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Malgré la pénurie de main-d'œuvre sur les chantiers, Moscou veut se passer des ouvriers étrangers

La capitale russe souhaite limiter le recours à la main-d'œuvre étrangère sur les chantiers, malgré le manque de personnel. Pour ce faire, les autorités de la ville veulent entre autres miser sur «la mécanisation du processus» de construction.

En charge de la politique d'urbanisme et de la construction de la ville de Moscou, le maire adjoint de la capitale russe Andreï Botchkariov a déclaré dans une interview à RBK que les autorités préparaient un plan pour résoudre la crise du personnel sur les chantiers, projet qui comprend le refus d'utiliser de la main-d'œuvre immigrée.

En croissance économique, Moscou, qui abrite environ 14% de la population russe, attire les habitants du reste du pays mais aussi les citoyens des Etats voisins. La ville connaît donc un boom de la  construction, notamment dans les banlieues, grâce à l'extension du réseau de transports. Or la pandémie de Covid-19 a eu un impact considérable sur la cadence des chantiers, puisque la majorité des ouvriers étaient des migrants venus de pays limitrophes pour travailler en Russie : les restrictions sanitaires ont provoqué le départ de la plupart d'entre eux, ce qui a raréfié la main-d'œuvre sur les chantiers. La capitale russe doit donc faire face à une pénurie inédite.

En raison du double effet de l'ampleur du programme de rénovation de la ville et des conséquences de la crise sanitaire, Andreï Botchkariov a estimé qu'il manquait environ 40% de ressources en main-d'œuvre (ouvriers et ingénieurs). «Presque tous [les migrants qui travaillaient sur ces chantiers] sont partis. Il y en avait environ 120 000 à travers la ville ; maintenant, je pense qu'il en reste environ 40 000, pas plus», a-t-il précisé. L'origine géographique de ces employés a évolué, puisqu'ils viennent principalement d'Ouzbékistan et du Kirghizistan, alors que les immigrés sur les chantiers venaient essentiellement du Tadjikistan avant la crise sanitaire, souligne RBK.

Andreï Botchkariov a ajouté qu'il y avait désormais «davantage d'habitants de la région de Moscou» sur les chantiers. «Mais vous ne pouvez pas venir travailler sur les sites comme ça : être un bon plâtrier c'est un art, et pour ce qui est de la maçonnerie il n'y a pas du tout de spécialistes», a-t-il déploré.

L'explication, selon le maire adjoint, tient en partie au niveau des salaires. «Le salaire moyen d'un immigré sur un chantier est désormais compris entre 50 000 et 60 000 roubles par mois [environ 600-700 euros]. Avant c'était 30 000 [environ 350 euros]. Mais il y a beaucoup d'ouvriers qui ne veulent plus travailler même pour 80 000 roubles» [environ 950 euros], a-t-il développé.

«Les salaires des ouvriers en Chine recalculés en roubles sont en moyenne de 150 000 roubles [1800 euros], le salaire d'un ouvrier finlandais s'élève à 240 000 roubles  [2900 euros], au Royaume-Uni c'est 250 000 roubles  [3000 euros]. Et là-bas, ils ne font pas venir de travailleurs de l'étranger», a poursuivi Andreï Botchkariov.

Ainsi, face à la pénurie, pour le représentant de la mairie, «il n'y a qu'une seule solution» : «Le processus de construction devrait nécessiter trois fois moins de personnes, et leur salaire devrait être deux, voire trois fois plus élevé. Nous serions alors en mesure de construire deux fois plus vite».

Des expérimentations en cours sur plusieurs chantiers

Le maire adjoint a annoncé avoir demandé à ses services et aux maîtres d'œuvre des chantiers «d'élaborer un plan d'action pour se passer de la main-d'œuvre étrangère sur les sites de construction de la ville de Moscou». Outre les salaires, l'autre volet de la réflexion des autorités moscovites porte sur «la mécanisation du processus» de construction. Prenant pour exemple ce qu'il a observé dans sa carrière aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou au sein de l'entreprise suédoise Skanska, Andreï Botchkariov a expliqué qu'il fallait parvenir à un «processus de conception et de construction pensé de manière à minimiser le nombre d'employés», mais avec des ouvriers «bien mieux préparés».

«Vous vous rendez sur un chantier américain, les ouvriers sont tous suspendus avec leurs outils directement sur eux. Parce qu'ils sont rémunérés en fonction de leur productivité. Ça peut sembler un détail, mais c'est ainsi qu'une personne en remplace trois», a-t-il argumenté. La technologie doit ainsi permettre d'augmenter l'efficacité des travaux. «Un autre exemple : le plâtrage des murs. Vous pouvez engager quatre ouvriers, ou vous pouvez mettre une machine à enduire les murs», a-t-il souligné, déclarant au passage que la technique était en cours d'expérimentation sur plusieurs chantiers.