Jean-Yves Le Drian est furieux. Mercredi, il a vivement réagi aux informations divulguées par le journal Le Monde. Le quotidien nous apprend que des opérations clandestines menées par le service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sont en cours en Libye depuis mi-février. Khattar Abou Diab, expert en géopolitique et professeur à l’université Paris-Saclay a livré son analyse à RT France. Pour lui, les puissances occidentales et régionales sont davantage dans une logique de protection de leurs intérêts que dans une stratégie commune pour enrayer la montée de Daesh en Libye.
«L’OTAN n’a pas fait ce qu’il fallait pour reconstruire l’Etat»
Khattar Abou Diab n’est pas surpris par les révélations du Monde. Selon lui, la France «n’a jamais quitté la Libye» et il ajoute : «La France est dans une certaine continuité géopolitique. Ces dernières années, elle a multiplié les actions au Sahel comme son intervention militaire au Mali. Or les autorités savent parfaitement que la présence terroriste dans le sud libyen a une incidence sur la montée de l’extrémisme au Mali. On est dans une sorte de cercle vicieux.»
L’expert explique que «l’OTAN n’a pas fait ce qu’il fallait pour reconstruire l’Etat» après l’intervention internationale de 2011. D’un autre côté, il déplore «l’absence de stratégie internationale». «La France tente par ses propres moyens de limiter le danger terroriste au Mali. Le problème est que tout le monde travaille dans son coin» explique Khattar Abou Diab. Il prend l’exemple de la réunion qui s’est tenue à Rome le 2 février. Les ministres des Affaires étrangères d’une vingtaine de pays de la coalition anti-Daesh s’étaient réunis pour discuter du danger terroriste en Libye. «Il y a eu pas mal de disputes lors de cette réunion. Ce n’est un secret pour personne. Les puissances occidentales ont voulu défendre leurs intérêts plutôt que de s’entendre sur une tactique» analyse l’expert.
Cet état de fait condamne donc les nations occidentales impliquées aux actions sporadiques, comme «des frappes aériennes ou des opérations secrètes». Pour Khattar Abou Diab, elles ne sont pas les seules fautives : «Les puissances régionales telles que l’Algérie, la Tunisie ou l’Egypte sont dans la même logique. C’est leurs vues diplomatiques qui comptent en premier.»
«Une stratégie vouée à l’échec»
Khattar Abou Diab est assez pessimiste. Les puissances régionales et les Libyens émettent de fortes réserves quant à l’envoi de troupes au sol. Et l’absence de coordination entre les différentes nations impliquées fait courir le risque de voir Daesh s’implanter durablement dans le pays.
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«La politique actuelle ne marchera pas contre Daesh. Elle n’est pas à la hauteur. En l’état, l’espoir pour les Libyens apparaît bien mince» souligne le géopoliticien. Reste l’optimisme. «Tout le monde attend la formation d’un nouveau gouvernement» conclut-il, les Libyens les premiers.