C'est la douche froide pour Juan Guaido. L'opposant vénézuélien, qui s'était autoproclamé président par intérim du pays en janvier 2019 et avait été reconnu comme tel par les Etats-Unis et leurs alliés, dont l'Union européenne (UE), vient d'être lâché par cette dernière.
Lors de son autoproclamation il y a deux ans, Juan Guaido était président de l'Assemblée nationale, mais depuis les élections législatives du 6 décembre 2020, qu'il a décidé de boycotter, Juan Guaido n'a plus aucun mandat électif reconnu par la Constitution du pays. Dans un communiqué du 25 janvier, l'UE estime donc qu'il n'est plus à ses yeux le représentant légitime du Venezuela, le qualifiant désormais d'«interlocuteur privilégié», et entérinant ainsi le déclassement de son statut.
L'UE continuera de dialoguer et de travailler avec toutes les parties prenantes au Venezuela afin d'encourager un dialogue pacifique et une solution démocratique et durable à la crise au Venezuela
Embarrassée par la donne vénézuélienne, l'UE est actuellement dans une posture confuse concernant ce pays. Désormais dans l'incapacité de reconnaître un Juan Guaido non représentatif et isolé au sein de l'opposition vénézuélienne, l'UE ne reconnaît pas non plus le résultat des élections législatives du 6 décembre, largement remportées par la gauche au pouvoir. Les 27 avaient d'ailleurs refusé d'envoyer des observateurs pour contrôler le bon déroulement du scrutin malgré l'invitation du gouvernement vénézuélien. Difficile donc pour l'heure de dire quelle autorité l'UE reconnaît comme légitime au Venezuela. Dans le communiqué, l'UE assure néanmoins qu'elle «continuera de dialoguer et de travailler avec toutes les parties prenantes au Venezuela afin d'encourager un dialogue pacifique et une solution démocratique et durable à la crise au Venezuela».
Toujours est-il que les 27 Etats membres de l'Union européenne ont ainsi décidé de ne pas suivre les recommandations du Parlement européen qui avait demandé le 21 janvier aux institutions de l'UE et aux Etats membres de «reconnaître la continuité de l'Assemblée nationale élue au Venezuela en 2015 et le président légitime par intérim Juan Guaido», conformément à un desiderata de ce dernier défiant toute logique constitutionnelle. L'UE se borne dans les conclusions adoptées par les ministres des Affaires étrangères à «réitérer son soutien à tous ceux qui œuvrent en faveur d'un avenir démocratique pour le Venezuela».
Souffler le chaud et le froid
Les 27 Etats de l’UE ont donc confirmé le 25 janvier une précédente déclaration du 6 janvier dans laquelle ils disaient ne plus pouvoir reconnaître légalement Juan Guaido après qu'il eut perdu son poste de chef du Parlement. L'UE encourage désormais Juan Guaido et les autres représentants de l'opposition démocratique à «adopter une position unifiée» pour s'engager dans un processus de dialogue et de négociation avec le pouvoir.
Soucieuse de ne montrer aucune complaisance envers le gouvernement de Nicolas Maduro, l'UE a en outre menacé les autorités du Venezuela de nouvelles sanctions si la sécurité des opposants était menacée. «L'UE est prête à adopter des mesures restrictives ciblées supplémentaires à l'encontre de ceux qui portent atteinte à la démocratie ou à l'Etat de droit et aux personnes responsables de violations graves des droits de l'homme», ont ainsi averti les ministres des Affaires étrangères de l'UE dans une déclaration adoptée lors de leur première réunion physique de l'année 2021.
La position du nouveau président américain Joe Biden sur le Venezuela est désormais très attendue, car les Etats-Unis de Donald Trump ont reconnu jusqu'au bout Juan Guaido en tant que «président par intérim» du pays malgré le résultat des élections législatives. Le statut de président par intérim donne à Juan Guaido l'accès aux fonds confisqués au gouvernement de Nicolas Maduro par les gouvernements occidentaux, ainsi qu'à des hauts fonctionnaires des pays occidentaux soutenant son mouvement.
Le 23 janvier, Nicolas Maduro a appelé Joe Biden à «tourner la page» de l’ère Trump. «Nous sommes prêts à suivre une nouvelle voie dans nos relations avec le gouvernement de Joe Biden, sur la base du respect mutuel, du dialogue, de la communication et de la compréhension», a déclaré le président vénézuélien. Quatre jours plus tôt, le futur secrétaire d’Etat américain Antony Blinken avait toutefois annoncé devant le Sénat des Etats-Unis que l'administration Biden n'entendait pas revenir sur la reconnaissance de Juan Guaido en tant que président du Venezuela.
Meriem Laribi