La dernière note confidentielle réalisée par les services de renseignements et à destination de l’Elysée et de Matignon mais également du Ministère de l’Education Nationale et dont l’existence a été révélée par Europe 1 le 9 octobre 2018 révélait que de plus en plus d’atteintes précoces à la laïcité sont constatées à l’Ecole publique. Ce rapport nous alerterait à nouveau sur la multiplication des dérives rigoristes islamiques au sein de l’Ecole, qui n’est pas à déconnecter d’un climat global et de suspicion à l’égard de l’islam et de réaction pavlovienne donc épidermique et de défense de certains musulmans probablement lassés d’être montrés du doigt. Cela révèle aussi l’influence du discours radical islamiste sur une frange de la population musulmane, depuis l’enracinement des imams venant d’Arabie Saoudite, la multiplication des mosquées dites salafistes qui souhaitent imposer un islam des ancêtres austère et strict en Europe, mais également la place que joue internet qui peut toucher directement familles et jeunes dès le domicile, et l’effet catalyseur de certains conflits comme celui en Syrie.
Cela révèle aussi l’influence du discours islamiste radical sur une frange de la population musulmane
Depuis plusieurs années, la question de la visibilité des pratiques et signes religieux au sein de l’école française laïque a refait surface, réinterrogant le plus souvent la place de l’islam et des musulmans au sein de la société française, en oubliant les autres composantes de la société. Avec une géopolitique tourbillonnante autour du Moyen-Orient qui n’a de cesse de faire des vagues dans l’hexagone, il y a comme une fâcheuse tendance à se concentrer sur un objet en particulier et à le scruter à la loupe, au risque de le faire apparaître comme bien plus gros que la réalité : c’est l’islam au sein de l’éducation nationale. Au risque aussi de donner de plus en plus de crédit à des dérives isolées qui si elles peuvent rester minoritaires sur l’ensemble du territoire verraient leur importance croître naturellement dans le discours public par le simple fait autoprophétisé de les souligner en permanence. Mais ce serait aussi largement négliger du coup certaines autres dérives idéologiques et religieuses.
En réalité, il faut également suivre de près nombre de pratiques religieuses qui ont tendance à se radicaliser dans un contexte global de montée des tensions communautaires. Le phénomène concerne les écoles catholiques privées, l’influence importante du discours évangélique dans les écoles protestantes qui gagne du terrain en France, ou encore les écoles privées juives qui attirent de plus en plus de jeunes membres dont les parents ressentent la montée de l’antisémitisme depuis plusieurs années et feraient preuve de défiance à l’égard de l’Ecole de la République. Il ne s’agit pas d’exercer une surveillance uniquement sur les écoles musulmanes privées dont certains actes posent problème mais de les traiter à égalité avec les écoles d’autres confessions sur le territoire républicain.
C’est bien dans l’ensemble de ces écoles qu’il faudrait effectuer un contrôle étatique de plus en plus important
C’est bien dans l’ensemble de ces écoles qu’il faudrait effectuer un contrôle étatique de plus en plus important car les années à venir risquent bien de voir une polarisation croissante et un désaveu de l’école publique face à ce «réenchantement» du monde pour reprendre à l’envers l’expression de Max Weber qui parlait de désenchantement au moment du recul des grands monothéismes dans la vie publique au XIXe siècle.
Affronts à la laïcité dans les écoles publiques ou privées musulmanes
Dans cette dernière note confidentielle adressée au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de l'Education, les renseignements auraient souligné une radicalisation des affronts à la laïcité et une remise en cause croissante et de plus en plus précoce des principes fondateurs de la République chez certains jeunes élèves et leurs familles. En préambule, Europe 1, qui est à l’origine de la fuite, mentionne : «Selon les services de renseignement, des dérives communautaires pas forcément plus nombreuses mais plus marquées ont lieu de plus en plus tôt à l’école.» Ces actes de défiance passeraient selon les services par une montée du rejet de la consommation de viande non-hallal dans certaines écoles, l'absentéisme de l’élève lors du ramadan à des âges de plus en plus précoces. Il est intéressant, et le rapport ne l’ignore pas, de préciser que les élèves ne sont pas directement responsables, mais que le rôle des parents est majeur dans l’évolution des pratiques.
La montée de pratiques religieuses plus radicales au sein des familles est indubitablement liée à la géopolitique, à l’environnement extérieur et l’influence du Djihad 2.0, à l’implantation du discours radical salafiste dans les quartiers et certaines mosquées. Selon le rapport, ce sont des actes bien précis mais encore très clairsemés, d’où l’interrogation légitime pour tous à s’en faire l’écho, comme l'a fait RT France : «Certains élèves refuseraient de dessiner des représentations humaines ou se boucheraient les oreilles lorsque de la musique est diffusée, conformément à une prescription salafiste. Certains petits garçons refuseraient également de donner la main aux filles. La radicalisation des idées irait jusqu'à dépasser les interdits salafistes : des élèves ont par exemple refusé d'entrer dans une classe dont les meubles étaient peints en rouge, ayant considéré que cette couleur était haram, alors que rien ne le stipule.»
