International

La justice russe reconnait comme «extrémistes» des ONG liées à Navalny, l'Occident condamne

Le Fonds de lutte contre la corruption et deux autres organisations proches de l'opposant ont été jugées «extrémistes» et sont interdites. La justice russe les accuse de tentatives de «déstabilisation». Washington et l'UE ont condamné cette décision.

A l'issue d'une audition de 12 heures, le tribunal de Moscou a suivi le 9 juin la demande du parquet de la capitale russe de désigner comme «extrémistes» trois organisations proches d'Alexeï Navalny et de ses partisans : le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), fondé par l'opposant, la Fondation pour les droits des citoyens (FZPG) et «Quartier général de Navalny». Le service de presse du tribunal, cité par l'agence de presse Tass, a précisé que le jugement était effectif immédiatement «en termes de fermeture de ces organisations».

Le procureur a précisé que le FBK organisait régulièrement des événements non autorisés se soldant par des émeutes. Il a aussi déclaré que des représentants du FBK avaient incité à la haine contre les représentants des autorités de la Fédération de Russie et ses partisans. «Il a été reconnu que ces organisations non seulement diffusaient volontairement des informations incitant à la haine et à l'hostilité envers les représentants du pouvoir, mais commettaient également des crimes et délits extrémistes», a déclaré aux journalistes un représentant du parquet, Alexeï Jafiarov, après l'annonce de la décision.

Les avocats du FBK, dont les propos ont été relayés par Reuters et l'AFP, ont annoncé leur intention de faire appel de la décision.

Alexeï Navalny, qui purge une peine de deux ans et demi de prison ferme dans une colonie pénitentiaire, a affirmé sur son compte Instagram qu'il «ne reculera[it]  pas». «On se débrouillera, on évoluera, on s'adaptera. Mais on ne reculera pas devant nos objectifs et nos idées. C'est notre pays et nous n'en avons pas d'autre», a-t-il écrit. «Nous continuons de combattre la corruption», a pour sa part promis le FBK sur Twitter.

Le jugement a notamment pour conséquence de rendre inéligibles les membres de ces groupes pour les élections législatives de septembre prochain, mais aussi de les exposer à des peines de prison. En effet, le président russe Vladimir Poutine a promulgué ce 4 juin une loi votée par le Parlement, selon laquelle les membres d'organisations jugées «extrémistes» ou «terroristes» pourront être temporairement exclus des élections. L'opposition y voit une manière de la museler.

La justice russe dénonce des tentatives de «révolution de couleur», l'Occident se dit inquiet

En avril, le bureau du procureur de Moscou avait demandé à la justice que soient ajoutées à la liste des organisations «extrémistes» du Comité national antiterroriste les trois ONG concernées. En cause, selon le bureau du procureur : «Sous couvert de slogans libéraux, ces organisations s'emploient à créer un environnement qui déstabilise la situation sociale et sociopolitique. Les objectifs réels de leur activité consistent à créer les conditions pour changer les fondements de l'ordre constitutionnel, y compris via l'utilisation d'un scénario de révolution de couleur.» 

De leur côté, les Etats-Unis ont appelé à la libération «immédiate et inconditionnelle» d'Alexeï Navalny, tout en condamnant la décision de désigner ces organisations comme extrémistes, qu'ils estiment «particulièrement inquiétante». «Cette décision place les employés, les bénévoles et des milliers de sympathisants à travers la Russie sous la menace de poursuites pénales et d'incarcération pour l'exercice de droits humains fondamentaux garantis par la Constitution russe», a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price dans un communiqué.

Dénonçant une décision «perverse», le ministre britannique des Affaires étrangères Dominic Raab a pour sa part évoqué dans un communiqué une «nouvelle attaque kafkaïenne contre ceux qui se dressent contre la corruption et pour des sociétés ouvertes, et d'une tentative délibérée de mettre effectivement hors la loi la véritable opposition en Russie».

L'Union européenne a elle aussi réagi, évoquant une «décision infondée» de la justice russe.

Enfin, l'instance exécutive du Conseil de l'Europe (le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, composé de 47 Etats membres), a appelé ce 10 juin Moscou à «libérer immédiatement» Alexeï Navalny.