures en solitaire sur l’autoroute. Caen est une ville morte. Me voilà chez moi. Par mon balcon j’avise un ville à la Chirico : pas âme qui vaille, mon frigidaire est vide, la lumière est celle d’une ville après la fin de monde, un genre de blancheur propre à l’idée que je me fais de l’apocalypse…
Le lendemain matin, terrible mal de tête, courbatures comme si j’avais été roué de coups, début de fièvre — je la supporte habituellement assez mal… Elle va grimper en continu jusqu’à atteindre 40°, elle ne quittera pas cet étiage pendant une semaine, nuit et jour. Je crains pour Dorothée qui a prêté son appartement à son fils. Elle est confinée avec moi. Je ne voudrais pas l’exposer ; je lui confesse mes symptômes, elle m’avoue les mêmes… Nous appelons notre médecin qui, au vu de ce que nous lui racontons, conclut que tout cela ressemble bel et bien au Covid-19… Avec prudence et force circonspection, il convient que c’est ça : «Vous l’avez chopé…», nous dit-il avec une vraie tristesse dans la voix.
Nous vivons donc le Covid de l’intérieur : il n’est plus à craindre, il est là. Plus besoin d’avoir peur qu’il nous tombe dessus, il est dedans nous. C’est désormais la roulette russe.
Il me vient à l’image une sortie de tranchées pendant la Première Guerre mondiale : certains se prennent la balle en plein tête, c’est fini pour eux, la guerre est terminée mais la vie aussi ; d’autres passent au travers des impacts de balles et d’obus qui sifflent, ils n’en prennent aucun, tous passent miraculeusement à côté ; un troisième se prend un éclat dans l’épaule, c’est juste assez pour sortir du jeu et retrouver l’hôpital, mais pas trop pour ne pas se retrouver allongé dans un cercueil, à deux doigts c’était l’artère. Qu’est-ce qui justifie le trou dans le front ? Tous les impacts à coté ? La balle au bon endroit qui libère ? Le hasard et rien d’autre… Dieu n’existe pas, il aurait sinon un sacré culot.
Je songe donc à ce virus et à ce qu’il va faire de Dorothée, de moi. Je songe à mes morts et je n’imaginais pas que je devrais envisager les retrouver conduit par ce genre de virus issu d’une soupe chinoise de pangolin ou d’un bouillon de chauve-souris. Je transpire nuit et jour à 40 degrés. Mon cœur bat à tout rompre. Je sens les emballements de diastoles et de systoles que je connais bien. Je retrouve les pétillements, les crépitements, les griffures sur la peau de mon cerveau abîmé par les AVC. Je renoue avec les forages qui m’avaient troué le cerveau à cette occasion. Un jour, deux jours, trois jours, quatre jours, cinq jours, six jours à ce rythme entre 38 et 40 de température… Le cœur qui bat la chamade, la pression artérielle qui cogne contre les tubulures. Je ne m’étonnerai pas que tout ça lâche d’un coup.
Dorothée ne va pas bien. Elle accuse des symptômes méningés. Elle est hospitalisée six jours. Je suis seul, en tête à tête avec ce cerveau brûlant et brûlé, guettant la surchauffe qui m’emportera peut-être tout entier comme une hache tanche d’un coup le nœud gordien. Chaque matin, dans mon lit trempé comme une soupe, je me réveille en me disant que ça n’aura pas été cette nuit.
Et puis, le 28 mars à 20h03, je me décide à envoyer un texto au professeur Raoult pour lui raconter ce qui se passe en quelques lignes — diarrhée, migraines, température, courbatures, antécédents d’infarctus et d’AVC, tension élevée, j’ajoute que Dorothée est dans le même état, mais hospitalisée… Il me rappelle dans le quart d’heure et me demande si je souffre d’anosmie et d’agueusie : anosmie et agueusie, non, je n’ai pas perdu le goût mais il s’est modifié — tout est devenu terriblement amer.
L’échange a duré moins de quatre minutes. Il conclut : «Ça n’est pas le Covid.» Puis une phrase qui se perd après cette information qui me sidère et qui donne une posologie de je ne sais quel médicament pour je ne sais quel cas. J’étais, nous étions positifs au Covid : nous ne l’étions plus. Mais quoi alors ? Il n’y avait plus rien ni personne au bout du fil. Sauf cette fulgurance dont seul est capable celui qui sait parce qu’il voit.
L’hôpital fit avoir quelques heures plus tard à Dorothée qu’elle n’avait pas le Covid, donc probablement moi non plus. C’était une dengue autrement dite une maladie tropicale. Celui qui avait lu Nietzsche quand il avait une quinzaine d’années n’avait pas effectué tout ce compagnonnage avec Le Gai Savoir en vain — il en avait appris la sapience véritable. Il est un chef.
On comprend que pareilles visions déroutent les benêts qui ne les comprennent pas — Alain Duhamel et Daniel Cohn-Bendit, Marc Lambron et Michel Cymes, le journaliste du Monde et quelques autres faisans qui sentent la haine comme de vieillies charognes puent la mort quoi qu’elles fassent... Le professeur Raoult dispose de la ligne directe avec la Vie. Un effet de sa longue fréquentation du Gai Savoir de Nietzsche. Que pourraient bien en savoir les petits hommes qui grouillent dans Zarathoustra ?
Michel Onfray