C’est ainsi que dans le même rapport, certains enseignants ont pu témoigner de pratiques contestataires nouvelles, décrites par Europe 1 et reprise par RT France : «Des enfants scolarisés en 6e à Troyes auraient ainsi refusé l'activité piscine par peur d'avaler de l'eau pendant leur mois de jeûne. (…) Dans des écoles de Seine-et-Marne et dans le Nord, il est noté que certains élèves musulmans sont stigmatisés, voire insultés, par leurs camarades religieux lorsqu’ils ne consomment pas de produits hallal. Rebutés par la difficulté d'accommoder les desiderata alimentaires des enfants, certaines écoles, par exemple en Haute Savoie, auraient décidé de ne plus organiser de voyage scolaire.» On a pu constater parallèlement une augmentation du nombre de jeunes musulmans déscolarisés de l’école de la République pour rejoindre justement des écoles religieuses privées.
La cinquantaine d’écoles qui accueillent aujourd’hui près de 5000 élèves manquent de contrôle public
Que dire de certaines écoles musulmanes qui «inquiètent le gouvernement», comme le titrait un article du Figaro du 6 avril 2016 ? La cinquantaine d’écoles qui accueillent aujourd’hui près de 5000 élèves manquent de contrôle public. Ces établissements ne sont souvent pas uniquement que des écoles et créent une nébuleuse. En 2016, par exemple, le député-maire socialiste de Sarcelles (Val-d'Oise), Francois Pupponi, avait «tiré la sonnette d'alarme» sur la création «d'écoles coraniques, détenues par les salafistes» en France et «en toute légalité». Abdelali Mamoun, l'imam d'Alfortville (Val-de-Marne), l'a confirmé, évoquant l'institut Sounnah «qui est effectivement d'obédience salafiste. Telle qu'on l'entend en France, une «école coranique» n'est pas une école à proprement parler, mais un «centre culturel» mélangeant souvent soutien scolaire après l'école et éducation musulmane. Elles sont souvent adossées à une mosquée, dont les orientations doctrinales influent sur l'enseignement dispensé.
L’Etat, englué dans son sacro-saint principe de laïcité
Largement financés par l’étranger, où les Frères Musulmans et l’Arabie Saoudite se disputent la concurrence, ces établissements se sont multipliés mais commencent seulement à revoir les sources de leurs financements. Le cas de Soufiane Zitouni, professeur de philosophie et de spiritualité soufie au lycée Averroès, premier lycée musulman de France sous contrat et situé à Lille, avait fait grand bruit en 2015. En effet, pour qui connaît le Maghreb, l’enseignement de la philosophie y est de plus en plus compliqué depuis l’arabisation des sciences dans les années 1970. Il ne manquerait plus qu’il le devienne en France.
Malaise vis-à-vis de l’école publique
A l’époque, Zitouni dénonçait l’emprise des Frères musulmans et de l’UOIF et son corpus idéologique, mais aujourd’hui il pourrait, lui comme tant d’autres, condamner aussi l’emprise salafiste et celle des Saoudiens dans ces premiers lieux d’enseignement, de formation et d’expérimentation des jeunes esprits musulmans français. Si le communautarisme semble bien être instrumentalisé dans certaines écoles publiques et privées par des Etats étrangers, il pose aussi la question aujourd’hui de la difficulté de réaction de l’Etat, englué dans son sacro-saint principe de laïcité, pour exercer un minimum de contrôle sur l’ensemble des établissements producteurs d’éducation et d’identité de toutes confessions. Quand on pense que la burka a été interdite de production et d’affichage au Maroc, et qu’elle fait encore débat en France ! Qu’en France les débats se monopolisent autour du burkini ou des piscines mixtes au lieu d’essayer d’apaiser les choses… Le débat est cependant plus large. Près de 300 écoles juives privées reçoivent quasiment 30 000 élèves dans l’Hexagone et leur existence symbolise le malaise vis à vis de l’école publique et du discours républicain en l’état actuel. C'est la preuve que le pays ne répondrait pas à leurs attentes, isolant des milliers de jeunes. Quand on pense enfin que les églises évangéliques et leur message apocalyptique ont explosé depuis des années en Occident, pour beaucoup en réaction à la montée de l’islam… et que les familles sont au premier plan pour influencer leurs progénitures.
Lire aussi : Une note des renseignements alerte sur des dérives rigoristes islamiques à l'école