«Une telle armée doit nous aider à mieux coordonner notre politique étrangère et de défense et à prendre en charge collectivement les responsabilités européennes dans le monde», a dit le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors d’une interview pour le journal allemand Welt am Sonntag.
Il a ajouté que «l'image de l'Europe a souffert de façon dramatique. En termes de politique étrangère, il semble que nous ne soyons pas vraiment pris au sérieux».
Une armée européenne conjointe, dans l'idée de Juncker, «montrerait au monde qu’il n’y aura plus jamais de guerre entre pays européens»
Avec une telle armée, l'Union pourrait «réagir d’une façon plus crédible aux menaces à la paix dans un Etat-membre ou dans un Etat voisin».
«On ne créera pas une armée pour l’utiliser tout de suite», a déclaré Juncker. «Mais une armée conjointe des Européens dirait à la Russie que nous sommes sérieux en ce qui concerne la protection des valeurs de l’Union européenne».
La proposition de Juncker a été soutenue en Allemagne où, le mois dernier, la ministre de la Défense Ursula von der Leyen a été la première à parler d'une armée européenne comme d'un objectif prioritaire pour l’Union.
Réagissant à la proposition de Juncker, elle a dit à la station de radio Deutschlandfunk que l’armée européenne «est l’avenir».
Norbert Röttgen, président du Comité des Affaires étrangères du Bundestag, a dit aussi à Welt am Sonntag qu’«l’idée d’une armée conjointe est une idée chère à l’Europe dont le temps est venu».
«Les pays européens se permettent des dépenses militaires énormes, beaucoup plus élevées au total que celles de la Russie. Cependant, nos capacités militaires restent insuffisantes en termes de sécurité», a-t-il dit. «Et elles le resteront aussi longtemps que nous parlons d’armées nationales miniatures qui font souvent la même chose et achètent les mêmes choses au format miniature».
Selon le président de la commission de Défense du Bundestag Hans-Peter Bartels, «ces dix dernières années ont peu apporté au système européen de défense, il faut lui donner un nouvel élan».
«Il est important que nous prenions des mesures concrètes. Nous ne devons pas attendre l’adhésion de tous les 28 Etats membres à une conception globale, il faut qu’on commence par des accords entre Etats-nations», a-t-il proposé.
L’idée de Jean-Claude Juncker fait grincer quelques dents à Paris et à Londres, le Royaume-Uni et la France étant réticents à l’idée de renforcer la fonction militaire de l’Union européenne au détriment du rôle de l’OTAN.
Cependant, l’ancien secrétaire général de l'OTAN Javier Solana s’apprête lui-même à présenter un rapport intitulé Plus d’Union dans la défense européenne qui doit promouvoir une nouvelle approche de la défense européenne avec une Union «capable militairement et politiquement d’intervenir au-delà de ses frontières» et dotée de son propre Etat major siégeant à Bruxelles.
En Russie, le parlementaire Leonid Sloutski a déclaré que l’Union européenne était paranoïaque au sujet de son voisin oriental.
«La version européenne de la paranoïa consiste à prôner la création d’une armée conjointe pour faire le poids face à la Russie alors que celle-ci n’a pas du tout l’intention d’attaquer qui que ce soit», a-t-il écrit sur Twitter.
Les commissaires européens ont donné libre cours à leurs «ambitions militaires» après que la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères Federica Mogherini a souligné que l’Europe «porte un regard réaliste sur les évènements en Russie» et «ne se laissera jamais piéger ni entraîner de force dans une confrontation avec Moscou».
Pour couronner le tout, il convient de rappeler que, comme l'a révélé samedi le quotidien allemand Der Spiegel, Berlin a mal accueilli les commentaires sur l’Ukraine de Philip Breedlove, commandant en chef des forces de l'OTAN en Europe, dénonçant une «propagande dangereuse» qui mettrait à mal la crédibilité de l’Occident.