Le président Alassane Ouattara a donné ce 7 avril son feu vert au retour en Côte d'Ivoire de son grand rival, l'ex-président Laurent Gbagbo, et de son ancien ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé, «quand ils le souhaitent», une semaine après leur acquittement définitif de crimes contre l'humanité par la justice internationale.
Attendu avec une grande impatience par les partisans de Laurent Gbagbo, qui restent nombreux en Côte d'Ivoire malgré son absence depuis dix ans, la décision du président Ouattara de le laisser rentrer est un signe fort de sa volonté d'œuvrer à la «réconciliation nationale» dans un pays dont l'histoire récente est marquée par les violences politiques.
«Messieurs Gbagbo et Blé Goudé sont libres de rentrer en Côte d'Ivoire quand ils le souhaitent», a déclaré Alassane Ouattara à l'ouverture du premier conseil des ministres de son nouveau gouvernement formé mardi.
«Des dispositions seront prises pour que Laurent Gbagbo bénéficie, conformément aux textes en vigueur, des avantages et indemnités dus aux anciens présidents de la République», a-t-il ajouté en précisant que «ses frais de voyage» et ceux «des membres de sa famille seront pris en charge par l'Etat de Côte d'Ivoire».
Le chef de l'Etat n'a pas évoqué la condamnation en Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo à 20 ans de prison pour le «braquage» de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) pendant les violences post-électorales de 2010-2011.
Mais Amadou Coulibaly, nouveau ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a ensuite laissé entendre que cette condamnation serait levée.
«Je m'en tiens aux propos du chef de l'Etat, ça me semble assez clair : on ne va pas offrir le voyage à Gbagbo pour le mettre derrière les barreaux», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse après le conseil des ministres.
«Cette décision facilite la tâche du ministre de la Réconciliation que je suis», a déclaré Kouadio Konan Bertin, ministre de la Réconciliation nationale. Le président Ouattara est «dans une disposition d’esprit pour aller à la réconciliation et à la paix», selon lui.
Satisfaction du ministre de la réconciliation nationale
«Nous nous félicitons de cette décision [...] de nature à donner un nouvel élan à la réconciliation nationale», a pour sa part déclaré Simplice Séri Zokou, un des avocats de Charles Blé Goudé.
La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé il y a juste une semaine l'acquittement, prononcé en 2019, de Laurent Gbagbo, définitivement reconnu non coupable de crimes contre l'humanité, ouvrant la voie à son retour en Côte d'Ivoire après une décennie d'absence.
Les juges ont rejeté l'appel du procureur de la CPI, Fatou Bensouda, contre les acquittements de Laurent Gbagbo et d'un de ses proches, Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, prononcés en janvier 2019 à l'issue d'un procès pour crimes contre l'humanité liés aux violences post-électorales en 2010 et 2011.
Laurent Gbagbo, premier ancien chef d'Etat jugé par la CPI, et Charles Blé Goudé ont toujours clamé leur innocence dans ces crimes ayant fait 3 000 morts en Côte d'Ivoire, lors de violences de fin 2010.
Au nom de la «réconciliation nationale», les autorités avaient octroyé fin 2020 à Laurent Gbagbo deux passeports, un ordinaire et un diplomatique, et l'intéressé avait alors exprimé son souhait de rentrer dès décembre.
Ce retour, qu'il avait ensuite annoncé pour «bientôt», restait suspendu à la décision de la CPI, mais il l'était aussi à un feu vert définitif du pouvoir désormais acquis.
Il va intervenir, à une date qui reste à fixer, dans un contexte d'apaisement de la vie politique ivoirienne, un mois après des élections législatives qui se sont déroulées dans le calme et sans contestation de rue, contrairement à la présidentielle d'octobre 2020 qui avait donné lieu à des violences ayant fait une centaine de morts.
Ces élections auxquelles a participé le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, qui boycottait tous les scrutins depuis dix ans, ont été remportées par le parti au pouvoir, mais ont aussi permis le retour de 91 députés d'opposition à l'Assemblée nationale.