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Crise politique en Argentine : manifestation de gauche contre le gouvernement de centre-gauche

Le président argentin de centre-gauche fait face à une contestation dans son propre camp. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté le 16 septembre contre la crise économique et la vice-présidente a vertement critiqué sa gestion.

«A bas l'ajustement, dehors le FMI», «aucun salaire en dessous du panier de base», «du vrai travail». C'est derrière ces slogans que plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté le 16 septembre à Buenos Aires pour réclamer de meilleures conditions de vie au gouvernement de centre-gauche dirigé par Alberto Fernandez. Une mobilisation des plus embarrassantes pour les autorités à l'appel des syndicats et mouvements de gauche, avec la participation de nombreux habitants des quartiers populaires de la capitale réclamant des emplois et plus d'aides pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie de coronavirus.

«Je ne suis ni pour ni contre le gouvernement [...] Nous voulons travailler, nous voulons des usines», a par exemple déclaré à l'AFP Gisela, mère de trois enfants, originaire de la banlieue sud de Buenos Aires.

Cette mobilisation survient au milieu d'une crise politique sans précédent pour le président argentin au pouvoir depuis 2019, défié à sa gauche par sa vice-présidente Cristina Kirchner (présidente du pays de 2007 à 2015) après un revers électoral le 12 septembre lors des primaires obligatoires qui précèdent les législatives du 14 novembre. Déclencheur de cette crise : à deux mois de cette échéance fondamentale, la coalition au pouvoir a recueilli 31% des suffrages face à la coalition de centre-droit de l'ex-président Mauricio Macri (2015-2019) qui a obtenu 40% des voix. 

Le président mis sous pression par sa vice-présidente

Suite à cette défaite cuisante qui n'augure rien de bon pour le gouvernement lors du scrutin à venir, le 15 septembre, cinq ministres proches de Cristina Kirchner ont présenté leur démission au président péroniste et le lendemain, l'ex-présidente a écrit une lettre ouverte dans laquelle elle critique la gestion économique et sociale du chef de l'Etat et du gouvernement, tirant par la même occasion son épingle du jeu dans la crise actuelle.

Dans ce courrier public, elle s'en prend directement à Alberto Fernandez en lui réclamant un changement de gouvernement et en imputant leur récente défaite électorale au cap économique assumé par le chef de l'Etat. «Croyez-vous sérieusement qu'il n'est pas nécessaire, après une telle défaite, de présenter publiquement les démissions et que les responsables facilitent au président la réorganisation de son gouvernement ?», a-t-elle écrit en fustigeant les hiérarques qui «se cramponnent à leur fauteuil». «J'ai fait savoir que je pensais qu'une mauvaise politique d'ajustement budgétaire était menée, et qu'elle avait un impact négatif sur l'activité économique et, par conséquent, sur la société dans son ensemble, et que, sans aucun doute, cela allait avoir des conséquences électorales», a-t-elle aussi écrit. «Je ne l'ai pas dit qu'une seule fois. Je me suis usée à le répéter. Et pas seulement au président de la nation», a encore confié Cristina Kirchner, concluant néanmoins sa missive en exprimant sa «confiance» au chef de l'Etat pour redresser la situation.

En réaction, Alberto Fernandez, pressé de toutes part, a appelé le 16 septembre son gouvernement à mettre de côté les «différends». «Nous devons donner des réponses en honorant l'engagement que nous avons pris en décembre 2019 face à la société. Ce n'est pas le moment de soulever des différends qui nous détournent de cette voie», a écrit le président argentin sur Twitter. «La gouvernance se poursuivra comme je l'entends. C'est pour cela que j'ai été élu», a-t-il ajouté, se gardant toutefois à ce stade, d'accepter des démissions.

Des mouvements péronistes pro-Fernandez avaient initialement appelé à manifester en soutien au président argentin devant la Casa Rosada, le siège du gouvernement, mais Alberto Fernandez leur a demandé de s'abstenir pour faire baisser la tension, ce qu'ils ont fait. Le mécontentement de la population à l'égard du gouvernement ne cesse de croître en Argentine en récession depuis 2018 et où le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 9,9% en 2020 en raison de la pandémie.

Meriem Laribi