Accepter l'ultimatum de l'Arabie saoudite reviendrait, pour le Qatar, à être vassalisé

Le Qatar ne veut pas plier face à l’ultimatum posé par l'Arabie saoudite et ses alliés, et il en a les moyens, estime le journaliste Olivier Da Lage.

RT France : Le Qatar a reçu un ultimatum de l’Arabie saoudite et de ses alliés consistant en 13 exigences à satisfaire en échange de la levée du blocus économique et politique qui lui est imposé. Parmi ces exigences : la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, la fermeture des antennes internationales d’Al-Jazeera et une compensation financière à l’Arabie saoudite et à ses alliés. Pensez-vous que le Qatar puisse céder ?

Olivier Da Lage (O. D. L. ) : Bien sûr que non, c’est impossible. Et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, certaines de ces exigences ne pèsent même pas sur les pays qui les formulent : l'amenuisement des relations avec l’Iran, par exemple, ne concernent en rien les Emirats qui ont des relations commerciales assez intenses avec l’Iran. Deuxièmement, ces exigences vont tellement loin et concernent tant de domaines qu'elles reviennent à exiger du Qatar un abandon total de souveraineté. La question n'est pas tant de dire si l'on est d’accord ou non avec la politique du Qatar que d'avoir à l'esprit qu'aucun Etat ne peut accepter un tel ultimatum sauf à accepter d’être réduit à l'état de vassal. Le Qatar ne l'entend pas ainsi et a les moyens de ne pas obéir à ces injonctions.

Le Qatar n’a visiblement pas l’air très impressionné. Même s’il est gêné par ce blocus, il a les moyens d’y faire face

RT France : S'il est impossible de se plier à de telles demandes, quel est le but de cet ultimatum ?

O. D. L. : C’est difficile à dire. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont entrés dans une logique de confrontation avec le Qatar et ils n’ont prévu aucune porte de sortie honorable ni pour le Qatar ni pour eux-mêmes. Ils savent très bien que le Qatar dira non – on peut supposer qu’ils connaissent suffisamment leur voisin pour comprendre que ce n’est pas possible –, mais qu'adviendra-t-il ensuite ? Ils ont mis en place un blocus, y compris sur la nourriture et les médicaments – ce que ne font même pas les Américains depuis 1979 avec l’Iran, alors même qu’ils ont instauré beaucoup de sanctions contre l’Iran. Le Qatar n’a visiblement pas l’air très impressionné. Même s’il est gêné par ce blocus, il a les moyens d’y faire face. Cela ne fait que démontrer que le Qatar s'en tient à sa ligne.

Jamais l’Iran n’a été aussi important pour le Qatar

RT France : Ne pensez-vous pas que derrière l’exigence de rupture des relations diplomatiques avec l’Iran se trouve surtout la volonté d’affaiblir ce dernier ?

O. D. L. : Peut-être. Mais c’est tout le contraire qui se produit. Jamais l’Iran n’a été aussi important pour le Qatar. L’Iran a ouvert un pont aérien pour acheminer de la nourriture, des médicaments, des équipements, etc. Et, quoi qu'il arrive, il est impossible pour le Qatar, même s’il le voulait, de rompre ses relations avec l’Iran. Car ils exploitent ensemble une énorme poche de gaz sous les eaux du Golfe persique : si le Qatar adoptait une position hostile envers l’Iran, ce dernier aurait des moyens de représailles phénoménaux. Le gaz est de très loin la principale richesse du Qatar et y renoncer reviendrait à se suicider. Même les Américains, à l’époque de Georges Bush, comprenaient que le Qatar ait des relations avec l’Iran. Nous sommes donc dans une impasse.

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