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Difficile de négliger le rôle des Etats-Unis dans le coup d’Etat ukrainien

Après avoir nié pendant des mois avoir joué un rôle dans le coup d’Etat ukrainien, le président Obama a admis que les Etats-Unis avaient négocié la «transition». Mais l’engagement actuel des Etats-Unis dans la crise ne se limite pas qu’à cela.

Washington a investi massivement en Ukraine bien avant le début des manifestations de Maïdan à  en 2013. Selon Victoria Nuland, la sous-secrétaire d'État américaine en charge de l’Europe, depuis1991 les Etats-Unis ont déversé 5 milliards de dollars provenant des poches de leurs contribuables dans ce qu’elle a appelé l’aide aux Ukrainiens pour développer «des compétences et des institutions démocratiques».

En savoir plus : les Etats-Unis ont négocié le changement de pouvoir en Ukraine

Cet argent a été investi dans le parrainage de plusieurs organisations non-gouvernementales, des partis politiques et des médias. Par exemple, Hromadske.tv, une chaîne de télévision basée sur Internet qui a été créé en été 2013, a reçu une subvention d’environ 50 000 dollars de l’ambassade américaine. La chaîne a présenté un éclairage complet des manifestations sur Maïdan et a servi de plate-forme à plusieurs dirigeants de l’opposition.

De tels investissements sont un outil bien connu des . Washington explique qu’il s’agit de promouvoir des changements positifs et dément donner de l’argent pour exercer de la pression et poursuivre ses propres buts dans les pays ciblés. Mais en Ukraine les Etats-Unis ont joué un rôle beaucoup plus grand que le simple financement des acteurs locaux.

Certains, comme le réalisateur Oliver Stone parlent même d’un coup d’Etat organisé par les Etats-Unis. L’ex-membre du Congrès Ron Paul a même appelé les Etats-Unis à cesser leurs interventions dans les affaires ukrainiennes.

Les cookies de Victoria Nuland

Des officiels occidentaux ont paradé à Kiev pour soutenir les manifestants et décourager le président Viktor Ianoukovytch de prendre des mesures plus dures à leur encontre. Une star active de la scène politique américaine, le sénateur John McCain, a passé une soirée agréable avec les dirigeants de l’opposition et a twitté des photos des foules de Maïdan. Il s’est même adressé aux manifestants le lendemain.

En ce qui concerne Victoria Nuland, on se rappelle surtout de sa distribution de gâteaux aux agents de la police anti-émeutes et aux manifestants, alors qu’elle était accompagnée par l’ambassadeur américain Geoffrey Pyatt pour une visite de Maïdan en novembre 2013.

Mais en sous-main, le duo était engagé dans des négociations autour du pouvoir. En janvier, c’est l’ambassadeur américain qui a fait sortir les manifestants du bâtiment du ministère de la Justice qu’ils avaient investi par la force. Le ministère de l’Intérieur, qui était encore fidèle à Ianoukovytch à ce moment-là, a officiellement remercié Geoffrey Pyatt.

Plus tard, en février, la divulgation d’une conversation téléphonique qui est restée célèbre par les mots inimprimables prononcés par Victoria Nuland à l’égard de l’UE compte tenu de sa frustration, a révélé que le couple discutait des personnes qui devaient être mises à la tête du nouveau gouvernement ukrainien (Arseni Iatseniouk, à propos, le Premier ministre actuel) et de celles qui ne devaient pas y figurer (Vitali Klitschko, qui est pour le moment le maire de Kiev).

Des règles fixées par l’étranger ?

Le soutien américain au nouveau gouvernement ne s’est pas évanoui après le coup d’Etat, ni même après qu’il se soit mis à rogner la liberté des médias et la liberté d’expression en lançant une opération militaire dans les régions dissidentes de l’Est. D’après les critiques, il était parfois même difficile de faire une distinction entre l’Ukraine et une entité dirigée directement par Washington.

Un épisode ironique a eu lieu en décembre quand le Service de sécurité ukrainien (SBU) a accroché un drapeau américain sur l’entrée de son siège. Les photos du drapeau ont été rapidement considérées comme de la propagande véhiculée par des bloggeurs mais le SBU a fini par confirmer qu’il avait accroché un drapeau américain pour honorer la visite de Rose Gottemoeller, la sous-secrétaire d’Etat, en charge des contrats d’armement avec le Département d’ Etat.

Les débats sur ce drapeau ont été partiellement enflammés par des rumeurs disant que le SBU avait alloué tout un étage de son quartier général à des consultants américains, dont des agents actifs de la CIA.

Ces rumeurs pourraient porter atteinte à la souveraineté de Kiev, mais ce n’est peut-être pas totalement infondé. L’Ukraine n’a pas hésité à nommer ministres plusieurs étrangers, en leur donnant précipitamment la citoyenneté ukrainienne indispensable pour occuper de tels postes. Parmi eux, la ministre des Finances Natalie Jaresko, une ancienne chef de section à l’ambassade américaine et membre d’un fonds d’investissement qui a distribué l’argent du Congrès américain par le biais de l’USAID, l’Agence américaine pour le développement international.

La présidence de Joe Biden

Un épisode similaire s’est produit en avril quand le vice-président américain Joe Biden est arrivé à Kiev en visite d’Etat. Le haut diplomate américain est venu après que le président de l’époque, Aleksandr Tourtchynov, a lancé une campagne militaire contre les forces antigouvernementales dans les régions de  et Lougansk. Cette opération a dégénéré en une véritable guerre civile.

Un moment amusant s’est produit pendant la visite de Biden, quand il a présidé une réunion avec des fonctionnaires ukrainiens en s’asseyant à la place réservée d’habitude au président ukrainien. Ironiquement, Dozhd TV, la principale chaîne d’opposition russe qualifié Joe Biden de président ukrainien au pouvoir et lui a fait dire qu’il fallait que la Russie «arrête se mêler des affaires internes des Etats-Unis».

Pour Biden, l’avenir économique de l’Ukraine est un sujet de préoccupation non seulement à cause de son poste, mais aussi des liens familiaux qu’il entretien avec le secteur énergétique ukrainien. En mai, la plus grande compagnie privée d’énergies fossiles du pays, Burisma Holdings, a annoncé la nomination de Hunter Biden, le fils de Joe, à son conseil d’administration. La Maison Blanche a insisté sur le fait que cette nomination ne provoquait pas de conflit d’intérêt pour le vice-président des Etats-Unis.

Ces exemples, et d’autres encore, du pouvoir de négociation américain dans la transition politique en Ukraine a soulevé des doutes sur la distance présumée avec laquelle Washington a suivi le changement du régime. Après tout, les Etats-Unis se sont souvent mêlés des affaires des autres pays, en évinçant les gouvernements que Washington n’aimait pas et en imposant ceux qu’il leur préférait. Pourquoi serait-ce différent en Ukraine ?