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Le Premier ministre malien accuse la France d'avoir créé une «enclave» aux mains de groupes armés

Dans un entretien accordé à RIA Novosti, Choguel Maïga accuse la France d'empêcher l'entrée de l'armée malienne dans la ville de Kidal, mais également d'avoir livré celle-ci à des groupes armés non gouvernementaux.

Interrogé le 8 octobre par l'agence de presse russe RIA Novosti sur un potentiel financement étranger de groupes terroristes dans son pays, le Premier ministre de transition malien Choguel Kokalla Maïga a d'abord fait référence aux conséquences de la chute du pouvoir de Kadhafi en Libye, liée à l'intervention de l'OTAN en 2011 : «Vous savez, les terroristes d’abord sont venus de Libye. Qui a détruit l’Etat libyen ? C’est le gouvernement français avec ses alliés», a ainsi déclaré le chef du gouvernement malien, évoquant des «terroristes venus d’ailleurs» au Mali.

Choguel Maïga a ensuite épinglé les liens entre des groupes armés et la France, accusant Paris d'avoir permis à des forces non gouvernementales de contrôler la ville malienne de Kidal, sans préciser de dates. «Arrivée à Kidal, la France a interdit à l’armée malienne d’[y] entrer. Elle a créé une enclave», a assuré le dirigeant. Selon lui, les Français ont «pris» deux adjoints du chef de l'organisation terroriste Ansar Dine (décrite par l'AFP comme une «nébuleuse djihadiste affiliée à Al-Qaïda») afin de «former une autre organisation». Les Français seraient également, d'après le Premier ministre malien, «allés chercher les dirigeants du MNLA» (le Mouvement national de libération de l'Azawad, des insurgés touarègues). Paris aurait ainsi constitué une organisation de combattants à qui elle aurait «remis Kidal», selon Choguel Maïga.

Le gouvernement malien jusqu’à présent n’a pas son autorité sur la région de Kidal. Or, c’est la France qui a créé cette enclave

«Le gouvernement malien jusqu’à présent n’a pas son autorité sur la région de Kidal. Or, c’est la France qui a créé cette enclave, une zone de groupes armés qui sont entraînés par les officiers français. Nous en avons les preuves», a résumé le chef du gouvernement lors de la même interview.

Ces accusations rappellent des propos que tenaient, en 2019, Nicolas Normand, ex-ambassadeur de France à Bamako. Evoquant auprès de RFI les suites de l'opération Serval de janvier 2013 qui a précédé l'opération Barkhane, il déclarait : «Sur le principe, l’opération Serval de janvier 2013 était une excellente opération. C’est-à-dire qu’il fallait empêcher les différents groupes djihadistes réunis de déferler vers le sud et éventuellement vers Bamako. Le problème, c’est que la France a cru ensuite distinguer des bons et des mauvais groupes armés [...] L’armée française est allée rechercher ce groupe – c’était le MNLA à l’époque –, ces séparatistes touaregs, d’une tribu particulière qui était minoritaire au sein même des Touaregs, les Ifoghas. Ce groupe, on est allé le chercher et on lui a donné la ville de Kidal. Et ensuite, ultérieurement, il y a eu les accords d’Alger [en 2015], qui mettent sur une sorte de piédestal ces séparatistes, à égalité en quelque sorte avec l’Etat. Cela, c’est une erreur importante.»

RT France a tenté de contacter le ministère français des Affaires étrangères afin d'obtenir un commentaire à ce sujet, ce 9 octobre, mais n'a pas encore reçu de réponse.

Coup de froid sur les relations franco-maliennes

En tout état de cause, les propos du Premier ministre malien à RIA Novosti surviennent dans un contexte de tensions entre Paris et Bamako, liées notamment à la redéfinition de l'opération antiterroriste française Barkhane au Sahel. Après l’annonce, le 10 juin, de la «fin de l'opération [militaire française] Barkhane en tant qu'opération extérieure» (telle qu'elle existait depuis 2014), le Premier ministre malien avait ainsi accusé Paris d’avoir abandonné son pays «en plein vol», le 25 septembre.

Plus récemment, le 5 octobre, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop avait convoqué le 5 octobre l'ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer. Bamako a motivé cette décision à la suite de «propos inamicaux et désobligeants» tenus par Emmanuel Macron sur les «institutions de la République du Mali». «Il faut que l'Etat revienne avec sa justice, son éducation, sa police partout, en particulier au Mali», avait déclaré plus tôt le président français sur France Inter, alors qu'il abordait la situation sécuritaire dans la région sahélienne.