Les assassins du président haïtien Jovenel Moïse, qui a été tué dans la nuit du 6 au 7 juillet, seraient des mercenaires «professionnels» s'étant fait passer pour des agents américains de la Drugs Enforcement Administration (DEA), a fait savoir l'ambassadeur haïtien aux Etats-Unis, Bocchit Edmond. Quatre d'entre eux auraient été tués, deux interpellés et d'autres seraient en fuite mais aucune information n'a pour l'instant filtré sur l'identité ou les motivations des suspects.
Le président a été tué à son domicile par un commando armé vers 1h du matin. D'après le juge chargé de l'affaire, cité par la presse locale, sa dépouille a été retrouvée criblée de 12 balles, et son bureau et sa chambre ont été saccagés.
Les auteurs du meurtre se seraient présentés à la résidence du président Jovenel Moïse en disant appartenir à l'agence américaine de lutte contre les stupéfiants, mais leur comportement ne semblait pas conforme à ce statut, selon l'ambassadeur. «C'était une attaque bien orchestrée et ce sont des professionnels», a-t-il précisé aux journalistes, avant d'ajouter : «Nous avons une vidéo et nous pensons qu'il s'agit de mercenaires.»
La Première dame haïtienne blessée dans l'attaque, Martine Moïse, a été évacuée à Miami pour être soignée. Selon une déclaration du Premier ministre par intérim, Claude Joseph, à la télévision le 7 juillet au soir : «La Première dame est hors de danger, elle est soignée en Floride, et selon les informations que nous avons, sa situation est stable.»
«Des étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol», selon le gouvernement
Selon le Premier ministre par intérim Claude Joseph, les assaillants étaient «des étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol». La police a fait savoir qu'elle avait pourchassé les membres présumés du commando aussitôt après l'attaque et qu'elle était toujours «engagée dans la bataille avec ces assaillants» : «Depuis cette nuit nous nous battons contre eux», a ainsi déclaré dans une allocution à la télévision le directeur général de la police nationale d'Haïti, Léon Charles. Et de préciser : «Quatre mercenaires ont été tués, deux ont été interceptés sous notre contrôle. Trois policiers qui avaient été pris en otage ont été récupérés.» Aucune autre information sur les auteurs de l'assassinat n'a été divulguée.
Selon les autorités, il se pourrait que les mercenaires ayant réussi à s'enfuir soient partis vers la Républicaine dominicaine par la voie terrestre pour ne pas être repérés. Le Premier ministre Claude Joseph a annoncé dans un discours en créole avoir décidé de «déclarer l'état de siège dans tout le pays», octroyant des pouvoirs renforcés à l'exécutif pour quinze jours. Appelant la population au calme, il a promis que «les assassins paieraient pour ce qu'ils ont fait devant la justice».
L'assassinat menace de déstabiliser encore davantage le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire.
Le département d'Etat américain a appelé au maintien des élections législatives et présidentielle en Haïti prévues pour le 26 septembre 2021, avec un second tour le 21 novembre.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a assuré Claude Joseph, lors d'un appel téléphonique, de l'engagement des Etats-Unis «à travailler avec le gouvernement d'Haïti afin de soutenir le peuple haïtien, la gouvernance démocratique, la paix et la sécurité.»
Le Conseil de sécurité de l'ONU, qui se réunira en urgence ce 8 juillet, a réclamé que les auteurs de l'assassinat «soient rapidement traduits en justice».
Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 sur une promesse de développement de l'économie du pays et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Actif dans plusieurs domaines économiques, dont l'exploitation de bananeraies, il n'avait quasiment aucune expérience en politique au moment de son élection.
Haïti est gangrenée par l'insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d'une quasi impunité. Une situation qui valait à Jovenel Moïse, accusé d'inaction face à la crise, d'être confronté à une vive défiance d'une bonne partie de la société civile.
Le président assassiné aura nommé pas moins de sept Premiers ministres au cours de son mandat. Le dernier en date, Ariel Henry, devait prochainement entrer en fonctions. Gouvernant par décret depuis janvier 2020, sans Parlement et alors que la durée de son mandat faisait l'objet de contestations, Jovenel Moïse avait mis en chantier une réforme institutionnelle.