L’Afrique a tout à gagner du CFA quand l’intérêt de la France est de le supprimer

Bernard Lugan, universitaire spécialiste de l'Afrique, revient pour RT France sur la question du franc CFA en Afrique. Doit-il être supprimé ? Ce qui serait bon pour la France, ne le serait peut-être pas pour les pays africains, estime-t-il.

L’arrestation à Dakar le 25 août 2017 du nationaliste panafricaniste Kemi Séba pour avoir brûlé en public un billet de 5 000 francs CFA (moins de 8 euros), a posé d’une manière très médiatisée la question du maintien de cette monnaie accusée par l’immense majorité des jeunes intellectuels africains d’être à la fois une survivance de la période coloniale et un moyen pour la France de continuer à exercer une tutelle sur ses anciennes colonies.

Au mois de janvier 2019, les accusations boomerang portées contre le CFA par une Italie excédée par le paternalisme et la suffisance du président Macron, ont ravivé la question. Dans les mois qui viennent, l’existence du franc CFA n’échappera donc pas à un profond réexamen.

Si nous voulons une approche raisonnable du sujet et non nous en tenir à des attitudes pavloviennes ou parfois même hystériques, trois grandes questions doivent être posées :  

Le franc CFA (acronyme désignant à son origine le Franc des colonies françaises d’Afrique) a été créé le 26 décembre 1945. En 1958, il est devenu «Franc de la communauté française d’Afrique». Aujourd’hui, il a deux noms car, dans la réalité, deux CFA existent :  

- Pour les pays de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine), Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, et Togo, dont la banque d’émission est la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest), il est le «Franc de la Communauté Financière d’Afrique».   

-Pour les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), Cameroun,  Centrafrique,  Congo,  Gabon,  Guinée équatoriale et Tchad, dont la banque  d’émission est la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale), il est le «Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale».

I– Les détracteurs de la zone franc et du CFA formulent les critiques suivantes :  

Le Franc CFA a aussi des points positifs

II– Pour les défenseurs de la zone franc et du franc CFA :  

Les chiffres publiés par la Direction générale du Trésor tordent le cou à bien des légendes

Economiquement parlant, le positif semblant l’emporter sur le négatif, les pays africains concernés auraient donc théoriquement avantage au maintien du CFA. Tel n’est pas le cas de la France et à ce sujet, les chiffres publiés par la Direction générale du Trésor tordent le cou à bien des légendes en mettant en évidence deux points importants :  

1– Alors que la totalité de ses exportations mondiales atteint en moyenne annuelle environ 460 milliards d’euros, la France vend à la seule Afrique sud-saharienne pour environ 12 milliards d’euros de biens et marchandises, soit moins de 3% de toutes ses exportations. Economiquement, pour la France, l’Afrique au sud du Sahara ne compte donc pas. De plus, sur ce total d’environ 12 milliards d’euros, la zone CFA représente en moyenne 6 milliards d’euros, soit à peine un peu plus de 1% de toutes les exportations françaises. Pour ce qui est des importations, les chiffres sont voisins.  

2– Contrairement à ce qu’affirment certains, la zone CFA n’est pas une «chasse commerciale gardée» permettant aux productions françaises de bénéficier d’une sorte de marché réservé. En moyenne, la part de la France dans le marché de cette zone n’est en effet que de 11%, donc loin derrière la Chine.  

Conclusion   

1– Le poids de la zone CFA étant pour elle anecdotique, l’économie française ne serait donc pas affectée par sa suppression. En revanche, livrés sans garanties et sans protection au marché international, les pays africains dépendant du CFA risqueraient de se trouver en mauvaise posture et contraints de souscrire aux voraces emprunts chinois.   

2– Mais, comme avec le CFA nous n’en sommes pas aux analyses comptables, mais aux réactions psychologiques, l’intérêt de la France est donc de le supprimer le plus rapidement possible afin d’en finir une fois pour toutes, sept décennies après les indépendances, avec les accusations de néocolonialisme et de «françafrique».

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