RT : Un nouveau Quick 100% halal vient d’ouvrir à Lunel, en quoi le label halal est-il un problème pour vous ?
Christophe Marie (C.M.) : Le problème ne vient pas tant des restaurants mais de la méthode d’abattage. Depuis toujours, nous luttons contre l’égorgement des bêtes à vif, nous voulons que les animaux soient étourdis avant leur mise à mort. Nous avons d’ailleurs été reçus à la mosquée de Paris, il y a plus de dix ans. Nous avons eu un engagement du recteur de la mosquée pour dire qu’il n’y avait pas d’opposition à ce que la bête soit étourdie dans la production de viande halal. On ne doit pas tolérer qu’un animal souffre inutilement au moment de sa mise à mort.
Cela n’est pas la volonté des musulmans mais du secteur économique des abattoirs qui veut simplifier la tâche, et généralise l’abattage rituel pour couvrir tous les marchés
En ce qui concerne la généralisation de cet abattage, il faut savoir que pour tuer un animal sans étourdissement préalable une dérogation est nécessaire. La règle générale qui s’applique normalement à tous, veut que l’animal soit étourdi avant d'être saigné. Il existe une dérogation dans le règlement européen qui précise qu’il est possible, dans le cadre d’une demande cultuelle de pratiquants, de déroger à cette obligation. Mais depuis une quinzaine d’années, cette dérogation devient la règle générale. Cela n’est pas la volonté des musulmans mais du secteur économique des abattoirs qui veut simplifier la tâche, et généralise l’abattage rituel pour couvrir tous les marchés.
Cela est très préoccupant car il n’y a aucun étiquetage, aucune information pour le consommateur des viandes issues de ce type d’abattage. Il y a toujours eu une volonté de l’Europe, et notamment de la France, d'empêcher cette traçabilité et cette information du consommateur.
Une très grande partie des viandes vendues dans le commerce général sont issues de ce type d’abattage et on ne peut le savoir.
Dès lors qu’on développe ce genre de restaurants rapides qui ne s’adressent pas uniquement à des [croyants], on multiple d’autant ce type d’abattage et la généralisation de ce système d’abattage. On est en train de contourner la réglementation en usant et en abusant d’une dérogation.
RT : Il y a quelques jours alors qu’on apprenait l’ambition du groupe Bertrand de faire de l’enseigne Quick la première chaîne de restauration rapide 100% halal en France, vous aviez adressé une lettre au président, y a –t-il eu des répercussions depuis ?
C.M. : Il n’y a pas eu d’évolution. Nous sommes intervenus pour la première fois en 2009, après un scandale qui concernait un abattoir, qui fournissait Quick d’ailleurs, où des faits de cruauté terrible avaient été révélés. En décembre 2015, nous nous sommes à nouveau exprimés après cette annonce du groupe. Nous ne sommes pas contre l’abattage rituel, ce n’est pas cela qui est visé, mais l’abattage sans étourdissement qui apporte une souffrance et une agonie supplémentaire aux bovins.
RT : Qu’attendez-vous concrètement des autorités publiques ? Faut-il interdire le halal complètement ?
C.M. : Concrètement on ne demande pas l’interdiction de l’abattage rituel mais l’obligation d’étourdissement des bêtes. Comme l'a expliqué le conseil du culte musulman, il est tout à fait possible d’imposer l’étourdissement des bêtes au moment de leur mise à mort et être conforme aux exigences des normes halal.
Les préceptes qui sont des obligations ne sont pas respectés alors que le fait d’égorger l’animal conscient n’est inscrit nulle part
Lorsqu’on étudie ce qui est halal et ce qui ne l’est pas, lors de sa mise à mort l’animal ne doit pas voir un autre animal se faire égorger, ne doit pas voir le couteau…Des choses qui ne sont pas mises en place dans les abattoirs. Les préceptes qui sont des obligations ne sont pas respectés alors que le fait d’égorger l’animal conscient n’est inscrit nulle part.
Les autorités françaises manquent de courage sur cette question-là, une dizaine de pays en Europe a déjà pris des mesures. En trois mois l'ancien ministre de l’agriculture danois a imposé que les animaux soient étourdis au moment de l’abattage.
RT : Avez-vous les mêmes positions concernant la viande casher ?
C.M. : Nous avons exactement la même position. Notre problème n’est pas de savoir si la viande est casher ou halal, mais de savoir si la bête a été étourdie ou pas. On se positionne par rapport à la souffrance animale, par rapport à des études scientifiques qui montrent que l’agonie est lente et douloureuse si on n’étourdit pas les bêtes.