L’armée israélienne a «considérablement assoupli ses règles de tir dans les territoires palestiniens de Cisjordanie». Elle autorise désormais ses soldats à tirer à balles réelles sur des civils palestiniens qui lanceraient des pierres ou des cocktails Molotov, même s’ils ne constituent plus une menace immédiate, rapporte Le Monde le 28 décembre.
Jusqu’ici, l'armée n'autorisait officiellement l’utilisation de la force létale que pour prévenir une attaque imminente, rappelle le quotidien. Mais avec cette nouvelle procédure, «les soldats pourraient tirer et "neutraliser" un civil palestinien qui mettrait la vie de civils israéliens en danger du seul fait de sa présence dans la "zone de combat"». Cette mesure ne concerne en revanche pas les civils israéliens tels les colons qui jetteraient des pierres car ces derniers «bénéficient de la protection du système judiciaire civil, alors que c’est le régime militaire qui s’applique aux Palestiniens de Cisjordanie», note Le Monde.
Ce changement formel de politique de tir a été révélé pour la première fois par la chaîne de télévision publique Kan le 19 décembre, et a ensuite été confirmé au Times of Israel par un porte-parole militaire, qui aurait déclaré au média israélien que la nouvelle procédure était en vigueur depuis environ un mois. Cité par Times of Israël, Liron Libman, ancien procureur militaire, chef du Département militaire de droit international et actuellement chercheur à l'Institut israélien de la démocratie, estime que cette nouvelle politique ne semble pas correspondre clairement ni aux lois des conflits armés ni à celles de l'application des lois. Il souligne toutefois qu'il n'a pas vu l'ordre en question par écrit et ne pouvait donc pas donner une évaluation plus précise. Et pour cause, l'armée israélienne a en effet expliqué qu'elle ne pouvait pas publier l'ordre écrit car il est classifié secret-défense, rapportent le média israélien ainsi que Le Monde.
Sur le terrain, ça ne change pas grand chose
Le premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammad Shtayyeh a qualifié ces nouvelles règles de «politique d’exécution», appelant à l’intervention urgente de la communauté internationale.
Pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, cette nouvelle règle ne changera pas grand chose sur le terrain étant donné que les soldats israéliens étaient déjà tacitement autorisés, de son point de vue, à faire usage de balles réelles, sans conséquence pour eux. Cette nouvelle procédure ne constitue donc pas, selon B'Tselem, un changement, mais «plutôt une transposition de la réalité sur le terrain». «Dans les faits, la situation est déjà catastrophique : nous documentons continuellement des cas de civils tués, même des enfants, alors qu’ils ne constituaient aucun danger», dénonce Yael Stein, directrice de recherche de l’ONG, citée par Le Monde. Une analyse que l'on retrouve dans The Times of Israël qui estime également que dans la pratique, il n'y a rien de nouveau. «Il y a eu dans le passé des cas où des soldats ont tiré sur des lanceurs de pierres alors qu'ils ne représentaient plus une menace immédiate». L'armée avait par la suite estimé que les soldats avaient «agi correctement», rapporte le média.
«Au bout du compte, on fait ce qu’on veut. Tout est basé sur le comportement des officiers», confirme Nadav Weiman, un ancien tireur d’élite qui milite aujourd’hui avec Breaking the silence, une organisation d’anciens soldats qui témoignent de leur service au sein des forces armées. Il est en effet extrêmement rare que des soldats israéliens mis en cause dans des tirs indiscriminés entrainant la mort de civils palestiniens soient sanctionnés au regard des faits. «Les règles autorisent les soldats à tirer sur un civil, même s’il n’est pas armé, s’ils jugent que c’est l’un des principaux instigateurs d’une manifestation. On parle ici de personnes âgées de 18 ou 19 ans», explique Nadav Weiman, de Breaking the silence, cité par le quotidien vespéral.
Le Monde rapporte que l'annonce de ces nouvelles règles a été «accueillie positivement par toute une frange de l’opinion publique israélienne, convaincue que ses forces armées sont restreintes dans leur liberté d’action par peur des poursuites» et pourrait servir à «rassurer les colons». «Cela fait dix ans que les mains des soldats sont liées», a ainsi réagi, dans un communiqué, Matan Peleg, directeur d’Im Tirtzu, une association d’activistes universitaires liée à la droite idéologique israélienne. «C’est un changement positif qui aidera à mettre un terme à l’épidémie incontrôlable de lancer de pierres ces derniers temps», ajoute-t-il.