Le sommet de l’UE à Bruxelles s’est prolongé jusqu’à tard dans la nuit de jeudi et aurait abouti à certains résultats. Alors que les parties n’ont encore signé aucun accord, les dirigeants de l’UE et Ankara ont réussi à s’accorder sur «un plan d’action», a dit le président du Conseil européen Donald Tusk aux journalistes.
«Nos rencontres soutenues avec les dirigeants turcs […] au cours des dernières semaines ont visé un objectif : ralentir les flux migratoires vers l’UE transitant par la Turquie. Le plan d’action est un grand pas dans cette direction», a fait savoir Tusk.
Pour l’instant, il a exprimé «un optimisme prudent» quant aux chances de réussite de ce plan, mais a salué l’accord entre l’UE et la Turquie pour lutter contre la crise migratoire actuelle. Un accord ambitieux, rédigé par le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker était sous les projecteurs du sommet.
Il prévoit 3 milliards d’euros d’aide, un assouplissement du régime des visas pour les Turcs se rendant dans l’UE et la reprise des négociations sur l’adhésion de la Turquie. La Turquie a également exprimé le désir d’être incluse dans la liste des «pays sûrs» pour les demandes d’asile. Pour cela, la Turquie a promis de renforcer son contrôle aux frontières, sa coopération avec la Grèce qui est la première destination des réfugiés qui fuient la guerre, l’instabilité et la pauvreté au Moyen-Orient.
En échange de l’accès sans visa à l’UE pour ses habitants, Ankara serait d’accord de signer un accord de réadmission, selon lequel, la Turquie accueillerait les demandeurs d’asile entrés dans l’UE à travers son territoire.«Nous ne signerons par l’accord de réadmission avant des mesures concernant les visas de l’espace Schengen et leur libéralisation pour les citoyens turcs», a souligné le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, dans une interview avant le sommet. Selon lui, la Turquie voudrait voir l’accord signé vers le premier semestre 2016.
Alors que la Turquie veut que l’UE montre sa bonne volonté concernant les voyages sans visas, les leaders européens désirent des preuves que la Turquie tiendra ses engagements et renforcera ses mesures contre les passeurs.«Nous avons besoin de garanties que la réponse turque sera aussi concrète et substantielle que la nôtre», a déclaré Donald Tusk. En ce qui concerne les 3 milliards d’aide pour la Turquie, les dirigeants européens ont convenu que la demande était raisonnable.
«Nous nous déclarons prêts à partager la responsabilité avec la Turquie qui, en étant au seuil de l’Union européenne, doit prendre en charge plus de deux millions de réfugiés, ce qu’elle fait déjà depuis plusieurs années. Donc, dans cette période de partage du fardeau, dans cette période de solidarité entre voisins, il est bon que l’UE pense à la façon dont elle peut apporter sa participation», a précisé la chancelière allemande Angela Merkel.
Pour sceller l’accord potentiel, elle est prête à se rendre à Istanbul dimanche.
«Il reste beaucoup à faire» a souligné Merkel lors d’une conférence de presse, «mais vous ne pouvez pas dire que nous ne sommes arrivés à rien», a-t-elle ajouté. L’idée de profiter de l’aide d’Ankara provient des appels d’Angela Merkel à «sécuriser les frontières extérieures» de l’UE. Plus de 710 000 migrants sont arrivés à la frontière européenne cette année.
«Nous ne pouvons pas organiser ou cesser le flux de réfugiés sans travailler avec la Turquie», a annoncé Angela Merkel. Berlin a pris le premier rôle en ce qui concerne l’accueil des migrants.
Le plan inacceptable
La présidente du FN Marine Le Pen a qualifié de «capitulation inacceptable» le plan d'action commun conclu entre l'UE et la Turquie pour endiguer les flux migratoires. «Le plan d'accord conclu cette nuit entre l'Union européenne et la Turquie sur la question des migrants est une capitulation inacceptable au détriment de tous les intérêts de notre pays», estime Mme Le Pen dans un communiqué.
«La Turquie va d'abord recevoir un confortable chèque de 3 milliards d'euros de la part des Etats européens, contraints d'accepter ce chantage aux migrants car désarmés par la suppression volontaire de leurs frontières nationales et par Schengen», a-t-elle indiqué.
Les mesures turques
La Turquie a également beaucoup d’expérience en ce qui concerne la lutte contre les flux des réfugiés, qui ont frappé à sa porte suite au conflit syrien débuté en 2011.
Le nombre de réfugiés accueillis en Turquie en 2015 doit augmenter jusqu’à atteindre 1,9 millions de personnes, dont 1,7 millions depuis la Syrie, a fait savoir l’agence pour les réfugiés de l'ONU. La Turquie a érigé 22 camps pour les réfugiés et a dépensé plus de 7 milliards d’euros. Pour le moment, elle n’a reçu qu’un milliard d’euros de remboursement d’aide financière.
Le premier migrant abattu
Pendant que les dirigeants européens débattent sur la crise migratoire, un migrant afghan a été abattu par la police des frontières peu après son entrée sur le territoire bulgare depuis la Turquie.
Le drame, survenu dans la nuit de jeudi à vendredi, est le premier cas connu de tir mortel des forces de l'ordre depuis le début de la crise qui a vu affluer des centaines de milliers de migrants en Europe, confrontant les gouvernements occidentaux à un défi sans précédent.
L'un des agents a effectué en l'air un seul tir de sommation, selon le procureur régional Kalina Tchapkanova, mais la balle a «ricoché», blessant l'homme qui est décédé sur la route vers l'hôpital, a expliqué le ministère de l'Intérieur.
De plus, une famille libanaise s’est noyée en traversant la Méditerranée, entre la Turquie et la Grèce, augmentant le bilan humain de ceux qui ont péri en mer à plus de 3000 personnes.