Le prochain sommet mondial de l’ONU sur le climat (appelé COP 21) se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Il a pour objectif la conclusion, par les 195 pays membres, d’un accord de réduction des gaz à effet de serre (GES) afin de maintenir le réchauffement de la planète sous la barre des 2°C d’ici la fin du siècle. Jamais l’hypocrisie n’aura atteint de tels sommets. D’un côté, la plupart des responsables gouvernementaux, relayés par des médias dépourvus de toute indépendance et de tout esprit critique, dramatisent la situation, culpabilisent les citoyens et font de la surenchère verbale : « c’est l’avenir de la planète qui se joue dans trois mois », il faut arrêter « d’opposer l’économie et l’écologie », « c’est le sommet de la dernière chance »... D’un autre côté, les mêmes invitent les pires pollueurs de la planète que sont les grandes firmes multinationales à sponsoriser la COP 21 et à parader, transformant celle-ci en véritable foire commerciale.
Le réchauffement climatique est une réalité inquiétante
Les bulles d’air emprisonnées dans les calottes glaciaires ont permis de mesurer les concentrations naturelles de CO2, variant les siècles passés entre 180 et 280 ppm (nombre de molécules par millions de molécules d’air). Après deux cents ans de capitalisme, les concentrations atteignent aujourd’hui 400 ppm. Pour les scientifiques, le seuil d’un réchauffement climatique de 2°C serait atteint avec une concentration de 450 ppm. Ainsi, entre 1880 et 2012 la température moyenne terrestre a augmenté de 0,85°C. À ce rythme, le seuil des 2°C de hausse de la température globale devrait être franchi dès 2030. Le scénario le plus probable serait entre 3 et 4°C, le scénario le pire serait de 5,5°C.
Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) confirme que le réchauffement climatique est dû aux gaz à effet de serre provoqués par une activité économique insouciante. Le gaz carbonique (CO2), le plus répandu, est issu de la combustion du charbon et du pétrole, dont une partie est absorbée par les forêts et les océans, provoquant d’ailleurs l’acidification de l’eau de mer. Depuis le début de l’ère industrielle, les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont augmenté de 40%. Le second gaz, le méthane (CH4), a augmenté de 150% sous l’effet de la prolifération du nombre de ruminants, de l’expansion des rizières et des décharges d’ordures. Le troisième, le protoxyde d’azote (N2O), issu des activités agricoles (engrais), a augmenté de 20%.
Les risques provoqués par le réchauffement climatique sont considérables
Nous sommes déjà dans la crise climatique. L’augmentation du niveau moyen global de la mer a été de 19 cm entre 1901 et 2010. Les prévisions sont aujourd’hui de 26 cm à 98 cm en moyenne d’ici 2100, mettant en jeu la vie de populations vivant sur le littoral (Bangladesh) ou sur des îles. Dans les années 1970, 660 catastrophes naturelles ont été identifiées dans le monde (sécheresses, inondations, records de température, extension des déserts, feux de forêts, tempêtes…). Dans les années 2000, 3322 ont été recensées… Des événements climatiques extrêmes de ce type vont se multiplier. Ils entraîneront une perte de biodiversité provoquant l’extinction de nombreuses espèces terrestres et marines incapables de s’adapter à des changements aussi rapides. L’acidification des océans fera disparaître de nombreuses espèces marines. Les pénuries d’eau affaibliront l’agriculture, aggravant l’insécurité alimentaire.
L’impacts sur la santé de toutes ces évolutions cumulées sera considérable, accroissant les inégalités sociales. Encore une fois ce sont les pays pauvres qui seront frappés le plus durement, ainsi que les pauvres des pays riches. Les migrations s’accélèreront, suscitant des conflits entre peuples.
Les origines du réchauffement climatique sont parfaitement connues
Le réchauffement climatique se développe depuis le XVIIIe siècle et l’utilisation massive des énergies fossiles pour la production, les transports et la consommation. Le réchauffement s’accélère avec la mondialisation. C’est bien le capitalisme occidental, qui fabrique la mondialisation, et porte son modèle sur l’ensemble de la planète, qui est en cause. C’est pourquoi tous les États ne peuvent pas être tenus responsables de la même manière des émissions générées sur leur propre territoire. Il faut tenir compte des émissions qui proviennent de la fabrication des biens qu'ils importent. Ainsi, pour un pays comme la Chine, ce n'est pas son propre développement qui génère une augmentation importante de CO2, mais son rôle d'atelier du monde. Selon une étude publiée en 2011 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, la hausse des émissions attribuables à la production dans les pays en développement de biens consommés dans les pays industrialisés est six fois plus importante que la baisse des émissions observée dans ces derniers pays.
Sur le plan technique, les moyens existent pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique
La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère est évidemment la condition décisive pour endiguer le réchauffement climatique. D’ici 2050 il faudrait diviser par 4 ces émissions pour les pays développés et par 2 pour les pays en développement. Selon certains scientifiques les émissions de CO2 devraient être bloquées le plus vite possible à 350 ppm.
Les moyens techniques pour y parvenir sont disponibles. Il faut commencer par interdire progressivement le charbon responsable à lui seul de 44% des émissions de CO2 liées à l’énergie. La lutte contre la déforestation permet ensuite d’atténuer l’accumulation des GES dans l’atmosphère. Le mécanisme mis en place actuellement, intitulé REDD+, est inefficace et doit être arrêté. Transformer l’agriculture empêche les pénuries d’eau, augmente le stockage du carbone dans les sols, réduit les émissions de méthane dans l’atmosphère du fait des déchets agricoles et de l’élevage. L’accélération des transferts de technologies vers les pays pauvres aidera ces derniers à agir efficacement.
L’augmentation des financements publics pour les pays pauvres doit s’accélérer. Le «Fonds Vert pour le climat», promis par les pays développés à Copenhague en 2009, devrait atteindre 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. À cet égard, la mobilisation des fonds privés levés sur les marchés financiers ou par des prêts est inacceptable. Cela signifierait que les pays pauvres devraient commencer par s’endetter s’ils veulent protéger leurs populations des effets du changement climatique.
On peut ajouter :
- Organiser la transition énergétique dans chaque pays pour que la justice sociale et les droits humains soient garantis, ainsi que la sécurité et la souveraineté alimentaires absents du texte de négociation.
- Faire contribuer le transport aérien et le transport maritime qui ne sont pas couverts par les objectifs de réduction d’émission nationaux. Les pays pauvres avaient demandé que ces deux secteurs contribuent au financement de la lutte contre les dérèglements climatiques. Cette demande ne figure pas dans le texte de négociation. Autrement dit, ces deux secteurs stratégiques pour la mondialisation capitaliste seront épargnés par les politiques climatiques.
- Réduire les subventions aux énergies fossiles qui reçoivent chaque année 700 milliards de dollars de subventions publiques directes. En 2011, le GIEC estimait « que près de 80% de l’approvisionnement mondial en énergie pourrait être assuré par des sources d’énergies renouvelables d’ici au milieu du siècle si l’effort est soutenu par des politiques publiques adéquates ».
- Démanteler le marché financier du carbone totalement inefficace.
- Augmenter les subventions au développement des énergies renouvelables qui, malheureusement, ne progressent plus. Étrangement, en 2013, les subventions allouées aux combustibles fossiles représentaient 550 milliards de dollars, soit plus de quatre fois la somme des subventions aux énergies renouvelables.
C’est l’absence de remise en cause du modèle économique dominant, par les élites, qui provoque l’inertie des États face au réchauffement climatique, et non de prétendues contraintes techniques. Il faut démondialiser l’économie, et c’est bien là que se trouve le nœud du problème.