D'après une information rapportée par Le Monde, qui se base sur des sources citées par plusieurs médias espagnols, Paz Esteban, directrice des services secrets espagnols, a reconnu le 5 mai que le gouvernement espagnol avait bel et bien espionné des indépendantistes catalans au moyen du logiciel espion Pegasus.
Lors de cet interrogatoire mené «durant près de quatre heures par la commission parlementaire des "secrets officiels", réunie à huis clos», elle aurait néanmoins précisé que cet espionnage avait été fait sur des bases légales. 18 indépendantistes catalans seraient concernés par cette surveillance. Paz Esteban aurait souligné qu'une quarantaine d'autres «auraient pu être ciblés soit "par un gouvernement étranger", soit par des agences de sécurité espagnoles "ayant outrepassé les limites légales"».
A l'origine d'une crise entre l'exécutif et ses alliés indépendantistes catalans qui accusent les services secrets espagnols de les avoir espionnés, cette affaire a éclaté il y a deux semaines avec la publication d'un rapport de l'organisation canadienne Citizen Lab identifiant plus de 60 personnes de la mouvance séparatiste dont les portables auraient été piratés entre 2017 et 2020 par le logiciel israélien Pegasus.
Un gouvernement également espionné ?
Mais elle a pris une toute autre tournure le 2 mai avec l'annonce par le gouvernement que le chef du gouvernement Pedro Sanchez et sa ministre de la Défense Margarita Robles avaient eux-mêmes été espionnés en mai et juin 2021 par l'intermédiaire de ce logiciel. Par la voix du ministre de la présidence Félix Bolaños, le gouvernement a affirmé le lendemain n'avoir été informé de ces faits que «ce week-end».
«Il y a eu des révisions» de la sécurité des téléphones des membres du gouvernement depuis un an «mais il n'y avait jamais eu de vérification aussi poussée», s'est-il justifié sur la radio Cadena Ser. Une fois installé sur un téléphone, le logiciel Pegasus, développé par la société israélienne NSO, permet d'accéder aux messageries, aux données ou d'activer à distance les caméras et les micros. Bombardée de questions durant la conférence de presse hebdomadaire du gouvernement, sa porte-parole Isabel Rodriguez s'était elle contenté de répéter à plusieurs reprises que le gouvernement n'avait «rien à cacher» mais sans répondre sur le fond.
Le gouvernement espagnol a affirmé que l'espionnage dont il a été victime était une «attaque externe». Interrogé le 3 mai sur une éventuelle implication du Maroc, Félix Bolaños avait demandé à «ne pas faire de suppositions». A l'été 2021, une vaste enquête médiatique autour du logiciel espion israélien Pegasus avait révélé qu'il avait permis à plusieurs pays dont le Maroc d'espionner les téléphones de journalistes, d'hommes politiques, de militants ou de chefs d'entreprises de différents pays.