RT France : Le partenariat Transpacifique est un accord commercial négocié entre onze pays : Australie, Brunei, Chili, Canada , États-Unis, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam. A qui selon vous profite-t-il ?
Martine Billard : Tous ces traités – le Transpacifique, la Transatlantique ne sont que la resucée du traité général qui avait échoué concernant l’ensemble de la planète – l’Accord multilatéral international. Cet accord ayant échoué à l’époque, il est divisé en plusieurs accords avec un seul objectif qui est finalement de déréguler non seulement le marché au sens des droits de douane – c’est assez secondaire – mais surtout une dérégulation totale des normes : sociales, environnementales, sanitaires, agricoles. Il s’agit de mettre en place un mécanisme qui a pour objectif de permettre aux multinationales d’attaquer les Etats ou les institutions locales au nom du droit de faire du profit sans entrave. C’est un élément central parce qu’on se trouve dans une situation où les multinationales mènent des politiques au seul service d’eux-mêmes et deleurs profits. Ce sont elles qui bénéficient de cet accord.
RT France : Quelles seront les conséquences du PTP sur les Etats impliqués dans ce traité, mais surtout pour les citoyens de ces Etats ?
Martine Billard : Un des éléments communs de tous ces traités – c’est qu’ils sont toujours clandestins. On n’arrive jamais à voir les textes des accords avant la fin des négociations. C’est scandaleux. C’est fait dans des petits groupes et les peuples ne sont pas consultés. Du coup, de ce qu’on savait sur le PTP c’est qu’il y aura des conséquences sur les médicaments. Il y a beaucoup de pays du Sud avec la volonté des multinationales américaines et canadiennes d’interdire la possibilité aux autres pays de développer des médicaments génériques pour beaucoup moins cher pour leur population. En ce qui concerne l’environnement – le traité serait au service des multinationales d’extraction pour interdire toute norme environnementale par rapport à cette industrie d’extraction.
RT France : On a constaté que les négociations sont restées secrètes, n'étant menées que par quelques experts et lobbyistes triés sur le volet. Est-ce vraiment démocratique ?
Martine Billard : Non. En ce qui concerne le Transatlantique, les Etats prenant part à la négociation ne peuvent être consultés que par quelques personnes au niveau du Parlement européen. Ils n’ont droit d’avoir ni papier ni crayon, ni téléphone portable – aucun moyen pour prendre des notes. Les gouvernements ne peuvent consulter ces textes temporaires que dans les ambassades des Etats-Unis. C’est une atteinte à la souveraineté des Etats qui est absolument phénoménale. Par exemple, François Hollande est obligé d’aller à l’ambassade américaine s’il veut consulter le texte en cours de négociation. C’est tout à fait inadmissible et je pense que pour le Transpacifique cela a été fait de la même façon. Si les présidents des Etats ne peuvent pas consulter le texte, on voit que pour les peuples – nous n’avons que des bribes qui nous viennent du Parlement européen de la part des élus qui parviennent à retenir des passages. Tout ça pour empêcher toute mobilisation qui puisse faire échouer ces traités comme on l’a pu avec l’AMI.
RT France :Si comme on l'a vu les peuples ne sont pas consultés, qui écoute et interagit pendant ces négociations ?
Martine Billard : Vous avez des lobbies très puissants et notamment des multinationales, vous avez des politiques qui sont consultés, parce qu’il y a une équipe qui suit les négociations. Ils savent tout ce qui se passe avec les lobbies derrière. Au niveau du TTIP, il y a des négociations sur l’agriculture très fortes parce qu’il constitue un des points de blocage en général entre les Etats-Unis et l’Europe : les lobbies agricoles y sont tous présents. Ce n’est pas pour respecter des normes à l’avantage des populations que ce soit au niveau sanitaire, alimentaire etc. Le principe est le suivant : «tu laisses rentrer mon roquefort – tu es obligé d’accepter mon poulet au chlore» – c’est à peu près ça. On n’est plus dans l’objectif de l’intérêt général des populations, mais à l’avantage des différents secteurs économiques.
RT France : De nombreuses manifestations de citoyens et témoignagnes de responsables d'entreprises et personnalités politiques ont été vues et entendus ces dernières semaines. Vu l’ampleur des protestations, pensez-vous que le traité Transatlantique verra le jour ?
Martine Billard : J’espère bien que non, nous faisons tout pour l’empêcher. Pour l’instant le traité a déjà pris beaucoup de retard grâce à des mobilisations qui empêchent des gouvernements de continuer à accepter tout et n’importe quoi, on espère bien le faire échouer. Même pour le Transpacifique, les négociations sont terminées mais les peuples vont se battre pour empêcher la signature et la ratification. Il y a des mobilisations et nous espérons qu’elles vont prendre de l’ampleur. C’est encore possible.
RT France :Pensez-vous qu'il est encore possible de faire échouer le traité Transatlantique ?
Martine Billard : Oui. Il y a une très grande mobilisation en Allemagne, on essaye de notre côté de maintenir et augmenter la mobilisation en France, surtout sur le climat ces dernier temps – il y a un lien très concret avec le traité. Si vous libéralisez toute l’économie et aboutissez à une solution où les multinationales décident ce qu’elles veulent, bien évidemment c’est tout à fait incompatible avec l’objectif de maintenir le réchauffement climatique en-dessous de deux degrés parce que les multinationales vont tout faire pour continuer à brûler tout le pétrole et le charbon qu’il reste dans le sous-sol de la planète.