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Etats-Unis : Trump dénonce la «trahison» du chef d'état-major, accusé de collusion avec la Chine

Après des révélations sur des conversations téléphoniques entre le chef d'état-major américain et son homologue chinois durant la présidence de Donald Trump, l'ancien président et plusieurs élus républicains ont appelé à sa démission.

Le chef d'état-major de l'armée américaine, le général Mark Milley, se serait inquiété d'un possible conflit déclenché avec la Chine par l'ancien président Donald Trump dans les derniers jours de son mandat et aurait pris secrètement des mesures pour l'éviter, selon les journalistes du Washington Post Bob Woodward et Robert Costa, auteurs de l'ouvrage Péril, à paraître le 21 septembre. A la suite de ces révélations, Donald Trump et plusieurs élus républicains ont appelé à ce que le chef d'état-major soit démis de ses fonctions par l'actuel chef d'Etat Joe Biden.

Le plus haut gradé des militaires aurait téléphoné à son homologue chinois pour lui assurer que les Etats-Unis n'attaqueraient pas la Chine, selon des extraits du livre publiés par le Washington Post et CNN. Le général Milley aurait aussi fait promettre à ses adjoints de ne pas obéir immédiatement à un éventuel ordre extrême de Donald Trump, notamment sur l'usage de l'arme nucléaire, après la défaite électorale du président républicain le 3 novembre 2020.

Les deux conversations téléphoniques entre Mark Milley et le général Li Zuocheng (le 30 octobre 2020 et le 8 janvier 2021) auraient eu lieu après que les services de renseignement américains ont conclu que la Chine considérait une attaque des Etats-Unis comme imminente. «Général Li, je veux vous assurer que l'Etat américain est stable et que tout va bien se passer. Nous n'allons pas attaquer ni mener d'opérations cinétiques contre vous», lui a-t-il dit lors du premier coup de fil, selon ce livre basé sur les témoignages anonymes de 200 responsables américains.

La démocratie, c'est quelquefois brouillon

Le général Milley a rappelé son homologue chinois deux mois plus tard, après l'assaut contre le Congrès américain de partisans de Donald Trump, tandis que le président en exercice contestait toujours la victoire électorale de Joe Biden. «Tout va bien. Mais la démocratie, c'est quelquefois brouillon», lui aurait-il dit. Ce deuxième appel du chef d'état-major au général Li se serait tenu au lendemain d'une conversation téléphonique avec la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, qui voulait s'assurer que Donald Trump ne puisse pas utiliser les codes nucléaires.

Donald Trump dénonce une «trahison»

Selon l'ouvrage toujours, le général Milley aurait en effet réuni l'état-major pour souligner que si Donald Trump ordonnait une frappe nucléaire, il devait en être informé en premier lieu. Il aurait demandé à tous les officiers réunis de confirmer qu'ils avaient bien compris, ajoutent les journalistes Woodward et Costa, selon lesquels il s'agissait d'un «serment». Il aurait aussi demandé à la directrice de la CIA de l'époque, Gina Haspel et au chef du Renseignement militaire, le général Paul Nakasone, de surveiller tout comportement erratique de Donald Trump. 

Je suppose qu'il sera jugé pour trahison s'il a échangé avec son homologue chinois derrière le dos du président

La publication de ces conversations présumées a amené plusieurs élus et figure du parti républicain à demander que le chef d'état-major soit démis de ses fonctions. Donald Trump a ainsi vertement critiqué le général Milley : «Je suppose qu'il sera jugé pour trahison s'il a échangé avec son homologue chinois derrière le dos du président», a lancé l'ex-président sur la chaîne Newsmax le 15 septembre.

Le sénateur républicain de Floride Marco Rubio s'est lui aussi indigné des actions attribuées à Mark Milley, appelant Joe Biden à démettre «immédiatement» le chef d'état-major de ses fonctions si les faits étaient avérés. «Cela risque de mettre en pièces le principe bien établi dans notre pays du contrôle des civils sur les militaires», a-t-il estimé.

Mais Joe Biden a pris la défense de son haut-gradé : «J'accorde une grande confiance au général Milley», a-t-il réagi. Même discours du côté de la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki lors d'un point-presse, cette dernière ayant expliqué que «le président a toute confiance dans son commandement, dans son patriotisme et dans sa fidélité à la Constitution». «Le président n'a aucune intention de fomenter une émeute ou une insurrection. [...] Il n'a pas l'intention d'agir hors de ce qui est légalement admissible. Je ne crois donc pas que ce soit un problème pour le président», a-t-elle ajouté.

Le porte-parole de l'état-major, le colonel Dave Butler, a confirmé ces appels, mais a démenti qu'ils aient été menés en secret. «Ses appels aux Chinois et à d'autres en octobre et en janvier étaient conformes à [ses] devoirs et responsabilités consistant à transmettre des assurances pour maintenir la stabilité stratégique», a-t-il indiqué dans un communiqué. «Tous les appels du chef d'état-major, y compris ceux dont il est fait état, sont écoutés, coordonnés et communiqués au ministère de la Défense et au reste du gouvernement», a-t-il souligné.

Un général nommé par l'ancien président 

Dave Butler a néanmoins confirmé que le général Milley avait réuni l'état-major après la prise d'assaut du Congrès par des partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021 pour souligner que, si le président sortant ordonnait une frappe nucléaire, il devait en être informé en premier lieu. «La réunion sur le protocole concernant l'arme nucléaire était destinée à rappeler aux dirigeants du Pentagone les procédures reconnues et solides à la lumière d'informations de presse sur ce sujet», a indiqué le porte-parole, en référence aux déclarations de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi.

C'est Donald Trump qui avait choisi le général Milley, 63 ans, qui a combattu en Irak et en Afghanistan, pour succéder en septembre 2019 au général Joe Dunford comme chef d'état-major, principal conseiller militaire de l'exécutif. Mark Milley avait commencé à prendre ses distances avec l'ancien président en juin 2020, après avoir été photographié au côté de Donald Trump à la suite de la dispersion de manifestations antiracistes à Washington. «Je n'aurais pas dû être là. Nous devons respecter scrupuleusement le principe d'une armée apolitique, qui est profondément enraciné dans la quintessence de notre république», avait-il regretté.