Plusieurs eurodéputés ont, le 14 décembre, encouragé la Commission européenne à hausser le ton à l'encontre de Washington concernant les fameuses «sanctions infligées par des pays tiers», au regard des «effets extraterritoriaux liés au commerce» : en substance, les intervenants ont dénoncé l'inaction de Bruxelles face à certaines mesures punitives américaines, précisément dès lors que celles-ci affectent directement des entreprises européennes.
Appelant de ses vœux à «lutter contre les dérives de l’extraterritorialité» ou encore à «passer de la riposte à l’offensive», l'eurodéputée française Marie-Pierre Vedrenne – troisième sur la liste macroniste Renaissance lors des élections de 2019 – s'est par exemple exprimée en ces termes depuis Strasbourg : «Imposons des mesures dissuasives, renforçons notre pouvoir de coercition [...] Il s'agit de garantir le respect de la souveraineté de chacun.»
«Il n’est pas admissible que des entreprises ou des dirigeants européens soient poursuivis, sanctionnés parce qu’ils commercent légalement avec d’autres pays», a encore déclaré l'eurodéputé français de gauche Emmanuel Maurel, depuis l'hémicycle bruxellois.
Même tonalité chez le social-démocrate allemand Bernd Lange, qui a regretté que «les effets extraterritoriaux des sanctions limitent le champ d'action des entreprises européennes». «L'UE doit devenir plus indépendante, élargir sa gamme d'instruments et repenser le rôle de l'euro», a-t-il plaidé.
«La relation entre partenaires ne peut pas être à sens unique», a encore estimé son compatriote écologiste, Reinhard Bütikofer, membre des Verts/ALE.
«Notre secteur hôtelier est un exemple des dommages causés par les sanctions entre pays tiers, comme celles des Etats-Unis à d'autres Etats», a de son côté tweeté l'eurodéputé espagnol de droite Gabriel Mato Adrover (PPE).
«L'application extraterritoriale de sanctions est contraire au droit international, et la Commission européenne est déterminé à contrer leurs effets sur les entreprises de l'UE», a pour sa part assuré Mairead McGuinness, la commissaire européenne aux Services financiers, à la Stabilité financière et à l'Union des marchés des capitaux.
Vous avez dit sanctions ?
Ces récentes interventions alimentent un dossier plusieurs fois abordé par le passé au sein de l'europarlement. De fait, le contexte commercial entre les Etats-Unis et l'UE a été rythmé par de nombreuses tensions au cours de la présidence de Donald Trump. En témoigne par exemple la ferme opposition de l'administration américaine au projet gazier Nord stream 2, qui a motivé Washington à décréter des sanctions à l'encontre des entreprises opérant sur le gazoduc russo-européen, auquel participent notamment Engie et quatre partenaires énergéticiens allemands, autrichien et néerlandais.
Autre exemple des mesures punitives américaines affectant directement certains acteurs économiques du Vieux continent : le retrait des Etats-Unis de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, depuis lequel Washington s'est doté d'une politique de sanctions visant toutes les entités qui souhaiteraient poursuivre une activité commerciale avec Téhéran. Entre autres conséquences directes d'une telle annonce, le groupe pétrolier français Total avait par exemple été contraint d'abandonner, au mois d'août 2018, des projets d'investissement en Iran de plusieurs milliards de dollars.
Si des eurodéputés espèrent une réaction forte de Bruxelles face à cette politique de sanctions américaines, le dossier s'avère particulièrement épineux pour l'exécutif européen, qui doit composer avec les 27 Etats membres de l'UE, dont les intérêts commerciaux divergent à bien des égards. «Certains ont énormément de mal à se projeter dans un bras de fer avec Washington», relève par exemple Ouest France ce 17 décembre.
En outre, alors que certains eurodéputés appellent aujourd'hui à considérer «la souveraineté de chacun» et que la commissaire européenne Mairead McGuinness dénonce une «application extraterritoriale de sanctions contraire au droit international», il semblerait que la sensibilité des institutions européennes à ce sujet varie selon les entités sanctionnées... par l'UE elle-même ! En tout état de cause, le respect des souverainetés ici défendu tranche avec le recours régulier de Bruxelles à des sanctions d'ordre économique, dans le but revendiqué d'affaiblir certains gouvernements de part et d'autre du globe.