Les élections législatives anticipées en Grèce se tiendront le 20 septembre. Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a en effet démissionné le 20 août dernier et prononcé la dissolution du Parlement. Il ne disposait plus de majorité puisque sa politique a conduit à diviser son parti, Syriza, en faisant le contraire des engagements qu’il avait pris en signant le 3e mémorandum. Il a ainsi provoqué le départ du tiers de ses parlementaires, les lois étaient désormais votées grâce aux députés de droite (Nouvelle Démocratie) et socialistes (Pasok), ceux précisément contre lesquels Syriza avait lutté. Ces partis ont accepté et mis en œuvre les deux premiers mémorandums ayant saigné la Grèce à blanc, pour être ensuite rejetés par la population notamment lors du référendum du 5 juillet 2015 (61 % de NON).
L’annonce de ces élections n’a suscité aucun trouble particulier sur les marchés financiers. Aucun dignitaire de l’UE n’est venu faire campagne à Athènes, contrairement au référendum de juillet, pour alerter les Grecs sur les «dangers» de cette élection s’ils votaient Syriza. Et pour cause, car, pour les oligarques européens, tout danger est écarté pour l’instant. Ainsi, pour Martin Selmayr, directeur de cabinet du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker : «Des élections rapides en Grèce peuvent être un moyen d’élargir le soutien au programme stabilisé que vient de signer au nom de la Grèce le Premier ministre Tsipras.» Il ajoute : «Une élection peut renforcer la capacité du gouvernement grec à mettre en œuvre les réformes.»
Pierre Moscovici, s’est dit «serein», à huit jours des législatives anticipées en Grèce
Dans la même eau, selon des propos rapportés par l’AFP le 12 septembre, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, s’est dit «serein», à huit jours des législatives anticipées en Grèce, estimant qu’elles ne devraient pas remettre en cause les engagements pris par Athènes : «Je ne sais pas quel parti l’emportera, quelle coalition se formera, mais j’ai la sensation, y compris si je regarde les sondages, qu’il y a toujours une très nette majorité, une immense majorité en Grèce, pour les partis qui ont soutenu la démarche d’un programme d’aide en échange de réformes. Je n’ai pas d’inquiétude de cette nature. Tous les partis politiques ont voté pour le Memorandum of Understanding [le MOU, le contrat de prêts] cet été. Donc il n’y a pas de souci à se faire sur sa mise en œuvre.»
On comprend que la meilleure formule pour la Troïka serait la victoire de Tsipras
Angela Merkel est encore plus claire : «Les élections en Grèce font partie de la solution et non pas de la crise.» Autrement dit, le résultat probable sera une écrasante victoire des partis pro-mémorandum : Syriza, ND et Pasok. On comprend, par l’absence – nouvelle – de toute critique à l’encontre de Tsipras, et même le coup de chapeau qui lui est donné, que la meilleure formule pour la Troïka serait la victoire de Tsipras. Il est désormais la meilleure garantie de l’application du 3e mémorandum dans la mesure où il lui reste encore un certain soutien dans la population.
Dans son discours du 20 août, Tsipras demande au peuple de «…décider si l’accord est valable pour sortir un jour des plans de rigueur». Si la question est recevable, la réponse est négative pour deux raisons.
D’abord, cet «accord» (le 3e mémorandum) est encore plus sévère pour le peuple que les deux précédents. Or, la preuve par l’expérience a été fournie que l’austérité n’était absolument pas la solution pour le développement économique et social harmonieux d’un pays. L’austérité, en revanche, est une excellente solution pour éponger les richesses d’un pays et les canaliser vers les détenteurs de la dette publique. Par ailleurs, selon un institut économique allemand, l’Allemagne a économisé 100 milliards d’euros depuis 2010 en raison de la baisse de ses coûts d’emprunt liée à la crise européenne de la dette. Les obligations allemandes ont servi de valeur refuge, ce qui a fait baisser leur taux d’intérêt, diminuant d’autant la dépense de paiement des intérêts pour l’Allemagne. Tout le monde a compris que les «plans d’aide» à la Grèce, et notamment les 86 milliards d’euros qui ont commencé à lui être versés, ne servent qu’à une seule chose : rembourser les créanciers qui sont désormais, pour l’essentiel, des institutions publiques. C’est pourquoi les oligarques européens, ayant trouvé le Veau d’or, font tout ce qu’ils peuvent pour entretenir cette dette publique pour qu’elle n’ait jamais de fin. Si la Grèce veut vraiment aller de l’avant, elle doit donc cesser immédiatement de rembourser, ce qui entraînera ipso facto sa sortie de l’euro. C’est à cela qu’elle doit se préparer activement en mettant ces questions en débat parmi la population.
