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Des agents de la CIA accusés de pédocriminalité n'auraient pas été inculpés par la justice

Buzzfeed révèle des documents déclassifiés de la CIA montrant que sur une dizaine d'employés accusés par le Bureau de l'inspecteur général de l'agence de faits de pédocriminalité, seuls deux auraient été inculpés par la justice.

Des membres du personnel de la Central intelligence agency (CIA) accusés de crimes sexuels sur des enfants n'auraient pas été poursuivis par la justice étasunienne. C'est ce que révèle le site d'information BuzzFeed, publiant de nombreux documents déclassifiés obtenus grâce à des demandes formulées en vertu du Freedom of Information Act (FOIA), une loi qui contraint les agences fédérales à transmettre certains de leurs documents. Ces demandes, dont les plus anciennes remontent à 2012, concernaient des enquêtes fermées par le Bureau de l'inspecteur général (OIG) de la CIA, qui agit indépendamment de l'agence de renseignement pour examiner toutes sortes de fautes et de crimes commis par des employés ou des sous-traitants de celle-ci.

Agression sexuelle présumée sur deux filles âgées de deux et six ans

Dans cette mine de documents de plus de 3 600 pages largement caviardés, et amputés des noms des accusés et des éléments qui permettraient de les identifier, les rapports de l'inspection générale montrent qu'au cours des 14 dernières années, la CIA a secrètement amassé des preuves crédibles qu'une dizaine de ses employés et sous-traitants auraient commis des actes de pédocriminalité. Sur la dizaine d'agents identifiés, un individu aurait admis avoir agressé sexuellement deux petites filles âgées de deux et six ans, comme on peut le voir sur ces documents dévoilés par BuzzFeed.

La plupart des autres cas concernent des crimes liés à la pédopornographie, comme la possession, la contrebande et l'achat de contenu illégal.

Une dizaine de cas, deux inculpations pénales, dont un agent accusé d'être la source de Wikileaks

Problème : bien que la plupart de ces cas aient été renvoyés devant des procureurs américains pour poursuites, seuls deux individus aurait finalement été inculpés, rapporte Buzzfeed. Fruit du hasard, ces employés faisait également l'objet d'enquêtes pour mauvaise gestion de documents classifiés. Selon l'enquête de BuzzFeed, l'un d'eux serait l'ingénieur Joshua Schulte, qui n'est autre que l'homme accusé d'être à la source de la plus grande fuite d'informations classifiées de l'histoire de la CIA, divulguées sous le nom de Vault 7 et publiées par WikiLeaks en 2017. Cette mine de documents avait révélé des outils secrets que la CIA utilisait dans le domaine de la surveillance électronique et de la cyber-guerre. L'homme a été poursuivi en vertu de la loi sur l'espionnage. Il a finalement été reconnu coupable en 2020 d'outrage au tribunal et de fausses déclarations au FBI, mais le jury s'est retrouvé dans l'impasse sur les allégations de fuite les plus graves et le juge a décidé d'annuler son procès. Joshua Schulte a toujours nié les accusations de pédocriminalité à son encontre. Un procès séparé pour ces allégations est en cours.

Qu'en est-il des autres criminels sexuels présumés ?

Le reste des accusés parmi les employés de la CIA auraient été renvoyés par les procureurs à la CIA pour qu'elle les traite en interne, ce qui signifie que peu de personnes auraient subi des conséquences sérieuses au-delà de la perte potentielle de leur emploi et de leur habilitation de sécurité. 

Ainsi, selon les documents révélés, à titre d'exemples, l'employé qui a admis des contacts sexuels avec des fillettes de deux ans et de six ans aurait simplement été licencié. Un deuxième employé qui aurait acheté trois vidéos sexuellement explicites de fillettes filmées par leurs mères aurait démissionné. A propos d'un troisième employé qui aurait visionné jusqu'à 1 400 images d'enfants à caractère sexuel alors qu'il était en mission pour l'agence, il n'est pas mentionné, selon BuzzFeed, si une sanction a été prise par la CIA à son encontre. 

Des sources au sein de la CIA interrogées par BuzzFeed affirment que l'agence résiste aux poursuites contre son personnel de peur que devant la justice, ses employés ne révèlent des secrets d'Etat. «Nous ne pouvons pas faire témoigner ces personnes, elles pourraient être forcées par inadvertance de divulguer leurs sources et leurs méthodes», a expliqué un ancien responsable de la CIA, cité par BuzzFeed.

Presqu'aucune inculpation de la part des procureurs

Mais au-delà du traitement de ces affaires par la CIA, des questions subsistent quant à la raison pour laquelle les procureurs ont choisi de n'inculper personne parmi les personnes restantes, même lorsqu'ils semblaient avoir des preuves accablantes. Selon les informations obtenues par BuzzFeed toujours, les procureurs ont pu juger les preuves trop anciennes ou faibles, tenir compte du désir d'une victime d'un crime d'engager des poursuites et peser les chances de convaincre un jury. «La profession ou l'employeur du suspect n'entre pas en ligne de compte dans cette évaluation», a assuré le porte-parole du bureau du procureur américain pour le district oriental de Virginie, cité par le média américain.

Ainsi, malgré les aveux et les éléments que les enquêteurs ont collectés sur les appareils des pédocriminels présumés, les procureurs du district oriental de Virginie ont refusé de se saisir d'affaires pénales. Pour l'une d'entre elles, ils auraient dit à l'inspecteur général de la CIA qu'il y avait des «problèmes de contamination», un terme qui est parfois utilisé pour désigner des preuves mal traitées, explique BuzzFeed.

Pédocriminalité : d'autres agences américaines touchées

Le site rapporte enfin que des crimes sexuels impliquant des enfants ont auraient découverts dans d'autres agences étatiques étasuniennes qui traitent des informations sensibles. Il note ainsi que dans un rapport de novembre 2009, le ministère de la Défense a reconnu que des dizaines de membres du personnel ou d'entrepreneurs du Pentagone possédaient des images pédopornographiques. En 2014, l'inspecteur général de la communauté du renseignement a découvert que deux responsables du National Reconnaissance Office, qui supervise les satellites espions américains, avaient reconnu avoir visionné des images d'abus sexuels sur des enfants lors d'examens polygraphiques. Lors d'un symposium en 2016, Daniel Payne, un haut responsable de la sécurité du Pentagone, aurait déclaré que lorsque les ordinateurs des travailleurs étaient examinés, «la quantité de pornographie juvénile que je vois est tout simplement incroyable», rapporte encore BuzzFeed.