Alors que les évacuations aériennes se poursuivent dans le chaos à l'aéroport de Kaboul, les Taliban désormais au pouvoir ont annoncé le 22 août le lancement d'une offensive d'envergure contre la seule zone qui leur résiste encore, la vallée du Panchir. Et ce 23 août au matin, ils assuraient avoir encerclé les combattants de cette résistance autoproclamée, tout en ajoutant vouloir négocier avec eux plutôt que combattre.
«Des centaines de moudjahidines de l'Emirat islamique se dirigent vers l'Etat du Panchir pour le contrôler, après que des responsables locaux ont refusé de le remettre de façon pacifique», a déclaré la veille un porte-parole des Taliban sur Twitter, précisant plusieurs heures après vouloir «tenter de résoudre cette affaire pacifiquement».
Au moment de l'entrée des Taliban le 15 août dans Kaboul, synonyme de prise de contrôle de l'Afghanistan à la faveur du mouvement de retrait des forces américaines, une poche de résistance s'est renforcée dans la vallée du Panchir, bastion historiquement anti-Taliban, à environ 150 km au nord-est de la capitale. Ce Front national de résistance (FNR) est mené par Ahmad Massoud, le fils du commandant Ahmad Shah Massoud assassiné en 2001 par al-Qaïda, après avoir été soutenu par les Etats-Unis dans sa lutte contre l'Union soviétique durant les années 1980.
Le vice-président déchu réfugié dans le Panchir
Le porte-parole du FNR Ali Maisam Nazary, qui affirme que des milliers d'Afghans ont rejoint la vallée du Panchir pour combattre les Taliban, a expliqué à l'AFP que le Front se préparait à «un conflit de longue durée». «Les Taliban ne dureront pas s'ils continuent ainsi. Nous sommes prêts à défendre l'Afghanistan et nous mettons en garde contre un bain de sang», a déclaré Ahmad Massoud à la chaîne Al-Arabiya le 22 août. Auprès de Reuters, il a néanmoins privilégié la méthode diplomatique, expliquant vouloir «faire comprendre aux Taliban que la seule voie à suivre est la négociation» car il ne veut «pas qu'une guerre éclate».
Le vice-président déchu Amrullah Saleh (qui s'est déclaré «président par intérim légitime» après la fuite d'Ashraf Ghani) et l'ancien ministre de la Défense Bismillah Khan Mohammadi se sont réfugiés dans le Panchir, ainsi que des soldats de l'armée nationale afghane qui ont refusé de se rendre aux Taliban. Ce front rebelle compterait 6 000 hommes, ont estimé auprès de Reuters ses représentants.
Des vidéos et photos circulant sur les réseaux montrent des combattants se préparant au combat par des manœuvres d'exercice. Des images de l'AFP lors de ces exercices d'entraînement témoignent de la présence de véhicules blindés roulant à travers la vallée.
«Ils veulent se défendre, ils veulent se battre, ils veulent résister à tout régime totalitaire», a affirmé Ahmad Massoud. À l'exception de certaines armes américaines apportées par les troupes de l'armée nationale afghane, le FNR s'appuie sur d'anciens stocks d'armes et de véhicules soviétiques. Dans une tribune publiée par le Washington Post le 18 août, Ahmad Massoud a annoncé que ses combattants avaient «des réserves de munitions et d'armes que nous avons patiemment rassemblées depuis l'époque de mon père», tout en lançant un appel à l'approvisionnement de la part des Etats-Unis et de l'Europe.
Ils n'ont aucune perspective militaire
Les chefs Taliban auraient donné à Ahmad Massoud jusqu'au 29 août au soir pour se rendre, mais le chef de guerre n'est pas prêt à capituler et souhaite plutôt négocier un «gouvernement inclusif» où le pouvoir serait partagé, a rapporté la chaîne Al-Arabiya. Mais en cas de refus du dialogue, la guerre serait «inévitable», aurait déclaré Massoud, selon le média saoudien.
La rébellion a-t-elle toutefois les moyens de s'engager dans un conflit ouvert ? Sa situation géographique est à double tranchant. L'entrée principale de la vallée est une gorge étroite qui rend son invasion extrêmement difficile par des forces extérieures, à la merci des tirs de combattants positionnés sur les hauteurs alentours. Mais son ravitaillement est tout aussi complexe. Et les capacités de cette résistance au niveau humain semblent limitées, comme l'a souligné dans un entretien à Reuters Dmitry Zhirnov, l'ambassadeur russe en Afghanistan : «Ils n'ont aucune perspective militaire. Il n'y a pas grand monde là-bas. Autant que nous sachions, ils ont 7 000 personnes armées. Et déjà des problèmes de carburant. Ils ont essayé de piloter un hélicoptère mais ils n'ont ni essence ni ravitaillement», a-t-il expliqué. Fataliste, le diplomate a réorienté la question sur le nouveau pouvoir : «Nous ne pouvons pas écarter la réalité. Ils sont les autorités de facto. Il n'y a pas d'alternative aux Taliban en Afghanistan.»