La «réforme de l’islam de France», comme l’appelle le Premier ministre dans le long entretien qu’il a donné au JDD, est un faux problème, du moins pour l’Etat. On peut d’ailleurs trouver des mots très justes, et sur l’islam et sur la laïcité, dans l’interview que vient de donner l’imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, au journal La Dépêche du Midi. Manuel Valls, tout en écartant la solution du concordat, qui est défendue par certains, évoque la possibilité d’un financement public. Sur ce point il a été contredit par le président de la République. Il faut donc revenir à la fois sur les propositions qui ont été avancées et sur les principes politiques qu’implique la laïcité.
La question du financement
Il faut ici rappeler que le seul point sur lequel l’Etat peut agir, sans modifier la loi de 1905, est le financement étranger. Mais, ceci ne concerne pas que les lieux de cultes. Il faut aussi inclure les «associations culturelles» qui, bien souvent, ne sont que des paravents pour des associations cultuelles. Que faut-il donc faire ?
- Exiger de tout agent étranger, public ou privé, voulant financer un lieu de culte ou une association culturelle qu'il verse l’argent sur un compte à la Caisse des Dépôts. Ceci inclut TOUS les cultes.
- Une association de droit privé, comprenant pour un tiers des représentants du ministère de l’Intérieur et de la justice, pour un tiers des membres du Parlement et pour un tiers des représentants des cultes décide d’allouer ces fonds ou de les bloquer. Dans la décision, les représentants des ministères auront un droit de veto.
- L’agent étranger peut décider de récupérer son argent ou de le laisser à la discrétion de l’association en cas de veto. L’association utilise alors cet argent comme elle l’entend pour venir en aide aux lieux de culte et associations.
On évite ainsi le financement direct, mais on n’interdit pas la possibilité d’un financement étranger. Pour le financement français, les règles de la loi de 1905 s’appliquent.
Les interdictions de prêche et mesures de contrôle
La question se pose en raison de «l’effet de contexte» créé par des prêches véhiculant la haine ou des principes contraires à ceux du préambule de la Constitution. Même si les terroristes qui ont frappé en France ne se sont pas «radicalisés» dans des mosquées, certains prêches tenus dans certaines mosquées ont constitué le contexte propice à cette radicalisation. C’est pourquoi on a proposé le contrôle par le ministère de l’Intérieur des prêches et l’expulsion des prédicateurs étrangers (et l’assignation à résidence pour les autres) refusant les principes figurant dans le préambule de la Constitution, ainsi que ceux appelant à la haine.
Ce faisant, certains ont cru retrouver ici l’équivalent de la «constitution civile du clergé» de la Révolution française. Ce n’est pas de cela dont il s’agit. L’Etat a le devoir de faire respecter la loi. On ne peut ici qu’être d’accord avec l’imam de Bordeaux quand il dit : «Ce n’est pas aux politiques de nous dire la théologie, qui est modérée ou non. Ce qui incombe aux politiques et à l’autorité publique, c’est de garantir l’ordre public.» Il est attristant ici de constater que cette conception de la laïcité n’est pas celle du Premier ministre.
Cela implique un contrôle sur les mosquées (il y en a 2 500 à l’heure actuelle et 410 en construction), sans doute sur une base aléatoire, et une application stricte des lois sur les «signes religieux», ainsi que sur l’incitation à la violence ou aux troubles à l’ordre public. Il conviendrait d’y ajouter une loi sur le respect du préambule de la Constitution.
De ce point de vue, c’est une erreur de «cibler» spécifiquement les mosquées «salafistes». Le contrôle doit être général. Il doit aussi être étendu aux associations culturelles pour vérifier qu’elles ne sortent pas de leur registre et qu’elles ne se livrent pas à un endoctrinement contraire à la loi.
La force de la laïcité, la force de la loi
C’est à ces conditions que l’on pourra lever la suspicion qui pèse sur des millions de musulmans qui ne souhaitent que s’intégrer à la République et qui en acceptent les principes et les règles. Mais, ceci exige une application ferme des lois existantes et à venir, une application dégagée du clientélisme qui aujourd’hui fait rage, et ceci fut rappelé par Malek Boutih, député du parti au pouvoir, qui avait dit en janvier 2015 : «La gauche doit se remettre en cause profondément […] Il faut arrêter la délégation à des autorités locales qui sont, soit au mieux débordées, soit complices. [Les élus locaux] s’arrangent avec la réalité ou ils participent de cette réalité pour avoir un petit paquet de voix aux prochaines élections». Il avait d’ailleurs usé de l’expression d’islamonazisme avant d’ajouter : «Quand, dans certaines municipalités, on propose des horaires aménagés pour les femmes à la piscine, c’est déjà un problème. Ça n’est plus acceptable. Quand les parents refusent que leur fille porte un short pour aller au cours de gym, c’est un problème. Un débat politique majeur va s’ouvrir sur toutes ces questions […] C’est vrai dans les villes de gauche comme dans les villes de droite ou dans les villes UDI qui pactisent avec les dieudonnistes comme en Ile-de-France. Cette affaire traverse tous les partis. Je ne vais pas être gentil au PS. Il faut que chacun nettoie devant sa porte».
On pourrait ajouter que ce clientélisme n’est pas qu’électoral. Il sévit aussi au sein de nombreuses entreprises, mais aussi dans les cantines scolaires et bien d’autres lieux. Ici encore, force doit rester à la loi.
Source : russeurope.hypotheses.org
Du même auteur : Cinq questions sur Nice