Les rassemblements de Maïdan ont commencé dans le centre de Kiev en novembre 2013 après que le président ukrainien Viktor Ianoukovytch a repoussé la signature d’un accord d’association avec l’Union européenne (UE). Les manifestations ont atteint un point culminant en février 2014 lorsque des affrontements violents entre les émeutiers et la police ont fait basculer l’histoire de l’Ukraine.
Mardi 18 février
Près de 20 000 manifestants ont marché sur le parlement national, la Rada suprême d’Ukraine. Même si cette action s’appelait «offensive pacifique», elle a vite dégénéré en affrontements violents avec la police.
Plusieurs émeutiers ressemblaient plus à des extrémistes bien entraînés qu’à des manifestants ordinaires. Portant des masques noirs, des casques, des gilets pare-balles, ils ont jeté des pierres et des cocktails Molotov ainsi que des pétards sur les membres de la police anti-émeutes.
En réponse, les autorités ont fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Des balles réelles auraient été utilisées par les deux parties. Les violences ont continué durant toute la nuit et au matin, une vingtaine de personnes au moins avaient été tuées, dont au moins dix policiers. Les blessés se comptaient par centaines.
Au fil de l’intensification des manifestations, l’opposition a demandé le retour à la constitution de 2004, ce qui aurait transformé l’Ukraine en une république parlementaire plutôt que présidentielle. Le parti au pouvoir a pour sa part souligné que les demandes de l’opposition violaient intrinsèquement la constitution ukrainienne.
Ce jour-là, les autorités de la Crimée ont prévenu que la mobilisation générale à laquelle appelaient les groupes d’extrême-droite était une tentative préméditée de déclencher une guerre civile en Ukraine et «une nouvelle tentative de prendre le pouvoir par la force». Les autorités de la péninsule ont poussé Ianoukovytch à prendre «une action décisive et des mesures d’urgence» pour mettre fin aux émeutes et restaurer l'ordre constitutionnel.
Mercredi 19 février
Les tensions étaient importantes après les événements meurtriers de mardi. Un immense feu s’est propagé dans la Maison des syndicats recouvrant Maïdan d‘une épaisse fumée noire.
Des postes de contrôle de la police ont été installés dans toute la capitale, les écoles ont été fermées et des restrictions sur l’utilisation des transports publics ont été introduite dans ce qui était de facto un état d’urgence.
Au fil de la montée des tensions, le président américain Barack Obama a déclaré que les Etats-Unis «condamnent dans les termes les plus fermes la violence» en Ukraine, ajoutant que le gouvernement ukrainien devait défendre les droits de manifestants pacifiques et renoncer à utiliser la force.
En dehors de la capitale, les émeutiers ont dépouillé un dépôt d’armes dans l’ouest de l’Ukraine et pris la fuite avec plus de 1 000 fusils. Les émeutiers ont attaqué la police, les bureaux du gouvernement, incendié les bâtiments, dispersé des documents et détruit les meubles.
Pourtant, le président Ianoukovytch et les leaders des trois principaux partis d’opposition – Oleg Tyahnybok du parti de l’opposition nationaliste Svoboda ; Arseni Iatseniouk, leader du parti Batkivshchyna ; et Vitali Klitschko, leader du parti d'opposition Oudar – sont parvenus à conclure un accord de trêve fragile.
Les partis d'extrême droite ont refusé d’observer cette trêve. Le leader du parti Secteur droit (Pravyï sektor) a déclaré que son groupe n’avait signé aucun accord et a appelé à continuer «l’offensive des manifestants».
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Jeudi 20 février
Le lendemain, une autre journée de manifestations reconnue comme le «Jeudi sanglant», est le jour où Kiev a connu ses plus graves violences depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les émeutiers ont ignoré la trêve et, tôt le matin, ils ont déclenché une révolte contre les autorités. Encore une fois, des tirs ont eu lieu sur Maïdan, touchant des manifestants et des policiers. Beaucoup de victimes ont été tuées par les tireurs embusqués positionnés dans les bâtiments voisins. On ne sait toujours pas qui étaient ces tireurs ni d’où ils tenaient leurs ordres et les deux parties s’accusent toujours mutuellement d’avoir commencé à tirer.
Dans le chaos, les émeutiers ont pu repousser les policiers hors de la place de l’Indépendance dans les rues adjacentes. Ils en ont aussi capturé des dizaines. On estime qu’une centaine de personnes ont été tuées au cours des affrontements de cette journée funeste, mais le nombre exact reste inconnu jusqu’à maintenant.
Alors que la situation se détériorait et que les demandes adressées aux ultra-nationalistes et aux radicaux pour qu’ils déposent leurs armes et «reviennent à des manifestations pacifiques» restaient vaines, le ministère ukrainien de l’Intérieur a officiellement autorisé la police à utiliser les armes pour «protéger les citoyens, sauver les otages et répondre aux attaques meurtrières».
Les événements sont devenus si intenses que les ministres français, allemand et polonais des Affaires étrangères qui avaient prévu de rencontrer Ianoukovytch et l’opposition pour négocier un accord de paix, ont dû quitter la capitale ukrainienne pour des raisons de sécurité.
Vendredi 21 février
Après ce qu’ils ont eux-mêmes appelé «une nuit de négociations difficiles», les ministres européens des Affaires étrangères – Radoslaw Sikorski pour la Pologne, Laurent Fabius pour la France et Frank-Walter Steinmeier pour l’Allemagne – ont conclu un nouvel accord.
Ianoukovytch a cédé aux demandes des manifestants et a annoncé la tenue d’élections présidentielles anticipées et le retour à la Constitution de 2004, un nouveau gouvernement de coalition devant être formé sous dix jours. Il a aussi annoncé une troisième amnistie pour tous ceux qui avaient participé à des émeutes violentes et renoncer à instaurer l’état d’urgence en donnant trois jours aux manifestants pour rendre toutes leurs armes illégales.
Dans l’intervalle, le parlement ukrainien a interdit l’utilisation des armes à feu pour les agents de police et a accepté de retirer les troupes de Kiev. Plus de 80% des députés du parti au pouvoir ne se sont pas présentés pour le vote. En parallèle, un projet de loi de destitution du président a été présenté devant le parlement.
Pendant la journée la police et les autres forces de sécurité ont commencé à quitter la capitale. Mais dans la soirée, les émeutiers ont annoncé que malgré la trêve ils étaient toujours décidés à destituer le président le plus vite possible.
La nuit suivante Ianoukovytch a fui de la capitale pour sa propre sécurité avant d’être évincé du pouvoir peu après.