RT : Pourquoi vous prononcez-vous aussi rigoureusement pour le port des burqas ?
Rachid Nekkaz : Dans ce cas-là, je parle du niqab. Le niqab c’est un habit que les musulmanes décident de porter qui couvre l’ensemble du corps sauf les yeux, ce n’est pas la burqa. La burqa c’est un habit qui est imposé aux femmes en Afghanistan avec un grillage, c’est comme une prison. Ainsi, jamais je ne paierai des amendes pour le port de la burqa, que je considère être un symbole d’opression des femmes en Afghanistan.
Ma démarche est la suivante : à titre personnel je suis contre le port du niqab cependant, comme disait le philosophe français et suisse Voltaire, «même si je ne suis pas d’accord avec vous, je ferai le maximum pour vous donner la possibilité de vous exprimer».
Il faut savoir que les pays européens comme la France, comme la Belgique, comme la Hollande et comme la Suisse sont les symboles de la tolérance religieuse et de la liberté en Europe depuis cinq siècles.
Le grand théologien français Calvin, au XVIème siècle lorsqu’il était victime d’opressions en France, avait trouvé refuge en Suisse, à Genève notamment. Ainsi, je ne comprends pas qu’en 2015 la Suisse ait décidé de tourner le dos à son histoire en terme de tolérance religieuse pour stigmatiser et discriminer des femmes qui ne représentent aucun danger pour la liberté d’autrui ainsi que pour la sécurité du territoire.
Ce n’est pas au nom de la religion que je défends ces femmes, c’est au nom du respect des libertés fondamentales qui sont garanties par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et par la Convention européenne des droits de l’Homme.
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RT : Quels objectifs avez-vous déjà atteint dans votre lutte ?
Rachid Nekkaz : En 2010 lorsque j’ai créé le fonds d’un million d’euros pour payer toutes les amandes des femmes qui portent librement le niqab dans la rue exclusivement, j’avais adressé une lettre à tous les députés français en leur disant que le Conseil d’Etat en France, qui représente la plus haute juridiction administrative, avait dit «oui» pour interdire le niqab dans les espaces publics fermés, comme les centres commerciaux, les banques et les écoles mais «non» pour l’interdire dans la rue, car la rue, c’est le patrimoine universel de la liberté.
A titre personnel, je ne fais qu’aller dans le sens des recommandations du Conseil d’Etat, je suis pour l’interdiction des niqabs dans les lieux publics fermés, mais pas pour son port dans la rue. Donc j’ai averti les députés français, belges, hollandais et suisses que «si vous votez une loi pour interdire le port du niqab dans la rue, je serai là pour la neutraliser sur le terrain, en payant ces amendes de façon pacifique et républicaine».
Et je suis très heureux aujourd’hui en étant un seul citoyen humaniste à neutraliser cette loi dans ces quatre pays. Je suis très fier de façon pacifique, d’avoir réussi à neutraliser ces lois qui sont des lois électoralistes, portées par des partis politiques qui ont un seul objectif, c’est de gagner les élections.Et je n’accepte pas qu’on stigmatise, qu’on discrimine les femmes musulmanes pour gagner les élections.
RT : Et combien d’amendes avez-vous payé depuis la création de votre fonds spécial ?
Rachid Nekkaz : A ce jour j’ai payé 1 300 amendes en France, 253 en Belgique, deux amendes en Hollande, et à partir du 1er avril 2016 je paierai les amendes en Suisse qui sont très élevées, à hauteur de 10 000 francs suisses (9 200 euros).
Mais je serai très fier de les payer, car grâce à ces amendes très élevées je pourrai à nouveau saisir la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg et je suis sûr à 100% qu’elle va condamner le Parlement suisse pour dresser des peines excessives. Il faut savoir que lorsque cette Cour avait pris sa décision concernant la loi en France contre les niqabs, elle avait dit «j’autorise le Parlement français à appliquer cette loi, parce que les peines encourues par les femmes ne sont pas excessives, en l’occurrence 150 euros. Et à ce jour j’ai dépensé 250 000 euros sur un budget d’un million d’euros qui évidemment peut être augmenté dans les années à venir.