Ce 27 mars, l'Iran et la Chine ont conclu à Téhéran un accord de coopération stratégique et commerciale de 25 ans, en discussion depuis plusieurs années. Il a été signé par le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, et son homologue chinois, Wang Yi, en visite à Téhéran.
Selon l'agence de presse nationale iranienne Irna, les derniers détails de l'accord ont été arrêtés dans la matinée lors d'une rencontre entre «Wang Yi et Ali Larijani, conseiller du guide suprême [iranien Ali Khamenei] et représentant spécial de la République islamique d'Iran pour les relations stratégiques avec la République populaire de Chine».
La signature de ce pacte illustre la priorité donnée aux relations avec «l'Est» – c'est-à-dire, pour l'Iran, avec des Etats comme la Chine, les deux Corées, l'Inde, le Japon ou la Russie – conformément à l'inflexion donnée par Ali Khamenei en 2018 en rupture avec l'un des slogans les plus populaires de la révolution iranienne de 1979 : «Ni Ouest, ni Est, République islamique.»
La Chine est le premier partenaire commercial de la République islamique d'Iran et était l'un des principaux acheteurs de brut iranien avant le rétablissement des sanctions américaines contre le secteur énergétique iranien en 2018, qui ont fait chuter les exportations pétrolières de Téhéran.
Selon le ministère iranien des Affaires étrangères, l'accord signé est une «feuille de route complète», comportant des «clauses politiques, stratégiques et économiques» pour «25 ans de coopération» entre l'Iran et la Chine. Pour Pékin, il s'inscrit dans un vaste projet d'infrastructures lancé avec plus de 130 pays.
Un «partenariat stratégique global» élaboré depuis 4 ans
Saïd Khatibzadeh a déclaré à la télévision d'Etat que cet accord pouvait être «très efficace pour approfondir» les relations sino-iraniennes, en rappelant que la genèse de ce projet remontait à la visite du président chinois Xi Jinping à Téhéran en janvier 2016 – visite lors de laquelle il avait notamment rencontré le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.
Téhéran et Pékin s'étaient alors engagés à «mener des négociations pour la signature d'un accord de coopération élargie sur 25 ans» et à «avoir des investissements réciproques dans les différents domaines, notamment les transports, les ports, l'énergie, l'industrie et les services», selon un communiqué commun publié à l'occasion de cette visite. «Le gouvernement et le peuple iraniens cherchent, comme ils l'ont toujours fait, à élargir leurs relations avec des pays indépendants et fiables tels que la Chine», avait déclaré à l'occasion Ali Khamenei, jugeant «tout à fait correct et sage» le projet sino-iranien, également présenté comme un «partenariat stratégique global».
En juillet 2020, une polémique avait agité les réseaux sociaux iraniens après des propos tenus par l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad visant à dénoncer les négociations en cours qui étaient, selon lui, «un nouvel accord de 25 ans avec un pays étranger» à l'insu du peuple.
Chahuté lors d'une intervention au Parlement, Mohammad Javad Zarif avait alors rétorqué qu'il n'y avait «rien de secret» dans les discussions en cours avec Pékin, promettant que la nation serait informée «lorsqu'un accord sera conclu». Jusqu'à ce jour, les grandes lignes de l'accord – qui ferait participer l'Iran au projet des Nouvelles routes de la soie chères au président Xi Jinping – n'ont cependant pas été dévoilées.
Dans une tribune publiée par l'agence Irna, l'ambassadeur d'Iran en Chine Mohammad Kéchavarzadeh note que Pékin est «le partenaire commercial de l'Iran depuis plus de 10 ans». Toutefois, constate-t-il, «l'imposition de sanctions sévères» de Washington et «des restrictions liées au coronavirus ont considérablement réduit le commerce entre les deux pays». Cité le 26 mars par Ilna, une autre agence de presse iranienne, le chef de la chambre de commerce sino-iranienne à Téhéran Majid-Réza Hariri a ainsi indiqué que le volume des échanges commerciaux entre Pékin et Téhéran était tombé à environ 16 milliards de dollars en 2020, contre 51,8 milliards de dollars en 2014.
Le rapprochement de Téhéran avec Pékin survient dans un climat de défiance renforcée de la République islamique vis-à-vis de l'Occident et en période de tensions entre Washington d'un côté, et Téhéran et Pékin de l'autre. La dénonciation unilatérale par Washington en 2018 de l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015 et l'incapacité des Européens à aider la République islamique à contourner les sanctions américaines rétablies cette année-là ont achevé de convaincre les autorités iraniennes que l'Occident n'est pas un partenaire «digne de confiance», selon l'expression d'Ali Khamenei. Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine est l'un des partenaires de Téhéran au sein de l'accord de 2015 et a plutôt affiché son soutien à Téhéran face au départ unilatéral décidé par l'ex-président américain Donald Trump.