RT France : Hillary Clinton n'a pas été interrogée au sujet des scandales concernant la Clinton foundation. Selon vous d'autres thématiques importantes ont-elles été absentes du débat ?
Le parti pris de Holt était flagrant
Diana Johnstone (D.J.) : Les thématiques potentiellement les plus embarrassantes pour la candidate démocrate étaient absentes pour deux raisons. Le modérateur était clairement du côté de Clinton, et ses questions lui étaient favorables. Deuxième raison : Trump lui-même n’a guère essayé d’exploiter les thématiques qui aurait mis Clinton sur la défensive. Il s’est même trouvé sur la défensive au sujet de ses pratiques d’homme d’affaires. Le modérateur hostile, Lester Holt, a essayé avec insistance de coincer Trump sur la question, plutôt dépassée et insignifiante, de ses supposées doutes quant à la nationalité d’Obama. Bizarrement, Holt a formulé la question de sécurité nationale en termes de «cyberwar», ce qui offrait l’occasion à Hillary Clinton de centrer le débat sur le supposé danger d’une Russie accusée sans preuve d’intrusions dans les messageries de son parti. Trump a tout de même répondu, mais pas assez agressivement. Il est vrai qu’il était souvent coupé par le modérateur. Le parti pris de Holt était flagrant, mais son ascendance mixte le protégeait de critiques, qui aurait été qualifiées de «racistes».
RT France : Donald Trump a-t-il été fidèle à lui-même? Il a semblé, ici et là, faire preuve d'une réserve inhabituelle face à sa rivale ?
D.J. : Trump a montré qu’il n’est pas le dernier avatar de Hitler, ce qui a pu être son objectif principal, vu l’énorme campagne de dénigrement dont il est l’objet. Il était courtois, appelant sa rivale comme «Madame la Secrétaire», tandis qu’elle s’adressait à lui par son prénom avec un dédain peu déguisé. Par sa retenue, il voulait sans doute éviter de valider les accusations de misogynie dont il est l'objet. Accusations que Hillary n’a tout de même pas manqué de proférer.
Trump est mal placé pour exposer les méfaits de Hillary Clinton
RT France : Quels sont les thèmes sur lesquels Trump aurait pu insister un peu plus pour mettre Clinton en difficulté?
D.J. : La Fondation Clinton, évidemment. Les assassinats de Benghazi. Les liens des Clinton avec Wall Street. La responsabilité de la présidence de son mari pour la crise de 2008, en particulier par l’annulation de la loi Glass-Steagall. Au contraire, Trump vantait sa propre volonté de dérégulation. Trump est visiblement mal à l’aise avec certains thèmes délicats parce que ses propres positions ne sont pas sans reproche. Je pense surtout à la destruction de la Libye ; c’est le plus grand crime d'Hillary Clinton, mais malheureusement Trump était aussi d’accord avec le projet de renverser Kaddafi. Le malheur veut que Trump est mal placé pour exposer les méfaits de Hillary Clinton, car il n’en est lui-même pas suffisamment éloigné. Enfin, le public s’intéresse très peu à la politique internationale. Il suffit de craindre «les menaces».
Les médias allaient donner Hillary Clinton gagnante dans tous les cas
RT France : Les médias donnent Hillary Clinton gagnante du débat. Quel est votre avis?
D.J. : Les médias allaient donner Hillary Clinton gagnante dans tous les cas. Il s’agit de la confrontation entre une politicienne malhonnête et un homme d’affaires malhonnête. Ainsi elle avait plus de métier, ce qui a suffi pour la proclamer gagnante. Trump n’était gagnant que par sa tête : il avait tout de même un air de naturel qui contrastait avec le faux sourire méprisant de la candidate. Ainsi il n’a pas tout à fait perdu.
On ne voit aucune solution aux problèmes du pays
RT France : Pensez-vous que, quoi qu'il arrive, Clinton sera toujours décrétée gagnante par des médias qui lui sont acquis?
D.J. : Sans aucun doute. Elle est leur candidate et ils font tout pour la soutenir. Malheureusement, Trump leur facilite la tâche. Enfin, ce débat m’a déprimée par sa médiocrité, par la forme et sur le fond. On ne voit aucune solution aux problèmes du pays. Il est écœurant que la grande démocratie américaine soit tombée si bas. L’avenir me paraît sombre, pour les Etats-Unis et pour le reste du monde soumis à ses errements.