Mahamat Mahadi Ali, le chef des rebelles du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT) – qui mènent depuis deux semaines une offensive contre le pouvoir en place et sont accusés par l'armée d'avoir tué le chef de l'Etat Idriss Déby Itno – a assuré le 24 avril que ses hommes étaient prêts à «observer un cessez-le-feu». Il s'est également dit en faveur d'une solution politique.
Mahamat Mahadi Ali a aussi affirmé que ses troupes continuaient de se faire bombarder par l'armée tchadienne – la dernière fois, le jour de sa déclaration, en début de matinée. «Ce sont des rebelles, c'est pourquoi on les bombarde [...] On fait la guerre, c'est tout», a réagi auprès de l'AFP Azem Bermandoa Agouna, le porte-parole du Conseil militaire de transition (CMT) présidé par Mahamat Idriss Déby, fils du président mort au combat et nouvel homme fort du Tchad.
Une transition militaire soutenue par Paris
Le 19 avril, l'armée tchadienne avait assuré avoir «détruit» la colonne de rebelles et tué 300 combattants. Le lendemain, le porte-parole de l'armée annonçait qu'Idriss Déby – qui menait le troisième pays le moins développé du monde depuis 30 ans – était mort des suites de blessures au front dans le nord contre des rebelles.
Le fils du défunt Maréchal Déby, Mahamat Idriss Déby, est général quatre étoiles à l'âge de 37 ans et commandait jusqu'alors la Garde républicaine. Il est désormais le nouvel homme fort du Tchad, entouré de 14 des plus fidèles généraux de son père. Il dispose des pleins pouvoirs mais a promis de nouvelles institutions après des élections «libres et démocratiques» qui devraient se tenir dans un an et demi. Le FACT avait refusé «catégoriquement» cette transition militaire et annoncé son intention de marcher sur la capitale tchadienne.
Le 23 avril, une douzaine de chefs d'État étaient réunis sur la place de la Nation, au cœur de la capitale N'Djamena, pour rendre un dernier hommage au maréchal Déby, partenaire-clé des Occidentaux dans la région dans la lutte contre les djihadistes. Parmi eux, le président français Emmanuel Macron qui, comme ses homologues des pays du Sahel, a apporté son soutien au CMT. «La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l'intégrité du Tchad», a promis le président français dans son oraison funèbre.
Mais Emmanuel Macron a également appelé le CMT à promouvoir la «stabilité, l'inclusion, le dialogue, la transition démocratique». «On s’en tient à ce qu’a dit Emmanuel Macron, un dialogue inclusif pour discuter de l’avenir du peuple. Nous croyons à sa capacité de faire évoluer la situation», a assuré Mahamat Mahadi Ali à l'AFP. «Nous sommes sur la même longueur d’onde que l’opposition et la société civile», a également affirmé le leader du groupe rebelle.
Des associations et l'opposition fustigent un «coup d'état institutionnel»
Depuis la prise de pouvoir du CMT, les partis d'opposition et des associations crient au «coup d'état institutionnel» et réclament l'instauration d'une transition dirigée par les civils à travers un «dialogue inclusif».
Le 24 avril, plusieurs associations de la société civile et partis politiques regroupés au sein du collectif «Wakit Tama» se sont exprimés sur la situation en ces termes : «Nous refusons les faits accomplis et dénions à la junte militaire la légitimité politique de gérer le pays, pour cause de prise de pouvoir par la force, contraire au droit national et aux engagements africains et internationaux du Tchad [...] Les forces vives entendent par dialogue inclusif l’implication et la participation de tous les acteurs, qu’ils aient ou non pris les armes pour conquérir le pouvoir». «Dans transition civilo-militaire, la tête doit être civile et les militaires doivent s'occuper des questions sécuritaires», a expliqué le même jour à l'AFP Succès Masra, l'un des opposants les plus farouches du gouvernement, en reprenant le terme utilisé par Emmanuel Macron.
La confédération indépendante des syndicats du Tchad (CIST) regroupant les principales associations syndicales des enseignants s'est également élevée le 24 avril contre «un recul très grave de la démocratie» avec la prise de pouvoir des militaires, et a exigé «un retour à l'ordre constitutionnel» avec «la tenue d'un forum national inclusif regroupant toutes les couches sociopolitiques de la nation». L'ordre des avocats du Tchad «désapprouve» pour sa part cette transition «mise en place au mépris total des textes et règlements en vigueur».
La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a quant à elle exprimé la veille ses «plus vives inquiétudes face à ce qui lui semble davantage s'apparenter à l'organisation d'une succession pour la poursuite de l'accaparement du pouvoir».