Genève se mobilise pour Julian Assange. La ville, dont le Parlement avait voté l'an dernier une résolution en faveur de l'octroi d'un visa humanitaire suisse au journaliste emprisonné à Londres, a organisé un nouvel événement le 4 juin intitulé «l'Appel de Genève pour libérer Assange» en présence de la maire Frédérique Perler et de nombreuses personnalités. Parmi elles, Stella Moris, avocate et compagne de Julian Assange, le rapporteur de l'ONU Nils Melzer, des députés suisses, l'avocat français Antoine Vey, le secrétaire général de Reporters sans frontières Christophe Deloire et l'artiste italien Davide Dormino, sculpteur de l'œuvre itinérante Anything to say? représentant Edward Snowden, Julian Assange et Chelsea Manning.
La seule raison pour laquelle Assange est en prison, c'est parce qu'ils ne veulent pas entendre la vérité qu'il a à dire
Le fondateur de Wikileaks est détenu depuis plus de deux ans à la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres après avoir purgé, en 2019, une peine de 50 semaines de prison prononcée par la justice britannique pour «violation des conditions de sa liberté provisoire» – il lui était reproché de s'être réfugié à l'ambassade équatorienne en 2012 alors que la Suède demandait à l'époque au Royaume-Uni son extradition dans une affaire de viol présumé, des poursuites abandonnées depuis par la Suède en 2017. Après avoir purgé ses 50 semaines de prison, Julian Assange a été malgré tout maintenu en détention dans l'attente de l'issue de la procédure d'extradition demandée par les Etats-Unis à son encontre. Le 4 janvier, la juge britannique avait refusé l'extradition mais l'administration Biden a fait appel. La juge avait également refusé la libération conditionnelle du journaliste le 6 janvier, arguant qu'elle craignait qu'il ne se présente pas aux futures audiences. Depuis, Assange, détenu en isolement, attend, sans savoir quand son sort sera scellé.
Dans son intervention, Frédérique Perler, la maire de Genève, a estimé que Julian Assange était «un précurseur et le symbole d'une persécution insensée». «Il a perdu sa liberté pour défendre la nôtre», a rappelé l'édile, qui a assuré que le cas de Julian Assange «résonn[ait] particulièrement à Genève» et que la ville s'associait «pleinement» pour demander sa libération.
La justice britannique n'a pas encore accepté l'appel des Etats-Unis
Lors de la conférence de presse de l'événement genevois, Stella Moris a expliqué que la Haute cour de Grande-Bretagne n'avait pas encore accepté l'appel des Etats-Unis. «Nous sommes en attente de cette décision. Il n'y a pas de délai fixé pour la réponse», a dit la compagne d'Assange. «Si le tribunal rejette l'appel, Julian pourra être remis en liberté et devra trouver un lieu sûr où vivre. Dans le cas contraire, si l'appel est autorisé, il y aura alors de nouvelles audiences, probablement en automne, voire l'année prochaine», a-t-elle détaillé. Si l'appel est approuvé par la justice britannique, «cela implique que Julian resterait en prison, et plus longtemps il y reste, plus le risque est élevé qu'il n'en sorte pas vivant», a alarmé Stella Moris.
Soit Julian regagne sa liberté, soit il perdra la vie et s'il perd la vie, ce ne sera pas par suicide mais parce qu'ils l'auront tué
Prenant la parole également, le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture Nils Melzer a estimé que le cas d'Assange était «un scandale». Lui qui réclame depuis trois ans la libération immédiate du journaliste a demandé qu'au minimum, il soit mis en résidence surveillée, auprès de sa famille. «Personne n'est emprisonné en isolement lors d'une procédure d'extradition, au maximum, on le met en résidence surveillée», a-t-il souligné. Les Britanniques sont «parfaitement capables» d'assurer une résidence surveillée pour Assange, a-t-il estimé. «Ils l'avaient fait pour Augusto Pinochet !», a-t-il rappelé. Alors qu'il se trouvait en Grande Bretagne, le dictateur chilien, poursuivi pour crimes contre l'humanité en 1998, et dont l'extradition était demandée par plusieurs pays, «avait bénéficié de la résidence surveillée dans une villa avec visites illimitées incluant même l'ancienne Première ministre Margaret Tchatcher», a rappelé Nils Melzer indigné. «Et ils ne veulent pas le faire pour Assange qui, lui, a dénoncé des crimes contre l'humanité», a-t-il comparé. De son point de vue, «la seule raison pour laquelle Assange est en prison, c'est parce qu'ils ne veulent pas entendre la vérité qu'il a à dire».
«C'est devenu un crime de dire la vérité. Je ne peux pas laisser mes enfants dans un monde pareil. C'est un monde tyrannique, il faut arrêter ça. Et le pouvoir est entre vos mains», a conclu Nils Melzer à l'attention des journalistes présents.
Stella Moris a ensuite pris la parole. Très émue, elle a rappelé qu'elle n'avait pas revu son compagnon depuis le 6 janvier, jour de l'audience lors de laquelle la justice britannique a refusé la libération sous caution de Julian Assange. Leurs deux jeunes enfants âgés de quatre et deux ans, eux, n'ont pas vu leur père depuis le mois d'octobre. «Je n'ai pas dit aux enfants que leur père était en prison, car j'aimerais leur apprendre que les prisons sont des lieux où vont les mauvaises personnes qui font des mauvaises choses et pas les bonnes personnes qui font des bonnes choses comme leur père», a déclaré la compagne d'Assange en larmes. «Soit Julian regagne sa liberté, soit il perdra la vie et s'il perd la vie, ce ne sera pas par suicide mais parce qu'ils l'auront tué», a-t-elle conclu.
Avant ce séjour en Suisse, Stella Moris a passé trois jours à Paris où elle a rencontré des élus de gauche, comme François Ruffin, Ian Brossat ou Fabien Roussel. Elle est aussi intervenue dans certains médias français.
Meriem Laribi