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Turquie : une dizaine d'ambassadeurs, dont celui de la France, déclarés «persona non grata»

Après qu'ils ont demandé la libération de l'opposant Osman Kavala, les ambassadeurs de plusieurs pays dont la France ont déclenché la colère du président Recep Tayyip Erdogan qui compte les déclarer «persona non grata» en Turquie.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré, ce 23 octobre, que les ambassadeurs de dix pays dont la France, l'Allemagne et les Etats-Unis, qui ont lancé un appel en faveur de la libération de l'opposant Osman Kavala seront déclarés «persona non grata».

«J'ai ordonné à notre ministre des Affaires étrangères de régler au plus vite la déclaration de ces dix ambassadeurs comme persona non grata», a affirmé le chef de l'Etat lors d'un déplacement dans le centre de la Turquie, sans toutefois donner une date précise. Ces ambassadeurs «doivent connaître et comprendre la Turquie», a affirmé le président Erdogan en les accusant «d'indécence». «Ils devront quitter» le pays «s'ils ne le connaissent plus», a-t-il ajouté.

Dans un communiqué publié le 18 octobre soir, le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les Etats-Unis avaient appelé à un «règlement juste et rapide de l'affaire» Osman Kavala, cet homme d'affaires et mécène turc devenu la bête noire des autorités. Il est emprisonné depuis quatre ans sans jugement.

Le chef de l'Etat turc avait menacé le 21 octobre d'expulser ces ambassadeurs sans cependant prendre de mesures concrètes. La Turquie avait convoqué le 19 octobre les ambassadeurs de ces dix pays, jugeant «inacceptable» leur appel en faveur de la libération d'Osman Kavala. Cet opposant de 64 ans, figure majeure de la société civile, est accusé depuis 2013 par Erdogan de chercher à déstabiliser la Turquie. Il est notamment dans la ligne de mire du pouvoir pour avoir soutenu en 2013 les manifestations antigouvernementales connues sous le nom de mouvement de Gezi. Puis il a été accusé d'avoir cherché à «renverser le gouvernement» lors de la tentative de coup d'Etat de 2016.

La Norvège, l'Allemagne et les Etats-Unis parmi les premiers à réagir

Parmi les premiers pays à réagir, dans la soirée du 23 octobre, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas ainsi que l'Allemagne ont fait savoir qu'ils n'avaient reçu aucune notification officielle concernant leurs ambassadeurs respectifs à ce stade.

«Notre ambassadeur n'a rien fait qui puisse justifier l'expulsion», a affirmé une porte-parole du ministère norvégien des Affaires étrangères, Trude Maseide, citée par l'agence de presse NTB, ajoutant que son pays «continuera d'exhorter la Turquie à adhérer aux normes démocratiques».

«Nous sommes actuellement en consultation intensive avec les neuf autres pays concernés», a de son côté annoncé le ministère allemand des Affaires étrangères.

«Nous sommes au courant de ces informations et cherchons à en savoir plus auprès du ministère turc des Affaires étrangères», a indiqué le 23 octobre un porte-parole du Département d'Etat américain.

En décembre 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait ordonné sa «libération immédiate» – en vain. Osman Kavala restera au moins jusqu'au 26 novembre en prison, a décidé début octobre un tribunal d'Istanbul, malgré les menaces européennes de sanctions contre Ankara. Le Conseil de l'Europe a récemment menacé la Turquie de sanctions, qui pourront être adoptées lors de sa prochaine session (30 novembre au 2 décembre) si l'opposant n'est pas libéré d'ici là.