Economie

Etats-Unis: face à l'inflation, Biden reconnaît que les prix à la consommation «restent trop élevés»

Joe Biden a reconnu le 10 novembre que les prix à la consommation «restaient trop élevés» aux Etats-Unis, une poussée inflationniste qui affecte négativement sa cote de popularité et suscite des critiques au sein même du Parti démocrate.

Joe Biden se retrouve pris au piège d'une forte poussée de l'inflation aux Etats-Unis, qui met à mal son argumentaire de président proche des préoccupations de la classe moyenne, et assombrit ses grands projets d'investissement, qu'ils soient déjà votés ou encore en négociation. Sur le port de Baltimore (côte est), le président démocrate avait prévu le 10 novembre de vanter ses 1 200 milliards de dollars d'investissements dans les infrastructures, tout juste adoptés par le Congrès, et de défendre les 1 750 milliards de dollars qu'il veut dépenser en plus dans la santé, la politique familiale et la transition énergétique.

Mais lorsqu'il a pris la parole, sur fond de grues et de containers, Joe Biden n'a pas eu le choix, il lui fallait d'abord évoquer la première préoccupation des Américains aujourd'hui : l'inflation. Les prix à la consommation «restent trop élevés», a-t-il reconnu. En octobre, ils ont augmenté de 6,2% comparé à octobre 2020, selon des statistiques officielles, du jamais vu depuis trente ans.

«Beaucoup de gens restent perturbés pour ce qui concerne l'économie et nous savons tous pourquoi», a-t-il dit, ajoutant, en référence à la hausse des prix et à des problèmes d'approvisionnement aux Etats-Unis : «Nous essayons de voir comment nous pouvons nous y attaquer frontalement.»

Disparue, la référence à un phénomène d'inflation «transitoire» qui faisait partie jusqu'ici des éléments de langage de la Maison Blanche. Désormais, freiner la hausse des prix, et notamment la flambée des prix à la pompe, est une «priorité absolue», avait déjà déclaré le président dans la matinée du 10 novembre, dans un communiqué.

Les fermetures ponctuelles d'usines liées au Covid, la congestion des ports provoquée par une pénurie de camionneurs combinée à une forte demande de produits importés ont considérablement augmenté ces derniers mois les coûts d'expédition des aliments, des meubles, des voitures, de l'énergie et d'une myriade d'autres produits.

64% des Américains ne souhaitent pas que Biden se représente en 2024

Ces coûts, répercutés en partie sur les consommateurs, suscitent inquiétude et mécontentement, contribuant à dégrader la cote de confiance de Joe Biden, tombée à 43%, selon le site FiveThirtyEight, qui fait la synthèse de divers sondages. Pire encore, d'après un sondage commandé par le journal USA Today, 64% des Américains ne souhaitent pas que Biden se représente en 2024. Quant à la vice-présidente, Kamala Harris, sa cote de popularité est, elle aussi, au plus bas.

Le 10 novembre, Joe Biden s'est efforcé de soigner son image de président proche des inquiétudes de la classe moyenne ordinaire, déplorant que «tout augmente, l'essence comme le pain». Mais le président démocrate a assuré que ses gigantesques dépenses dans les ponts, les routes, les réseaux internet ou les canalisations d'eau potable n'alimenteraient pas la hausse des prix. Pas plus d'ailleurs que les énormes dépenses sociales qu'il prévoit et qui vont, au contraire, «soulager les tensions inflationnistes», a-t-il assuré.

Joe Biden n'a pas pu savourer longtemps le vote, au forceps, de son plan d'infrastructures le 5 novembre par la Chambre des représentants. Et il avait sans doute espéré un contexte plus favorable pour la cérémonie de promulgation de cette loi, prévue le 15 novembre en grande pompe à la Maison Blanche. Le président démocrate doit désormais arracher un autre vote du Congrès, cette fois pour ses 1 750 milliards de dollars de dépenses sociales et environnementales. Les négociations s'annonçaient déjà difficiles et la poussée inflationniste complique encore la donne.

Les républicains membres de la commission du commerce et de l'énergie de la Chambre des représentants ont, quant à eux, estimé que les Etats-Unis faisaient face à une crise de «Bidenflation». «Dépenser des milliards de dollars supplémentaires en impôts et en dépenses ne fera qu'aggraver la crise à laquelle les Américains sont confrontés», ont-ils twitté.

Le président américain critiqué au sein de son propre camp

Le sénateur centriste démocrate Joe Manchin, principal opposant à ce grand projet social et environnemental, a été prompt le 10 novembre à réagir aux statistiques, lui qui assure qu'engager davantage de dépenses publiques ne fera qu'aggraver le problème. «La menace posée par une inflation record pour le peuple américain n'est pas "transitoire"» et «s'aggrave au contraire», s'est-il insurgé le 10 novembre sur Twitter.

L'aile gauche du parti démocrate n'est pas en reste. Si la majeure partie des 96 membres du groupe progressiste à la chambre des représentants américains avaient validé les 1 200 milliards de dollars d'investissements dans les infrastructures, c'était dans l'espoir que le président parviendrait à faire passer le plan d'investissement de 1 750 milliards de dollars pour des dépenses sociales.

C'est notamment le cas de «The Squad», le nom informel d'un groupe progressiste de quatre femmes élues aux élections de 2018 à la Chambre des représentants des Etats-Unis, composée d'Alexandria Ocasio-Cortez de New York, d'Ilhan Omar du Minnesota, d'Ayanna Pressley du Massachusetts et de Rashida Tlaib du Michigan. Ces dernières avaient voté contre le premier plan d'investissements dans les infrastructures, estimant que ce dernier n'était pas assez ambitieux. Elles restent également inflexibles quant à leur souhait de voir la majorité démocrate au Congrès américain valider un plan d'investissement massif dans la santé, la politique familiale et la transition énergétique – plan auquel s'oppose l'aile centriste du Parti démocrate.