Corps démembrés, squelettes dans des fosses, cadavres d'enfants... Des dizaines de photographies fournies à différents médias (dont RT France), ainsi qu'au Quai d'Orsay par l'ambassade de Russie en France témoignent, selon le service de presse de cette dernière, «des crimes de guerre et des crimes de l'humanité commises dans le Donbass» dont la responsabilité incomberait «entièrement au régime ukrainien».
La révélation de ces documents survient dans un contexte particulier : celui du lancement, le 24 février, d'une opération militaire russe en Ukraine. Celle-ci vise, selon le président russe Vladimir Poutine, à porter secours aux Républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk dont il a reconnu l'indépendance, ainsi qu'à «démilitariser et dénazifier l'Ukraine». Le chef d'Etat russe a notamment fait valoir la nécessité de mettre fin à ce qu'il a décrit comme un «génocide» dans le Donbass. En face, Kiev et les pays occidentaux dénoncent une guerre d'invasion et de nouvelles sanctions ont été annoncées contre Moscou.
En tout état de cause, l'ambassade de Russie en France affirme, dans un texte fourni en même temps que les documents photographiques ce 25 février, que «tous les jours, [les autorités russes] rassemble[nt] minutieusement toutes les preuves de la culpabilité des dirigeants militaires et politiques ukrainiens ayant commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité envers leur propre peuple». Avant l'intervention militaire russe, les autorités ukrainiennes affrontaient depuis 2014 les forces rebelles du Donbass, dans l'est ukrainien, dans une guerre civile larvée alternant périodes calmes et pics d'activité.
Des clichés qui auraient été pris entre 2014 et 2021 dans la région de Lougansk
Selon l'ambassade, les clichés qui ont été transmis sont antérieurs au déclenchement de l'opération militaire russe et ont été pris dans la région de Lougansk, en 2014, 2020 et 2021. Ils se présentent en trois parties.
La première, selon la représentation russe, est constituée de 15 photos «prises en juillet-septembre 2014» dans la ville de Pervomaysk, sur lesquelles sont visibles des cadavres d'individus portant des vêtements civils. L'un d'eux apparaît le ventre ouvert et la peau arrachée sur plusieurs parties du corps. Un autre a la jambe arrachée. Un cliché montre un corps de très jeune enfant ou de bébé à la peau boursouflée et violacée, à côté d'un autre corps de petite taille.
ATTENTION LES IMAGES SUIVANTES PEUVENT HEURTER LA SENSIBILITE
D'autres images montrent des cadavres, enveloppés de draps, dans des fosses.
«La ville de Pervomaysk [...] où un grand charnier a été découvert, a été coupée de toute communication, même de la ville de Lougansk. [...] Les hôpitaux, les morgues et les écoles qui servaient d’abris anti-bombes ont été bombardés de manière particulièrement cynique. Cela a conduit à l’apparition de fosses communes de civils, victimes des dirigeants militaires et politiques de l'Ukraine et de leurs manipulateurs occidentaux», affirme l'ambassade russe, dans le texte fourni aux médias.
Une autre vingtaine de photographies est présentée par l'établissement diplomatique russe comme une série de clichés pris à Sokologorovka, en 2020 et 2021. Parmi ces images : de nombreux squelettes et crânes, dans ce qui semble être des fosses – aucun contexte n'étant fourni, à ce sujet, par l'ambassade russe. Certains de ces squelettes portent encore des vestiges de vêtements, des sandales étant clairement identifiables sur l'un d'eux.
La troisième partie des documents, composée d'après la représentation russe de photographies prises à Slavianoserbsk en 2020 et 2021, montre similairement des ossements et des charniers.
Des documents envoyés au Quai d'Orsay
Quelle portée peuvent avoir ces clichés, ainsi que les accusations qu'en tirent les autorités russes à l'encontre de Kiev ? Dans la communication que RT France a reçue, l'ambassade de Russie en France déclare que ces photographies «ont également été communiquées par l'ambassade au ministère français des Affaires étrangères». Sollicité par téléphone par RT France le 26 février, le Quai d'Orsay n'a pas, au moment où nous écrivons ces lignes, réagi. Egalement sollicitée sur ce sujet le même jour, l'ambassade d'Ukraine en France n'a pas non plus commenté jusqu'alors.
Néanmoins, les accusations de crimes de guerre dans le Donbass pourraient être soulevées par le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov à l'ONU, en début de semaine prochaine. Le 24 février, l'Ukraine a demandé au président du Conseil des droits de l'homme la tenue d'un débat urgent sur la situation des droits humains à la suite de l'opération militaire russe en Ukraine. Or, Sergueï Lavrov doit participer, selon l'AFP, à la prochaine sessions du Conseil des droits de l'homme qui commence le 1er mars.
La situation dans le Donbass avait déjà soulevé par le passé des inquiétudes quant au respect des droits de l'Homme. En décembre 2020, l'ex-procureure de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda avait déclaré qu'un «large éventail de comportements constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité» avait été commis en Ukraine depuis 2014 (sans désigner de responsable), réclamant une enquête complète.