Le tribunal de première instance de Bruxelles a ordonné ce 31 mars à l’Etat belge de revoir ses dispositions légales ou de lever toutes les mesures anti-Covid introduites par arrêtés ministériels sur soupçon d'inconstitutionnalité. Les autorités ont 30 jours pour se mettre en conformité avec le droit sous peine de devoir payer une astreinte de 5 000 euros par jour de retard.
D'après la RTBF, l'ordonnance du tribunal belge condamne l’Etat, représenté par sa ministre de l’Intérieur, à «prendre toutes les mesures qu’elle estimera appropriées pour mettre un terme à la situation d’illégalité apparente découlant des mesures restrictives des libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution […] contenues dans l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 et ses arrêtés subséquents».
Les manquements dénoncés dans le jugement portent notamment sur la base légale invoquée par l’Etat belge pour faire passer des mesures d'urgence, à savoir la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile. Le jugement explique que cette base légale est inappropriée et que ce texte «vise des situations bien spécifiques qui ne recouvrent pas la situation de gestion d'une pandémie». Il est également précisé que «soutenir que cette loi offrirait une base légale suffisante aux arrêtés ministériels litigieux reviendrait à conférer à une loi d'habilitation ordinaire une portée générale identique à celle que pourrait avoir une habilitation de pouvoirs spéciaux sans les garde-fous qui l'entourent».
Un jugement qui concerne les mesures fédérales et non régionales
Comme le rapporte L'Echo, ce jugement concerne toutes les mesures prises au niveau fédéral (port du masque, fermeture des établissements, interdiction des voyages non-essentiels, distanciation sociale, etc.) mais pas les couvre-feux adoptés au niveau régional. Pour se mettre en conformité, le gouvernement devra soit faire adopter une nouvelle loi, soit adopter un nouvel arrêté ministériel sur la base d'une autre loi, soit retirer les mesures actuellement en vigueur.
Pour les avocates de la Ligue des Droits humains (LDH), Audrey Lackner et sa collègue Audrey Despontin, ce jugement est une victoire historique. «Nous sommes ravies par cette décision, c’est une journée importante pour l’Etat de droit et pour la démocratie, ravies aussi de voir que le tribunal a constaté l’illégalité des mesures compte tenu du fait que la loi de 2007 n’est pas faite pour gérer une pandémie et encore moins pendant un an. Il est donc nécessaire qu’une loi soit créée et qu’un débat parlementaire soit organisé», ont-elles déclaré. Par ailleurs, c'est la LDH qui est à l'origine de cette décision de justice. Fin février, l'association avait introduit une action en référé contre l'Etat belge afin de «mettre un terme à la situation d'illégalité apparente».
Cette décision qui met en porte-à-faux l'Etat semblait être anticipée par les autorités, puisque le gouvernement travaille depuis plusieurs mois à l'élaboration d'une loi «pandémie» qui vise précisément à mieux encadrer juridiquement les mesures sanitaires prises dans un contexte de pandémie. Cette loi est actuellement débattue en commission à la Chambre. En attendant l'examen et l'adoption de ce texte qui pourrait constituer une nouvelle base légale reconnue, la ministre de l'Intérieur, Annelies Verlinden, a indiqué ce 31 mars faire appel de cette décision de justice. «La ministre Annelies Verlinden a décidé de saisir immédiatement la Cour d'appel de Bruxelles et souligne que cette décision récente ne signifie pas que les mesures actuelles ne sont plus à l'ordre du jour», est-il précisé dans un communiqué.