L'«accord» marque l’écrasement politique de ce pays qui devient une sorte de colonie allemande et de la Troïka
Ensuite, cet «accord» n’est pas valable car il prévoit la mise sous tutelle de la Grèce. Il marque l’écrasement politique de ce pays qui devient une sorte de colonie allemande et de la Troïka. On a peine à croire que le gouvernement grec ait pu signer un tel abandon et qu’une majorité de parlementaires l’ait voté. Cet «accord» prévoit par exemple que «…le gouvernement doit consulter les institutions [européennes] et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au parlement». C’est marqué noir sur blanc dans «l’accord» du 12 juillet ! Tous les dirigeants des autres pays de la zone euro (19) se sont ligués contre la Grèce, participant à la négation des deux votes du peuple grec de janvier et juillet 2015, c’est-à-dire à la négation du peuple grec lui-même. C’est à cela qu’ont participé activement Alexis Tsipras et le Parlement.
Une coalition de puissances privées – les marchés financiers et les firmes multinationales – par agents interposés ont pris directement le pouvoir dans un pays souverain
C’est un résultat tout à fait stupéfiant dans l’histoire des relations internationales : une coalition de puissances privées – les marchés financiers et les firmes multinationales – par agents interposés (les dirigeants de la Banque centrale européenne, ceux de la Commission européenne, la plupart des chefs d’États et de gouvernements des Vingt-Huit), ont pris directement le pouvoir dans un pays souverain. Ils l’ont fait avec l’accord de ce gouvernement pourtant réputé être à la «gauche de la gauche» et avec le vote du Parlement. Cet exemple dramatique réduit à néant les illusions de tous ceux qui considèrent que les autres pays européens sont des «partenaires» avec lesquels on peut «coopérer». Dans la configuration politique actuelle, la plupart des pays de la zone euro et de l’UE (et de l’Otan) sont des adversaires. Le droit, la démocratie, la souveraineté des nations n’existent plus dès lors qu’un pays refuse les politiques néolibérales de l’UE. C’est pourquoi la sortie de l’Euro et de l’UE ne peut pas se faire au moyen de l’article 50 du traité de Lisbonne, mais unilatéralement par une politique du fait accompli.
Syriza apparaît désormais comme une escroquerie politique
Syriza était le premier gouvernement de la gauche «radicale» en Europe. Cet évènement avait un caractère historique car il pouvait laisser entendre que la relève de la vieille social-démocratie était assurée. Il n’en aura rien été, bien au contraire. Syriza, soutenu par une grande majorité de la gauche «radicale» européenne, aura donné sa bénédiction à l’austérité, à l’Euro, à l’Union européenne, à la mise sous tutelle d’un pays, à une dictature financière. Syriza apparaît désormais comme une escroquerie politique, ce parti s’est transformé en parti de soutien au mémorandum et au système oligarchique de l’Union européenne. C’est toute la gauche radicale européenne qui a été discréditée, liquidée. Ce processus politique, cette dégringolade qui est loin d’être terminée, a accru la dilution du clivage gauche-droite.
La preuve est faite, une nouvelle fois, que c’est autour de la question de l’Euro et de l’Union européenne que la recomposition politique en Europe doit se faire, en rassemblant les forces politiques progressistes démondialisatrices.
Le seul enjeu de ces élections, pour l’avenir, est le poids électoral qu’obtiendront les forces progressistes anti-euro et anti-UE.