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«Cynisme» : après une ode à la liberté de la presse, Blinken se fait conspuer pour libérer Assange

Après la publication par le secrétaire d'Etat américain d'un discours de défense de la liberté de la presse, des centaines d'internautes ont critiqué son intervention lui rappelant les poursuites de Washington contre Julian Assange toujours détenu.

Dans le cadre du controversé «Sommet pour la démocratie» organisé par le président Joseph Biden, le secrétaire d'Etat Antony Blinken a prononcé un discours filmé qu'il a posté sur les réseaux sociaux afin de défendre la liberté de la presse. «La liberté des médias joue un rôle indispensable en informant le public, en obligeant les gouvernements à rendre des comptes et en racontant des histoires qui, autrement, ne seraient pas racontées. Les Etats-Unis continueront de défendre le travail courageux et nécessaire des journalistes du monde entier», a ainsi déclaré le chef de la diplomatie américaine. 

Un message qui n'est pas passé inaperçu à l'heure où le journaliste Julian Assange est détenu dans une prison de haute sécurité à Londres depuis deux ans et demie, poursuivi par l'administration américaine pour son travail journalistique de révélations d'activités militaires et de câbles diplomatiques embarrassants pour Washington. La très grande majorité des commentaires sous cette vidéo sur Twitter ont dénoncé le «cynisme» et «l'hypocrisie» d'un tel discours, demandant, pour plus de cohérence, à Antony Blinken de faire libérer le fondateur de WikiLeaks, à l'image de l'artiste chinois Ai Weiwei. «Abandonnez les charges contre Julian Assange alors et libérez-le», a par exemple tweeté un journaliste, Volker Briegleb.

«Envoyez un message au monde que vous êtes sérieux au sujet de la liberté de la presse, libérez Assange», a écrit Gabriel Shipton, demi-frère de Julian Assange. «Le tweet de Blinken tombe à plat parce que le gouvernement américain emprisonne l'un de ces journalistes pour son travail journalistique. Assange a publié des informations véritables qui ont embarrassé les gouvernements. Il a publié des preuves de crimes de guerre commis par l'armée américaine», a abondé Stella Moris, avocate et compagne de Julian Assange, avec qui il a eu deux enfants.

«Julian Assange joue un rôle indispensable en informant le public, en obligeant les gouvernements à rendre des comptes et en racontant des histoires qui autrement ne seraient pas racontées», a également écrit le journaliste Peter McCormack. «Julian Assange a publié plus sur la nature du gouvernement et des entreprises que la plupart des médias mainstream réunis en 50 ans. Se soucier véritablement de la liberté des médias reviendrait à défendre les libertés d'Assange en tant qu'éditeur. S'il vous plaît, ne prétendez pas que vous vous souciez réellement des droits des journalistes», a plaidé le documentariste Tarquin Ramsay.

«La démocratie meurt dans les ténèbres. Les médias ne peuvent pas être libres, alors que les Etats-Unis et le Royaume-Uni continuent d'emprisonner des journalistes qui dénoncent la criminalité d'Etat. Ainsi, avant de signaler la vertu à propos de la liberté de la presse, les Etats-Unis devraient abandonner les charges et libérer Assange», a plaidé Deepa Govindarajan Driver, juriste spécialiste de droit international et de l'affaire Assange.

La seule fois où Anthony Blinken s'est exprimé à propos de Julian Assange, c'était en français, chez le média en ligne Brut, interrogé sur cette affaire par le journaliste Remy Buisine, le 25 juin. Embarrassé par la question, il avait botté en touche : «Difficile pour moi de m'exprimer aujourd'hui parce qu'il y a un procès juridique, il faut que je laisse faire. Je comprends à la fois les questions et les émotions qui entourent ce dossier mais c'est une question sur laquelle je ne peux pas vraiment m'exprimer.»

La justice britannique rendra le 10 décembre sa décision concernant l'appel des Etats-Unis contre le refus d'extrader le fondateur de WikiLeaks, que Washington veut juger pour ses révélations.

La décision sera rendue à 10h15, heure londonienne. En première instance, la justice britannique avait refusé d'extrader le journaliste Australien de 50 ans, invoquant un risque de suicide s'il était remis aux Etats-Unis. L'appel de Washington a été examiné lors de deux jours d'audience devant la Haute Cour de Londres les 27 et 28 octobre. Mais quelle que soit la décision, il est peu  probable qu'elle marque l'épilogue de ce bras de fer judiciaire au long cours. Quel que soit le perdant, il aura la possibilité de demander à saisir la Cour suprême britannique. 

Julian Assange est poursuivi par la justice américaine pour avoir diffusé, à partir de 2010, des centaines de milliers documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan, dont un certain nombre s'apparente à des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.