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Les projets de la Banque mondiale forcent des millions de gens à l’exil

Les projets de la Banque mondiale dans les pays en développement nuisent aux peuples que l’organisation a promis de protéger alors que presque quatre millions de personnes à travers le monde sont sans abri, expulsées de force ou déplacées.

Une enquête menée par le Consortium international pour le journalisme d'investigation (International Consortium for Investigative Journalism - ICIJ) a examiné les activités de la Banque mondiale dans 14 pays, et a découvert que presque 3,4 millions de «personnes des plus vulnérables» ont été forcées de fuir leurs maisons au cours de la dernière décennie.

La Banque mondiale «a régulièrement échoué à respecter ce pour quoi elle œuvre, en nuisant aux personnes qu’elle est censée protéger par les projets qu’elle finance», constate l’ICIJ.

La Banque mondiale ainsi que la Société financière internationale (SFI) qui distribuent les fonds, ont investi 421 milliards d’euros dans presque 7 200 projets de 2004 à 2013 dans les pays en voie de développement, selon l’ICIJ. Il a été confirmé que plus de 400 projets ont causé le déplacement permanent de communautés locales alors que 550 autres projets ont laissé des habitants sans abris.

«L’analyse de l’ICIJ a trouvé qu’entre 20 et 30 % de tous les projets que la Banque a financé de 2004 à 2013 auraient causé un déplacement de population».

La Banque mondiale finance des milliers de projets, des gros gazoducs pétroliers aux petites écoles et centres médicaux. Dans certains pays, l’organisation aurait fermé les yeux sur les nombreuses violations des droits de l’homme. L’enquête de l’ICIJ a découvert avec surprise que dans certains cas, la Banque mondiale a continué à financer les projets dans des pays «non-démocratiques» même après l’apparition de preuves d’abus comme des viols et des tortures.

Par exemple, en Ethiopie, des anciens responsables ont annoncé aux journalistes que l’état a utilisé des millions de dollars de projets de santé et d’éducation pour financer une violente campagne d’expulsion contre une minorité locale. Malgré les nombreuses plaintes de groupes de défense des droits de l’homme et de la population indigène Anuak, la Banque mondiale a contesté les déclarations comme quoi son argent a été utilisé à de mauvaises fins.

Le projet de conservation de la forêt kényane financé par la Banque mondiale est un autre exemple de les fonds utilisés pour chasser les habitants des terres de leurs ancêtres. 

L’enquête de 11 mois menée par l’ICIJ a révélé que la majorité des cas de relocalisation forcée avaient lieu en Asie et en Afrique. En Asie, presque trois millions de personnes ont été laissées sans abri ou déplacées alors qu’en Afrique ce nombre s’élève à plus de 400 000 personnes.

Les investissements de l’organisation en Chine ont mené à la relocalisation d’au moins un million de personnes, selon l’enquête.

Rien qu’au Vietnam, presque 1,2 million de personnes ont été déplacées par l’organisation pendant la construction de barrages et de centrales hydroélectriques.

«La recherche a montré que des millions de personnes ont perdu tout moyen de subsistance et à cause de la construction de grands projets hydroélectriques», a confié à RT Annie Bird, une militante de l’environnement et des droits de l'homme. En sus, la directrice de Right and Ecology a ajouté que. «C’est un investissement qui n’a pas permis de faire avancer la mission de la Banque mondiale, celle d’éliminer la pauvreté».

La liste complète des pays touchés inclut aussi l’Albanie, le Brésil, la Chine, l’Ethiopie, le Honduras, le Ghana, le Guatemala, l’Inde, le Kenya, le Kosovo, le Nigéria, le Pérou, la Serbie, le Sud-Soudan et l’Ouganda.

Selon l’étude, de 2009 à 2013 les prêteurs de la Banque mondiale «ont investi 46 milliards d’euros dans des projets présentant un risque très élevé à cause de leur impact social et environnemental «irréversible ou sans précédent». Les auteurs estiment que ce nombre est deux fois plus élevé que celui des cinq années précédentes.

L’ICIJ a informé la Banque mondiale de ces découvertes en mars, en prévenant de «lacunes systémiques».

«Nous avons fait une autocritique sans concession concernant les déplacements de population, et ce que nous avons trouvé m’inquiète profondément», a déclaré le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim. «Nous n’avons pas fait de l’assez bon travail sur les projets impliquant la relocalisation de personnes».

L’organisation a élaboré «un plan d’action» de cinq pages censé améliorer ses programmes.

«Nous devons et nous ferons mieux», a déclaré David Theis, le porte-parole de la Banque mondiale, en répondant aux questions de l’équipe de journalistes.

En tant que plus grand donateur de la Banque mondiale, le gouvernement américain est largement à blâmer pour les défauts de l’organisation, croit Annie Bird.

«La Banque pourrait prendre des mesures pour trouver des solutions pour les personnes qui perdent leurs moyens de subsistance à cause de grands projets d’infrastructure, cela n’a jamais été sa priorité», explique-t-elle. «Je crois que les pays membres en sont énormément responsables, en particulier le gouvernement américain».