Barrages sur les autoroutes, blocages devant les supermarchés : les agriculteurs néerlandais ont organisé une série d’actions «coup de poing» le 4 juillet, continuant à contester le projet du gouvernement du Premier ministre Mark Rutte d'imposer une forte réduction des émissions d'azote, gaz à effet de serre, après d'importantes manifestations tout au long du mois de juin contre le plan gouvernemental.
Ce dernier, présenté le 10 juin, vise une baisse des rejets d'azote allant jusqu'à 70% dans une série de zones, le plus souvent proches de réserves naturelles et de terres protégées. Le texte induit des efforts considérables pour le secteur agricole, les Pays-Bas étant le deuxième exportateur agricole au monde après les Etats-Unis et comptant de nombreux élevages. «Le but ultime est une campagne vivante avec une nature saine», avait expliqué la ministre de la Nature et de l'Azote Christianne van der Wal, dans un communiqué le 10 juin, affirmant que «cette transition radicale mais nécessaire des zones rurales doit avoir lieu». «Pour les agriculteurs, cela signifie que les émissions devront baisser de 40%. Cela signifie environ 30% de bétail en moins», a estimé la télévision publique NOS.
Nous n'avons plus d'avenir
Les agriculteurs, qui redoutent des fermetures d'exploitations en cascade, ne l'entendent pas de cette oreille et avaient prévenu, dès l'annonce du plan le 10 juin, qu'ils n'hésiteraient pas à engager une épreuve de force avec le gouvernement, menant aux blocages du 4 juillet. En manifestant devant les supermarchés, «les agriculteurs veulent montrer ce qui se passe lorsqu'il n'y a plus de nourriture dans les rayons», a expliqué Caroline van der Plas, leader du Mouvement agriculteur–citoyen (un parti politique) à la chaîne VRT NWS. Soutenant cette action, qui a commencé à produire des effets sous la forme de premières pénuries de produits laitiers, elle a fait valoir que les agriculteurs se mobilisent pour leur «droit à l'existence» et souligné le «grand désespoir» qui affecte une profession endettée et qui connaît un taux de suicide élevé.
«Nous n'avons plus d'avenir», a alerté l'une des soutiens du mouvement, estimant qu'«il n'y aura plus d'agriculteurs à très court terme» aux Pays-Bas, bien que le gouvernement ait annoncé prévoir des aides pour accompagner cette transition. «Nous devons nous battre», a-t-elle ajouté. Selon un autre manifestant, «notre futur, celui de nos enfants et de nos petits-enfants [...] dépend des idiots qui nous gouvernent». Pour lui, le gouvernement vise «les agriculteurs qui possèdent 150 à 200 vaches» mais épargne d'autres secteurs, dont le transport routier, davantage responsable de la pollution.
Les agriculteurs affirment en effet qu'ils sont injustement ciblés par ces mesures de réduction par rapport aux grandes entreprises, à l'industrie ou encore au transport aérien : ils avaient d'ailleurs envisagé un blocage de l'aéroport international de Schiphol à Amsterdam le 4 juillet, mais ont renoncé «face à la présence de nombreux véhicules blindés de la police militaire» rapporte RFI. Selon l'AFP, l'agriculture est tenue pour responsable de 16% des émissions néerlandaises de gaz à effet de serre, en particulier via les engrais et le purin.
«Tout est fait pour chasser les agriculteurs des Pays-Bas aussi vite que possible», avait déjà déclaré le 10 juin Bart Kemp, membre de l'ONG de soutien aux agriculteurs Agractie, en annonçant les manifestations à venir. Celles-ci ont pris diverses formes, dont un rassemblement devant le Parlement, mais aussi le franchissement d'un barrage de police à proximité du domicile de la ministre de la Nature le 28 juin.
Au cours de cette même journée, une dizaine de personnes avaient été arrêtées suite à des débordements et des affrontements avec les forces de l'ordre.