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Chili : les députés ouvrent la voie à une procédure de destitution du chef de l'Etat

Les députés chiliens ont autorisé le 9 novembre l'enclenchement d'une procédure de destitution de Sebastian Pinera, accusé d'avoir vendu une compagnie minière par le biais d'un paradis fiscal. Une révélation des Pandora Papers.

Les députés chiliens ont donné le 9 novembre leur feu vert à une procédure de destitution du président Sebastian Pinera. Le président chilien est accusé d'avoir facilité la vente controversée d'une compagnie minière, conclue dans un paradis fiscal. L'affaire avait été révélée par l'enquête internationale des Pandora Papers.

Après ce vote de la chambre basse du parlement, contrôlée par l'opposition (83 des 155 sièges), c'est au tour du Sénat de se prononcer, à la majorité – difficile à obtenir – des deux tiers, avant les élections du 21 novembre durant lesquelles un nouveau président sera élu et le Parlement renouvelé.

«Il a agi en cherchant son bénéfice personnel et celui de sa propre famille, utilisant des informations auxquelles il avait accès grâce à ses fonctions présidentielles», a dénoncé lors d'un débat entamé dans la matinée du 8 novembre le député socialiste Jaime Naranjo, qui s'est exprimé pendant 15 heures lisant un texte de 1 300 pages et appelant à «en finir avec l'impunité». «Je vous en prie, messieurs les députés, rejetez cette accusation constitutionnelle injuste et irrecevable», a de son côté déclaré l'avocat du chef de l'Etat, Jorge Galvez.

La présidence a réagi dans un communiqué, déclarant espérer que «le Sénat rejette[rait] l'accusation portée» contre Sebastian Piñera qu'elle a qualifiée d'«injuste» et «sans fondement dans les faits ou en droit». L'opposition chilienne avait demandé le 13 octobre au Parlement la destitution du président dans cette affaire pour laquelle une enquête pénale a été ouverte. 

Sebastian Pinera, un des dirigeants politiques apparaissant dans les Pandora Papers, du nom de l'enquête réalisée par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), a démenti tout conflit d'intérêts dans la vente de la compagnie minière à un ami proche et clame sa «totale innocence». Le président conservateur, un des hommes les plus riches du Chili, estime qu'il y a déjà eu en 2017 «une enquête approfondie du ministère public» et que c'est «une affaire close pour la justice».

A l'ouverture de l'enquête pénale début octobre, le parquet avait toutefois fait valoir que les faits liés à la vente et à l'achat de la société minière «n'étaient pas expressément inclus» dans la décision de non-lieu de 2017. 

Le projet minier prévoit la construction d'un port à proximité d'une réserve naturelle abritant des espèces protégées

Selon une enquête réalisée par les médias chiliens CIPER et LaBot, membres de l'ICIJ, la compagnie minière Minera Dominga a été vendue à l'homme d'affaires Carlos Alberto Délano, un ami du chef de l'Etat, pour 152 millions de dollars, une transaction opérée aux îles Vierges britanniques.

Le paiement de la transaction devait être effectué en trois versements et contenait une clause controversée qui subordonnait le dernier paiement à la condition qu'«une zone de protection environnementale ne soit pas établie sur la zone d'exploitation de la société minière, comme le demandent des groupes écologistes». D'après l'enquête, la zone où l'exploitation minière était prévue n'a pas été protégée, et le troisième paiement a bien été effectué.

Pour le député Tomas Hirsch (Action humaniste, gauche), le président chilien a «ainsi empêché qu'une zone unique au monde soit déclarée réserve naturelle, dans le seul but de favoriser ses intérêts personnels».

Ce projet d'exploitation à ciel ouvert de cuivre et de fer dans le désert d'Atacama (nord), toujours en attente d'une décision de la Cour suprême après des recours, prévoit aussi la construction d'un port de chargement de minerais à proximité d'une réserve nationale abritant des manchots de Humboldt, une espèce menacée qui ne niche qu'au Chili et au Pérou. Début août, une commission d'évaluation environnementale avait approuvé le projet malgré les protestations des défenseurs de l'environnement, mais doit encore recevoir l'aval en Conseil des ministres.