Le 16 septembre, Facebook a présenté un nouvel outil de lutte contre les groupes et personnes utilisant sa plateforme pour propager des contenus que l'entreprise américaine qualifie de «néfastes pour la société», en critiquant par exemple les vaccins contre le Covid-19.
Première cible du réseau social : le mouvement allemand Querdenken – qui signifie littéralement «pensée latérale» et peut-être traduit par «Anticonformiste» – dont les pages et les comptes Instagram ont été purgés, sans toutefois que l'intégralité de leur contenu ne soit banni. Querdenken associe les mesures sanitaires contre le coronavirus à des privations de liberté anticonstitutionnelles, revendique une remise en question des informations officielles sur le Covid-19, et compte dans ses rangs de nombreux militants opposés à la vaccination contre le virus. Il fédère des membres gauche comme de droite et a organisé de nombreuses manifestations depuis le début de la pandémie.
Alors que Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s'était inquiété de la brutalité des forces de l'ordre lors de la dispersion d'une de ces manifestations, le porte-parole de la police berlinoise Thilo Cablitz avait répondu en ces termes, cités par le Süddeutsche Zeitung : «La coercition directe est une violence, la violence fait mal [...] [Elle] fait néanmoins partie de notre système juridique.»
Un mouvement au fonctionnement «hautement antagoniste» accusé de «nuire à la société»
Lors d'une conférence de presse, le directeur des règlements sur la sécurité de Facebook Nathaniel Gleicher a fait cette déclaration, relayée par l'AFP : «Les campagnes coordonnées pour nuire à la société impliquent généralement des réseaux d'utilisateurs authentiques, qui s'organisent entre eux pour systématiquement enfreindre nos règles afin de causer des dégâts sur la plateforme ou en dehors.»
A propos de Querdenken, Nathaniel Gleicher a estimé que de nombreuses publications du mouvement «se concentraient principalement sur la promotion d'une théorie du complot selon laquelle les restrictions [anti-Covid-19] du gouvernement allemand font partie d'un plan plus vaste visant à priver les citoyens de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux». Selon Facebook, Querdenken «présentait généralement la violence comme le moyen de renverser les mesures gouvernementales liées à la pandémie et qui limitent les libertés individuelles». Le mouvement est également accusé de s'être «livré à des violences physiques contre des journalistes, des policiers et des médecins en Allemagne».
«Aujourd'hui, nous avons partagé la suppression d'un réseau coordonné de comptes, de pages et de groupes liés à des personnes associées au mouvement allemand Querdenken. Ils ont systématiquement violé nos politiques et se sont coordonnés pour causer un grave préjudice social», a déclaré sur Twitter Nathaniel Gleicher.
Le réseau social avait déjà pris des mesures au coup par coup contre des contenus qui enfreignaient ses règlements sur la désinformation médicale, l'incitation à la violence, le harcèlement, etc. Il considère désormais cette mouvance comme une «menace pour la sécurité».
L'équipe de Nathaniel Gleicher compte donc appliquer des tactiques de cybersécurité, d'ordinaire réservées aux opérations de manipulation orchestrées par des acteurs anonymes. Car sans être des groupes terroristes classés comme «dangereux» par la plateforme – et donc totalement bannis – Querdenken et d'autres mouvements potentiels ont un fonctionnement «hautement antagoniste», a affirmé Nathaniel Gleicher, qui a précisé que ceux-ci «s'adaptent aux mesures coercitives [de Facebook] et se coordonnent pour éviter d'être repérés».
Le réseau social, qui compte près de trois milliards d'utilisateurs mensuels, avance prudemment. D'un côté, il est accusé par les démocrates américains, des gouvernements européens et de nombreuses ONG de contribuer à la propagation de désinformation et, de l'autre, les conservateurs de nombreux pays lui reprochent de «censurer» la liberté d'expression. Par la voix de David Agranovich, un directeur de l'équipe du réseau social, Facebook a donc déclaré ne pas vouloir «créer une règle qui aurait mis en infraction des réseaux organisés, authentiques et non nuisibles».
Le débat sur les contenus liés à la pandémie a pris de telles proportions qu'en juillet le président américain Joe Biden a estimé que le groupe californien et d'autres plateformes «tu[aient] des gens» en laissant circuler de fausses informations sur la vaccination contre le Covid.