RT France : Le résultat du référendum néerlandais, était-il prévisible pour vous ?
Cyrille Bret : Au regard des traditions politiques au Pays-Bas et de la conjoncture politique interne dans le pays et en Europe, oui, il était assez largement prévisible. D’abord, les Pays-Bas, comme la France d’ailleurs, ont une longue tradition de relations ambivalentes avec l’Union européenne et la construction européenne, de sorte que l’euroscepticisme qui s’exprime sur la scène néerlandaise s’est une nouvelle fois manifesté. Sur le plan interne, il faut garder en mémoire, que des élections générales auront lieu dans moins d’un an aux Pays-Bas et que la question posée par le gouvernement concerne aussi bien l’Ukraine que la politique européenne du gouvernement elle-même. Comme on dit dans la tradition politique française, un référendum c’est aussi un plébiscite.
La relation qui unit l’Union européenne et l’Ukraine n’est plus celle de la crise de 2014, où l’Union européenne avait fait preuve d’un soutien ferme et inconditionnel
RT France : Que signifie ce résultat pour l’Ukraine ?
C.B. : Pour l’Ukraine, sa signification est mitigée. Les éléments internes montrent que la question ukrainienne se pose à l’Europe, mais qu’elle n’est finalement que relativement secondaire pour l’Ukraine elle-même. Ça montre que la relation qui unit l’Union européenne et l’Ukraine n’est plus celle de la crise de 2014, où l’Union européenne avait fait preuve d’un soutien ferme et inconditionnel. Les Pays-Bas ont exprimé une approche critique envers l’Ukraine.
RT France : Comment les autorités européennes vont-elles réagir à ce vote ?
C.B. : Je pense que l’Union européenne ne tiendra pas vraiment compte du référendum néerlandais, d’autant plus qu’il n’a qu’une portée consultative.
Le président Porochenko a du mal à souder la scène politique ukrainienne derrière lui
RT France : Le leader de la fraction radicale de la Rada ukrainienne, Oleg Liachko, a déclaré que le résultat du référendum aux Pays-Bas, était la sanction pour les sociétés offshore de Petro Porochenko dévoilées par les «Panama Papers». Pensez-vous que ces deux dossiers soient liés ?
C.B. : Je pense que la bonne façon d’aborder cette question, c’est de la considérer comme un symptôme. Le débat interne politique ukrainien est marqué par une très grande violence depuis des années, la division du pays est très forte. Le président Porochenko a du mal à souder la scène politique ukrainienne derrière lui, ce qui est à la fois un signe de pluralisme plutôt encourageant, et un signe peu encourageant pour la suite du processus d’intégration et de réformes profondes dont le pays a besoin, aussi bien pour les questions de décentralisation que pour les questions de lutte contre la corruption.
Le président Porochenko est un élément qui va être nécessaire pour la mise en place des réformes
RT France : Le membre du Bloc de Petro Porochenko, Mustafa Nayyem, a déclaré que les résultats du référendum étaient une sorte de bilan du mandat de Petro Porochenko. Etes-vous d’accord que c’est un coup dur pour la présidence ukrainienne ?
C.B. : Evidemment, c’est un revers pour le président Porochenko, pour le gouvernement également. Ce n’est vraisemblablement pas la fin, c’est un évènement qui va rester marginal. Les autorités européennes se sont engagées dans une coopération étroite avec l’Ukraine qui perdurera d’une façon ou d’une autre, et je pense que dans ce dispositif-là le président Porochenko est un élément qui va être nécessaire pour la mise en place des réformes.
D’une certaine façon on peut raisonner a contrario : malgré tous ces défauts, toutes ces lacunes qui ont été pointés à juste titre, l’administration Porochenko reste nécessaire, tout simplement parce que s’il s’agissait de le remplacer, cela reporterait encore les reformes dont le pays a besoin et prolongerait encore l’état d’insécurité juridique et administrative dans laquelle le pays est plongé. Donc oui, bien sûr c’est un revers mais, non, ce n’est vraisemblablement pas la fin de l’administration Porochenko.