Au Burkina Faso, près de 6,5 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes le 22 novembre 2020 afin d’élire leur président mais aussi les 127 députés de l’Assemblée nationale. Malgré les tensions sécuritaires auxquelles fait face le pays, le scrutin s’est dans l’ensemble déroulé dans le calme.
Le dépouillement a débuté à 18h (heure locale). Si les résultats ne sont pour l’heure pas connus, l’actuel président Roch Marc Christian Kaboré, qui brigue un second mandat, semble se détacher des douze autres personnalités en lice. Le chef de l’opposition Zéphirin Diabré et Eddie Komboïgo, candidat du parti de l'ancien président Blaise Compaoré, recueilleraient aussi de nombreuses voix, selon l’AFP.
Zéphirin Diabré a alerté quant à un risque de «fraudes massives pour légitimer» une victoire de Roch Marc Christian Kaboré. «Nous n'allons pas accepter des résultats entachés d’irrégularité. Nous sommes prêts à perdre à la loyale, assure-t-il, mais nous n’accepterons pas de nous faire voler la victoire.»
Des électeurs empêchés de voter ?
A Ouagadougou, la capitale, le vote a pu se tenir sans encombre. Cependant, selon le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Newton Ahmed Barry, «autour de 300 à 350 000» personnes n'ont pas pu voter dans les régions en raison des menaces sécuritaires», a indiqué celui-ci à la télévision nationale dans la soirée du 22 novembre.
Plus tôt dans la journée, Newton Ahmed Barry a indiqué que durant le scrutin, «des individus ont interdit aux populations de prendre part au vote». Ils auraient «dit à des populations que celui qui plonge son doigt dans l'encre indélébile peut dire adieu à son doigt». Pour voter, les électeurs ont dû tremper leur doigt dans de l'encre, et l'apposer dans la case jouxtant la photo du candidat à qui ils souhaitaient accorder leur voix. Selon le philosophe et chercheur en sciences humaines Lazare Ki-Zerbo, les menaces pourraient être «un facteur limitant» sans remettre «fondamentalement en cause ce scrutin».
Dans les zones touchées par les attentats et exactions djihadistes, les autorités ont affirmé que des forces de sécurité avaient été déployées pour sécuriser le scrutin. A Arbinda, ville du nord où 35 civils et 7 militaires avaient été tués en décembre 2019, «en temps normal on a cent bureaux de vote mais on a pu [en] ouvrir vingt-cinq», selon la CENI.
A Tin-Akoff, aucun bureau de vote n'a ouvert, selon Newton Ahmed Barry. Quatorze soldats y avaient été tués dans une embuscade durant la campagne électorale. «Même quand l'armée sécurisait, personne ne voulait y aller. On a eu des difficultés à trouver du personnel qui acceptait de rester dans les bureaux.»
«Le Sahel tout entier, du Nigeria au Mali, est fragilisé par ces attaques, par ce délitement de l’Etat parce que nos armées n’étaient pas préparées à ce défi, qui est lié à une menace asymétrique, ou l’ennemi peut être à côté de vous», explique Lazare Ki-Zerbo.
Début novembre, la Cour constitutionnelle estimait que l'élection ne pourrait se tenir que sur 17,7% du territoire, faute d'une présence de l'Etat, administrative et sécuritaire, suffisante.
A Ouagadougou, des hélicoptères transportant du matériel électoral, selon les autorités, ont été entendus le jour du vote. Les appareils transportaient des urnes et du personnel depuis les bureaux des zones enclavées où les groupes djihadistes sèment la terreur.
Violences djihadistes et conflits intercommunautaires
Le Burkina Faso est en proie depuis 2015 à des enlèvements et attaques terroristes. Une douzaine de groupes djihadistes y agissent, affiliés à Al-Qaïda ou à Daesh.
Le 15 janvier 2016, un attentat contre l'hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou a fait 30 morts, majoritairement des Occidentaux.
Depuis cinq ans, les violences djihadistes entremêlées à des conflits intercommunautaires ont fait plus de 1 200 morts et plus d'un million de déplacés.
En raison de l'insécurité, des pans entiers du pays restent inaccessibles.