RT : En ce qui concerne l’Union européenne, la Serbie cherche à y adhérer. Mais vous êtes maintenant en Russie pour assister au sommet des BRICS à Kazan qui suscite beaucoup d’intérêt. Quelles sont les ambitions de la Serbie à l’égard de l’Union européenne et sont-elles incompatibles avec la participation aux BRICS ? Faut-il choisir entre les deux ? Dans quelle mesure l’aspiration de la Serbie à rejoindre l’Union européenne est-elle réelle ? Et dans le cadre de l’adhésion aux BRICS, les deux options s’excluent-elles mutuellement ?
Aleksandar Vulin, vice-Premier ministre serbe : Je n’étais pas aussi eurosceptique avant de commencer à travailler avec les Européens. Une fois que je les ai rencontrés, vraiment rencontrés, je suis devenu très eurosceptique. Avant, j’avais quelques espoirs, quelques désirs. En rencontrant les autorités européennes à Bruxelles, je suis devenu très eurosceptique. Mais la politique de la majorité, l’opinion de la majorité des hommes politiques serbes est que nous devrions rejoindre l’Union européenne. Très bien. Je ne partage pas toujours cette opinion, mais je suis membre d’un gouvernement pro-européen et je fais ma part. Toutefois, il serait très irresponsable de ne pas envisager l’option des BRICS.
On dit qu’il s’agit d’une plateforme de discussion. Parfait. Donnez-nous la possibilité de les écouter et de les entendre. Les BRICS sont devenus une véritable alternative. Pour la première fois, il existe une véritable alternative, une alternative très excitante. Pour adhérer à l’Union européenne, par exemple, il faut se trouver sur le sol européen, à sa frontière. Ce n’est pas le cas avec les BRICS, il s’agit donc d’une plateforme très novatrice. Je suis fermement convaincu que nous partageons des valeurs communes. C’est encore plus important que de partager des frontières.
L’une des raisons pour lesquelles le président Poutine est si populaire en Occident est qu’il est considéré comme le gardien de ce qu’on appelle la tradition, les valeurs traditionnelles. Je dirais même les valeurs naturelles : Dieu, la nation, la famille. Vous savez, si nous parlons de ces questions importantes avec nos grands-parents, ils ne comprendront pas où est le problème. Dieu, la nation, la famille.
RT : Ce qui semble être absent du récit européen sur la société, la nation et la souveraineté. Ne pensez-vous pas que l’Union européenne est peut-être devenue plus un gestionnaire de nations qu’un bloc commercial ? Êtes-vous d’accord avec l’idée qu’au centre des activités des BRICS se trouvent le commerce et la souveraineté, et le principe de permettre aux gens de prendre leurs propres décisions dans leur pays, en respectant leurs propres traditions religieuses, et de les laisser vivre selon leurs propres convictions ? Ils ont peut-être tiré des leçons de l’évolution restrictive de l’Union européenne. Qu’en pensez-vous ?
Aleksandar Vulin, vice-Premier ministre serbe : Oui, tout à fait. L’une des raisons pour lesquelles je suis si enthousiaste à propos des BRICS est que personne ne demande à la Serbie de faire quoi que ce soit. Personne ne nous demande de modifier notre loi électorale, par exemple, ou de légaliser le mariage homosexuel. Non, personne ne nous demande rien. On nous dit : «D’accord, c’est votre façon de vivre. Vous vivez comme vous voulez, de la manière dont vous pensez qu’elle est bonne pour vous.» Et les BRICS nous offrent bien plus que ce que nous demandons. Imaginez ce marché : 51% du gaz, 47% du pétrole.
Leur PIB est supérieur à celui du G7. Et ils ne nous demandent rien, politiquement parlant. Je suis donc très enthousiaste. J’aimerais en savoir plus. Les Serbes veulent-ils rejoindre les BRICS ? Il est trop tôt pour le dire. Je ne peux pas le dire. Mais je peux dire que nous voulons examiner cette opportunité. Pour la première fois, nous avons une véritable opportunité, nous avons une véritable alternative à l’Union européenne.
De plus, personnellement, je ne suis pas sûr à 100% que l’Union européenne veuille vraiment accepter la Serbie, une Serbie orthodoxe et libre. Je n’en suis pas sûr. L’une des raisons pour lesquelles je n’en suis pas sûr est, par exemple, la situation du recensement au Monténégro. Nous attendons les résultats du recensement au Monténégro depuis près d’un an. Le pays compte peut-être entre 600 000 et 700 000 habitants. C’est un peu comme une ville en Allemagne. Et personne ne nous donne d’informations précises sur le nombre de Serbes qui vivent au Monténégro. Je ne suis pas sûr que même le Monténégro ait une chance de devenir membre de l’UE en raison du grand nombre de Serbes qui y vivent. Ce n’est peut-être que mon impression. Je ne sais pas.